Avec une dizaine de films et plus de 25 pièces de théâtre,
le comédien Khaled Saleh
devient une star à 44 ans. Ni jeune premier, ni farceur, il
mise sur le naturel profond.
Le jeu de la polyvalence
La quarantaine dépassée, Khaled Saleh a connu la
consécration. Loin du physique du jeune premier, il a pu
convaincre et devient l’un des comédiens les plus populaires
du cinéma égyptien. En peu de temps, il a réussi à attirer
l’attention de par une panoplie de films et de personnages,
lesquels ont défrayé la chronique. Récemment, on l’a vu
incarner avec brio le rôle de Hatem, le policier corrompu
dans Héya fawda (chaos) de Youssef Chahine et Khaled
Youssef. « C’est le grand succès de ma vie », s’exclame
l’acteur sur un ton jovial, évoquant le policier du Chaos
qui concrétise tous les maux de la société. Il ajoute : «
Etre acteur était le rêve de ma vie, je n’ai cessé de jouer,
de personnifier, depuis mon enfance ».
Un grand amour est né par pur hasard. A la mort de sa mère,
il était en quatrième primaire. Pour surmonter ses peines,
sa famille l’a encouragé à se joindre aux amateurs de son
école pour faire du théâtre. Et de fil en aiguille, il est
reconnu comme l’un des plus talentueux. « Jusqu’au
baccalauréat, on ne faisait que répéter sans jamais
présenter de vrais spectacles. C’était la poisse. Je
n’arrivais pas à concrétiser mon but ultime ».
Khaled Saleh a longtemps zigzagué, avant de trouver sa
place, celle qu’il a mûrement choisie, à la dérobée. Même en
effectuant des études de droit, il n’a pu s’empêcher
d’adhérer à la troupe théâtrale universitaire. « J’ai donné
beaucoup de spectacles avec des futurs comédiens tels
Mohamad Héneidi, Mohamad Saad, Khaled Al-Sawi, Hani Ramzi et
le scénariste Ahmad Abdallah que j’ai rencontrés à
l’université », dit-il, expliquant qu’il passait ses
journées sur les planches au point de ne pas connaître où se
trouvent les amphithéâtres.
Une fois diplômé, il décide de faire carrière d’avocat. Et
effectue un stage dans le cabinet d’un ami. « J’ai pratiqué
le métier d’avocat pendant 20 jours. En touchant mon premier
salaire, c’était la grande surprise : je n’avais droit qu’à
une seule pièce de monnaie ! J’ai alors décidé de renoncer
au rêve d’être avocat et chercher un autre métier qui
pourrait servir de gagne-pain pour un homme marié et
responsable ».
Il a mis de côté aussi ses ambitions d’artiste pour tenir un
commerce avec son frère aîné. Pendant sept ans, il n’a pensé
qu’à subvenir aux besoins de sa famille, mais vers 1994, il
n’a pas tardé à exprimer son ras-le-bol, dévoré par sa
passion. Cette fois-ci, il faut être comédien et jouer sur
les planches du théâtre Hanaguer. « Je considère que c’est
le théâtre le plus important et le plus riche en Egypte. Je
dois à sa directrice Dr Hoda Wasfi beaucoup, car elle a cru
en moi ».
En participant à la pièce de théâtre Toqous al-icharat wal
tahawolat, en 1998, la réalisatrice Ineam Mohamad Ali l’a
sélectionné pour incarner le personnage du poète Maamoun
Al-Chennawi dans un télé-feuilleton sur Oum Kalsoum, la diva
de l’Orient. C’est également, en jouant dans cette même
pièce du dramaturge syrien Saadallah Wannous que le
réalisateur Mohamad Abou-Seif l’a choisi pour les films
Al-Naama wal tawous (l’autruche et le paon) et Khalli
al-démagh sahi (reste alerte).
Une seule scène jouée dans le film comique Mohami kholea a
valu à Khaled Saleh un grand succès, la même année. «
J’interprétais le rôle d’un juge et cette scène unique m’a
introduit aux producteurs de cinéma ». Sans traîner dans les
couloirs des studios ou sur les plateaux, il a pu quand même
persuader dignement les producteurs.
Puis, un beau jour de l’année 2004, se produit un phénomène
que le comédien décrit poétiquement comme « atteindre le
septième ciel ». Sa carrière prend son envol.
Juste après, c’était le rôle d’un officier de la Sûreté d’Etat,
disgracieux et corrompu, dans le film Tito. Un film qui lui
a permis de faire tête d’affiche.
Puis, les succès s’enchaînent avec des fictions comme
Mallaki iskendériya (Alexandrie ... privé), Harb atalia (feu
d’artifice), An al-echq wal hawa (sur la passion et
l’amour), 1/8 de douzaine de vilains, L’Immeuble Yacoubian
...
Chemises et pantalons simples, couleurs sages, Khaled Saleh
surfe sur une vague ordinaire, tout en apportant sa petite
touche personnelle.
Commerçant, homme d’affaires, avocat, comédien de théâtre,
cinéaste et star de télévision, il se raconte, un peu,
revient sur ses débuts, sa carrière, ses rencontres
déterminantes avec des artistes et des professeurs, qui lui
ont ouvert les portes du succès, tel le réalisateur Tareq
Al-Erian qui lui a offert son premier grand rôle. Ce qu’il
tait, par discrétion ou par pudeur sur lui-même, sa vie, ses
qualités humaines et ses talents d’acteur, on le découvre à
travers les commentaires des gens du métier, ses premiers
admirateurs. Que ce soit sur scène ou dans les coulisses,
confie Mazen Al-Gabali, le réalisateur de son film Fattah
eineik (ouvre tes yeux) avec Moustapha Chaabane, « il est
différent. Il respecte son travail et écoute attentivement
les consignes des réalisateurs, contrairement à d’autres
comédiens avec qui j’ai travaillé ».
Sa manière de jouer est aujourd’hui plus profonde et plus
mûre, notamment après sa collaboration avec un nombre de
réalisateurs dont Khaled Youssef qui, selon lui, l’a aidé à
façonner son style et son interprétation en étant à l’aise.
Pour ce, il a accepté de paraître comme invité d’honneur
dans Hina mayssara (sine die).
« Autrefois, mon fils Ahmad me demandait par quoi répondre à
ses camarades de classe lorsqu’on l’interroge à propos de la
profession de son père : avocat, marchand ou acteur ?
Maintenant, lui et sa sœur Aliaa se sont rendus compte que
leur père ne les trompait pas et qu’il a déployé beaucoup
d’efforts pour se faire une place ». Un sentiment de
satisfaction l’emplit, sans pour autant lui faire tourner la
tête. « Avant de se hâter pour faire tête d’affiche, je
devais savourer la profondeur de mes seconds rôles », Et de
conclure : « Ni jeune premier ni farceur, j’ai compris qu’il
fallait miser sur la sincérité du jeu ».
Yasser Moheb