Fréres Musulmans.
Aux origines de ce mouvement, c’est la figure presque
légendaire de Hassan Al-Banna, dont l’assassinat l’a auréolé
du prestige d’un martyr. Parcours.
Le musulman pur et dur
«
L’imam martyr », « L’inspirateur doué » et « Le maître de la
génération ». Sont tous des surnoms qui ont été donnés au
premier guide suprême, fondateur de la Confrérie : Hassan
Al-Banna, figure mythique, même si elle est, aujourd’hui,
parfois contestée au sein de la Confrérie.
Né le 14 octobre 1906 à Mahmoudiya dans la province
égyptienne de Béheira à l’ouest d’Alexandrie, d’un père
horloger, qui avait aussi des activités religieuses. Il
reçut sa première formation dans son village natal de 1914 à
1918, puis dans la ville de Damanhour, tout en s’initiant au
métier d’horloger et au travail de reliure.
C’est dans l’école de Damanhour qu’Al-Banna commença à
pratiquer la grande passion de sa vie : la réforme des
mœurs. Il sera élu président d’une association pour les
bonnes mœurs, créée à l’instigation de l’un de ses
instituteurs. Un peu plus tard, il participera à une
association contre les violations de la loi, dont les
membres faisaient parvenir de façon anonyme des remontrances
écrites aux personnes suspectées d’avoir enfreint quelques
principes religieux ou moraux.
En 1920, à 14 ans, il décide de s’orienter vers le métier
d’instituteur plutôt que de poursuivre le cycle d’études
préparatoires à Al-Azhar et devient en 1923, le muezzin de
la mosquée de l’école de Damanhour. Fonction qu’il
accomplissait avec zèle. Il protestait par exemple contre
l’horaire des cours qui ne tenaient pas compte des heures de
la prière.
Puis en 1923, il est admis à l’Ecole normale du Caire (Dar
Al-Oloum). En juin 1927, à 20 ans, il obtient le diplôme
final de l’Ecole normale et est nommé instituteur à
Ismaïliya.
La fondation de l’association
Le 11 avril 1929, Hassan Al-Banna fonde l’Association des
Frères musulmans avec une douzaine d’autres personnes . Il
est convaincu que le seul moyen de libérer son pays de la
colonisation culturelle britannique passe par l’émergence de
ce qu’il appelle un islam social. Il s’engage à lutter
contre l’emprise laïque occidentale et contre l’imitation
aveugle du modèle européen.
A partir de cette date, Al-Banna qui a été connu pour son
style très convainquant et efficace, a pu regrouper autour
de lui de nombreux supporters et de nouveaux membres pour le
mouvement des Frères musulmans.
Ses idées étaient fondées sur des principes fixes, à savoir
: la formation d’un « citoyen musulman », d’une « famille
musulmane », « d’une société musulmane » et enfin d’un «
gouvernement musulman ». C’est ainsi qu’a commencé la
confusion entre la religion et la politique, et qu’a été
lancé l’un des plus grands conflits du vingtième siècle en
Egypte autour de cette confusion. Ses adversaires
l’ont considéré d’ailleurs comme étant le fondateur de cet
amalgame politico-religieux présent jusqu’à l’heure
actuelle.
Il prêchait dans des lieux populaires, comme les cafés, le
retour à la pratique religieuse et à l’observance de la loi
islamique. Ce souci de rencontrer les gens directement
restera comme un trait caractéristique de l’action des
Frères musulmans.
Pour lui, la formation des militants était un véritable
cours de théologie : lecture et commentaire du Coran, étude
du hadith, du fiqh, de l’histoire musulmane, de la vie du
prophète Mohamad. Ces enseignements sont accompagnés d’une
formation pratique de communication. Soixante personnes
suivent cette préparation la première année.
En octobre 1932, et avec le transfert du siège des Frères
musulmans au Caire, la popularité de Hassan Al-Banna
augmentait de plus en plus. Il fonde des écoles, des
associations de charité, des dispensaires, des bibliothèques
et des entreprises.
Les Frères Musulmans s’engagent très vite dans le combat
politique. Et c’est le drame de la Palestine qui leur
servira de créneau. Ils soutiendront la cause de la
Palestine arabe dès 1936.
Pendant la seconde guerre mondiale, Al-Banna n’a pas hésité
à lancer une campagne nationaliste contre la
Grande-Bretagne. A la suite d’activités jugées subversives,
il est muté en Haute-Egypte et brièvement emprisonné. C’est
de cette époque que datent ses premiers rapports avec des
officiers égyptiens dont certains deviendront les Officiers
libres qui mèneront la Révolution, tout particulièrement
Anouar Al-Sadate. En 1948, la Confrérie comptait plus de 2
millions de membres répartis à travers toute l’Egypte, ce
qui inquiéta le pouvoir qui a commencé à se rendre compte de
la puissance de ce mouvement. Au mois de mars 1948, ce
dernier exige la remise par la Confrérie de ses armes et
l’intégration de ses unités militaires à l’armée régulière.
Al-Banna ordonne à ses troupes d’obéir, mais beaucoup
refusent et quittent la Confrérie pour créer des groupes
plus radicaux.
Le contrôle de l’organisation commençait alors à échapper à
son guide suprême. Des attentats ont donc commencé à se
succéder. Commençant par l’assassinat du juge Ahmad bey
Al-Khazindar qui avait prononcé une peine de prison contre
l’un des membres de la Confrérie pour avoir attaqué des
soldats anglais. Suivi par l’assassinat de Sélim Zaki,
commissaire de police de la capitale durant une
manifestation. Des conflits qui ont poussé le premier
ministre, Al-Noqrachi pacha , à ordonner la dissolution des
Frères musulmans. Un étudiant, sorti des rangs de ces
derniers, assassine alors le premier ministre trois semaines
plus tard, au moment où Al-Banna cherchait à joindre le
Palais royal pour trouver une issue à la crise.
Les arrestations ont atteint environ 4 000 militants de la
Confrérie en janvier 1949.
Al-Banna vivait alors ses moments les plus difficiles avec
d’un côté ces nombreuses arrestations et de l’autre la
relation enflammée avec le gouvernement. Le 12 février 1949,
Hassan Al-Banna meurt, tué dans un attentat qui aurait été
organisé, par le roi Farouq, pour mettre ainsi fin à la vie
du fondateur de la Confrérie. Une sorte d’auréole entoure
cet homme et le mouvement se disloque pour quelques années.
Jusqu’à présent, Al-Banna reste une figure de proue pour les
Frères, même si un nouveau courant est venu s’instaurer,
celui de Sayed Qotb, devenu véritable théoricien du groupe
que Nasser fera d’ailleurs exécuter.
Chaimaa Abdel-Hamid