Un grave revirement
Ahmad Y. Al-Qoraï
L’opinion publique mondiale a changé de position face aux
dernières opérations de force déclenchées par Israël dans le
secteur de Gaza sous le nom d’« Hiver chaud ». En effet,
nous étions habitués à voir les organisations civiles, en
particulier en Europe, organiser des manifestations pour
condamner les agressions israéliennes.
Il semble que l’unique explication de ce changement est la
réussite du plan israélien visant à gagner de son côté les
cercles gouvernementaux et civils en Europe et dans d’autres
continents. Et ce, grâce à des
prétentions selon lesquelles le motif de cette guerre serait
de défendre les terres et la sécurité israéliennes. Nous
avons même vu le secrétaire général de l’Onu tomber dans une
erreur grave en répétant dans un communiqué ces mêmes
prétentions sans s’assurer de la vérité. Venant de quelqu’un
qui occupe ce poste, cette erreur diplomatique est
impardonnable. Effectivement, il aurait dû revenir aux
milliers de résolutions internationales promulguées depuis
60 ans, concernant le destin du peuple palestinien et son
droit d’instaurer un Etat indépendant.
Pour démontrer les changements qui se sont produits dans les
positions des cercles internationaux, citons l’exemple du
mouvement international Pugwash. Là, une élite
d’intellectuels égyptiens avait réussi à faire face à
l’influence israélienne sur ce mouvement. Le leader de
l’action égyptienne, Dr Mahmoud Mahfouz, avait choisi ce
mouvement pour de nombreuses raisons :
1. Le mouvement Pugwash était énormément estimé par l’Otan
et le Pacte de Varsovie en tant que canal non officiel de
contact entre eux dans l’objectif de dépasser les impacts de
la guerre froide.
2. Les grands problèmes concernant la course pour l’armement
et la sécurité mondiale étaient traités par les grands
conseillers des deux pactes par l’intermédiaire du mouvement
international Pugwash, avant de
les exposer au niveau gouvernemental.
3. Les grands experts de l’Otan, du Pacte de Varsovie, des
Etats européens et de toutes les grandes puissances
participaient à ces efforts. Il était donc important de
mettre en lumière la question du Proche-Orient dans le cadre
de l’équilibre mondial.
4. Israël jouait un rôle important dans ce mouvement, ce qui
a augmenté son influence sur les dossiers de l’armement, de
la sécurité mondiale et par conséquent du Proche-Orient.
C’est alors qu’en 1970, un groupe d’intellectuels égyptiens
a décidé de fonder un mouvement Pugwash égyptien avec le Dr
Essameddine Galal comme secrétaire général et président de
la délégation égyptienne dans les réunions internationales.
En 3 ans, le mouvement égyptien avait réussi à réaliser ses
objectifs en intervenant dans tous les programmes du
mouvement international. De plus, le Dr Essameddine Galal
avait été élu membre du comité de direction du mouvement
international et qui comprend 7 membres représentant les
grands Etats. Il a occupé ce poste pendant toute la période
de la guerre froide, c’est-à-dire pendant 20 ans, alors
qu’Israël n’a jamais atteint ce niveau de direction. C’est
ainsi que la question du Proche-Orient est devenue une des
clauses permanentes dans le programme du mouvement et la
présence israélienne a été limitée malgré les tentatives
acharnées du lobby sioniste au sein des délégations
américaines et soviétiques.
Après avoir acquis cette position importante dans le
mouvement international, l’étape suivante était de soutenir
un petit organisme formé d’Etats en voie de développement à
l’intérieur du mouvement Pugwash pour l’encourager à adopter
les problèmes du tiers-monde. C’est alors que le
représentant de l’OLP a participé au mouvement malgré une
large opposition. Et ensuite le mouvement africain Pugwash a
été fondé en 1973. Le groupe égyptien a alors développé et
soutenu le groupe africain dans l’objectif de défendre les
intérêts communs et de réaliser une coordination avec les
pays non-alignés, en particulier l’Inde, le Pakistan, le
Mexique ainsi que d’autres grands Etats. C’est ainsi qu’a
été introduit le premier organisme régional dans l’histoire
du mouvement international Pugwash et la direction du
mouvement a été reformulée pour comprendre la participation
du Sud grâce aux efforts de la délégation égyptienne.
Après la guerre froide, le rôle et le pouvoir de Pugwash ont
radicalement changé pour se transformer en centre d’études
et d’échange d’expériences. Le mouvement a également perdu
son influence aux niveaux officiel, national et
international.
Et avec les mutations qui sont intervenues dans la situation
internationale à cette époque, en particulier les problèmes
de sécurité et la faiblesse de certaines organisations comme
le non-alignement, la Ligue arabe et l’Union africaine,
a surgi l’importance de réactiver
le mouvement Pugwash africain. En effet, il fallait que
l’opinion arabo-africaine se trouve un moyen de traiter avec
les réalités d’un nouveau monde unipolaire, avec la
mondialisation et les crises économiques et sociales. C’est
de là qu’est née, du Pugwash africain, l’Association des
études africaines, arabes et internationales. Les efforts de
cette association se sont concentrés sur les questions de
l’indépendance, du développement et de la participation au
niveau non gouvernemental. Ces efforts ont également eu des
échos au niveau officiel par l’intermédiaire de l’Unesco,
des organisations de l’Onu pour le commerce, le
développement et le désarmement, etc.
L’activation et le développement de cette association
peuvent constituer le point de départ du mouvement de la
société civile arabe et africaine visant à faire face à la
réussite d’Israël à mobiliser l’opinion publique mondiale au
profit de ses guerres et agressions. Et ce, en tant que
premier partenaire stratégique des Etats-Unis.