Al-Ahram Hebdo, Evénement | La pénurie gagne en ampleur
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 19 au 25 mars 2008, numéro 706

 

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Approvisionnement. Les files d’attente devant les boulangeries qui vendent du pain subventionné se multiplient et deviennent un lieu de bousculade et de bagarres. 15 personnes y ont trouvé la mort. Le gouvernement tente de contenir la crise. En vain.

La pénurie gagne en ampleur 

Il est 5h du matin. A Abbassiya, à l’Est du Caire. En face d’une boulangerie, une file d’attente est déjà formée. La majorité, sinon le tout, est constituée de personnes défavorisées qui attendent pour acheter du pain, à entendre au prix subventionné. C’est le moins cher du marché, vendu à 5 piastres la galette. On voit deux files, une pour les femmes, et l’autre pour les hommes. Le calme règne. Personne ne bouge. Le pain n’est pas encore disponible.

Il est 6h. Le boulanger apparaît sur la scène tenant à la main la première planche de pain. Les cris des clients se mêlent, lui demandant de se dépêcher pour pouvoir se rendre à leur boulot. Le boulanger affirme, comme il le fait chaque jour, qu’il ne vend pas plus de 20 galettes par personne. « Ma famille est composée de six membres. Cette quantité n’est pas suffisante. Pour en avoir, je me fais accompagner par mes trois enfants dans la queue », explique Mona, enseignante. Les femmes et les hommes se bousculent, de façon à ce que les rangs se mêlent. On a l’impression que les petits enfants sont écrasés sous les pieds. Seules leurs petites mains se voient, entre les jambes de la foule, tenant un billet d’une livre. On entend seulement leurs voix suppliant « Am Sayed », le boulanger, de les secourir et de leur donner le pain, pour pouvoir, eux aussi, aller à l’école. La personne qui réussit à acheter le pain sort de la foule, très heureuse comme si elle avait remporté un trophée.

Le temps passe, la tension atteint son apogée. Il ne reste que deux heures, et le boulanger va fermer ses portes. Tout d’un coup, il suspend la vente pour une dizaine de minutes. Un moment durant lequel deux hommes sont venus transporter une dizaine de sacs de farine. « Le prix d’une tonne de farine subventionnée est de 16 L.E., transformée en pain, elle ne rapporte que 10 L.E., alors qu’on la vend à 300 L.E. au marché noir », explique un boulanger. Tout se passe très rapidement, car les contrôleurs de l’Approvisionnement peuvent venir à tout moment. Quelques clients achètent. Il reste encore une soixantaine de clients, qui attendent depuis des heures, sous le soleil. Ils sont surpris par la déclaration du boulanger de fermer. Il n’est pas encore 14h. La foule supplie le boulanger de lui produire plus de pain. Mais, en vain. Il lui affirme que la quantité de la farine que l’Etat lui a accordée est achevée. Ce qui soulève les protestations de la foule. « On n’a pas les moyens d’acheter le pain non subventionné, dont le prix varie entre 25 et 50 piastres la galette », souligne Ali Al-Mahdi, fonctionnaire. Il gronde et commence à insulter le boulanger tout en dénonçant l’absence de tout contrôle.

 

De vraies échauffourées

Les bagarres devant les boulangeries de pain subventionné sont devenues quotidiennes et font la une des journaux. Au moins 15 personnes qui tentaient d’acheter du pain sont mortes dans plusieurs régions d’Egypte. Il y a encore quelques jours, la police a été envoyée dans la banlieue de Hélouan, au sud du Caire, pour empêcher que les funérailles de deux jeunes hommes ne finissent en vendetta généralisée : les deux victimes ont été tuées lors d’une bagarre pour le pain qui a dégénéré en bataille rangée entre deux familles qui a également fait 17 blessés.

A part ces heurts parfois meurtriers, des manifestations sont aussi organisées. Au village de Kafr Hassan, dans le gouvernorat de Gharbiya dans le Delta, 300 personnes ont manifesté leur colère devant le siège de la direction de l’approvisionnement contestant la pénurie du pain. A Kafr Al-Cheikh, un citoyen qui n’arrivait pas à acheter du pain a dressé un procès-verbal contre les responsables de l’approvisionnement et les boulangers.

Cela fait plus de deux mois que la crise du pain subventionné a commencé. Le pays assiste depuis le début de l’année à une hausse des prix des produits de base, notamment le riz et les pâtes. Les salaires n’ont pas augmenté. Il devient de plus en plus difficile pour les gens de survivre. Ils ont recours à acheter plus de galettes de pain pour répondre aux besoins de leur famille, alors que la quantité de la farine accordée par le gouvernement est restée la même.

 

Le gouvernement s’explique

Le ministère de la Solidarité sociale nie le fait qu’une faible subvention de la farine soit à l’origine de la crise. Il affirme au contraire qu’il y a un surplus de farine consacrée à la production du pain subventionné. « Le gouvernement dépense 12 milliards de L.E. par an pour subventionner le pain. 120 000 tonnes de farine sont distribuées quotidiennement à 17 500 boulangeries de la République. Elles produisent 210 millions de galettes pour répondre aux besoins de 70 millions de personnes », se défend un haut responsable au ministère de la Solidarité sociale, tout en affirmant que la crise est due à plusieurs causes. Selon le premier ministre, Ahmad Nazif, c’est « la hausse des prix du blé sur les marchés mondiaux qui est à la base du problème, vient ensuite le trafic de la farine subventionnée ». Pour solutionner le problème, le gouvernement a décidé de séparer la production de la distribution. La Société des Egyptiens pour la distribution des services vient de voir la lumière. « Nous sommes chargés de prendre le pain subventionné des boulangers et de le distribuer à travers des points de vente dépendant de la société », explique le directeur tout en affirmant qu’un seul point de vente a été créé à Madinet Nasr. Une région qui ne souffre pas assez de la crise par rapport aux quartiers populaires du Caire !

Mais l’opposition tire à boulets rouges sur le gouvernement. Pour elle, cette crise émane de l’échec des politiques gouvernementales. « La décision du gouvernement il y a deux ans de ne plus acheter le blé aux agriculteurs égyptiens sous prétexte que son importation est beaucoup moins chère est à la base de la crise. Ainsi, la production locale de blé a-t-elle beaucoup diminué. Peu sont les agriculteurs qui cultivent le blé. Ils préfèrent cultiver des fruits pour les exporter. Aujourd’hui, le gouvernement encourage les paysans à cultiver le blé et leur promet de l’acheter à un prix alléchant », dénonce Hamdi Hassan, député islamiste qui a présenté une interrogation au gouvernement sur cette crise et sur le nombre de victimes des files d’attente en demandant de les considérer comme martyrs.

Dans une tentative de remédier à la crise, le président de la République a appelé, dimanche, les forces armées et le ministère de l’Intérieur à intervenir dans la production et la distribution du pain. Le ministère de la Défense avait déjà commencé depuis le premier mars à produire 2 millions de galettes par jour et à les distribuer dans 6 quartiers du Caire. Mais, le problème persistait toujours.

Pour leur part, les citoyens paralysés face à cette crise n’ont d’autres choix que les files d’attente quotidiennes. Ils attendent les élections municipales prévues le 8 avril pour régler leur problème. « Nous n’allons pas voter. Notre voix sera accordée contre 100 galettes de pain », concluent les citoyens.

Héba Nasreddine


 

La grogne des hommes en blanc

Une atmosphère de tension règne depuis quelques jours dans le siège de l’Ordre des médecins au centre du Caire, entouré par un dispositif sécuritaire important.

La flambée des prix des produits de base depuis le début de l’année provoque une grogne sociale en Egypte, avec des heurts parfois meurtriers et des menaces de grèves en cascade. Les médecins ont rejoint les ouvriers et employés du secteur public dans leurs revendications salariales et veulent organiser une grève pour faire pression sur le gouvernement.

Le premier ministre, Ahmad Nazif, avait rappelé la semaine dernière que la loi égyptienne ne reconnaît pas le droit à la grève, « notamment dans le secteur sensible de la santé ». Nazif a ajouté sur un ton ferme que forcer la main n’était pas le meilleur moyen pour obtenir ses droits, et a appelé les médecins à négocier avec le gouvernement.

De son côté, l’Ordre a décidé d’étudier la question de la légitimité de la grève dans le secteur médical et d’essayer, en attendant, le chemin des négociations. Mais la décision de l’Ordre n’a pas été suivie par tous, certains médecins regroupés au sein du nouveau mouvement « Médecins sans droits » ont organisé samedi un sit-in.

Le cadre salarial « spécial » qu’ils demandaient leur a été refusé par le ministère de la Santé qui leur propose une simple « amélioration » des salaires, une promesse qu’ils jugent insuffisante. L’Ordre des médecins compte environ 175 000 membres, dont 75 % ont moins de 10 ans d’exercice. Le salaire de base mensuel d’un médecin débutant est autour de 200 L.E. Les médecins exigent un salaire minimum de 1 000 livres, ainsi qu’une réduction des frais de formation.

 




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