Municipales.
Le dépôt des candidatures pour les élections prévues le 8
avril a commencé au niveau des commissions. Reportage à Kafr
Al-Zayat, dans le gouvernorat de Gharbiya, un jour de remise
de dossiers.
L’opposition fait la queue
Il
est 8h du matin. La ville de Kafr Al-Zayat, au gouvernorat
de Gharbiya, à 120 km au nord du Caire, s’est transformée en
une caserne policière. Cela fait 5 jours que le dépôt des
candidatures pour les élections municipales est ouvert et
c’est la même scène qui se répète. Des blindés sillonnent
les rues de la ville. Tous les accès menant au siège du
Conseil municipal sont bouclés par des cordons de sécurité.
C’est au siège du conseil que se trouve la commission
chargée de recevoir les demandes de candidatures aux
élections. Plusieurs centaines d’agents de police et des
officiers occupent les lieux. Seuls les employés et les
membres de la commission peuvent passer, mais pas avant de
montrer leurs cartes d’identité à la sécurité. « Les
personnes qui souhaitent présenter leurs dossiers de
candidatures ne sont pas autorisées à entrer (!) », déclare
Réda Mohamad, membre et candidat du parti du néo-Wafd. Ni
lui, ni ses 9 collègues, candidats du parti, n’arrivent à
accéder à la commission. Réda raconte que cette scène se
répète inlassablement depuis l’ouverture des dépôts de
candidatures. « Tous les jours, nous venons pour présenter
nos demandes de candidature mais il n’y a rien à faire. Nous
n’arrivons même pas à rencontrer le président de la
commission dans la rue. A son arrivée et à sa sortie, il est
escorté par des policiers », dénonce-t-il.
Il est 9h. Les candidats commencent à affluer pour réserver
leur place devant le siège du Conseil municipal. La queue
est déjà très longue. Plusieurs dizaines de personnes
(censées être des candidats) ont pris place dans la file
d’attente. Elles sont d’âges différents. Elles tiennent
chacune une enveloppe jaune. Ce qui retient l’attention
c’est que les enveloppes sont identiques, même couleur et
même forme. Et on voit bien qu’elles sont vides ! « Ce sont
des partisans du PND. On les a payés pour nous retarder et
nous empêcher d’accéder à la commission », explique Réda,
qui n’a d’autre choix que de prendre son tour dans cette
longue file d’attente. Quelques minutes après, des candidats
des Frères musulmans arrivent sur les lieux. 150 membres de
la confrérie doivent se présenter aux élections. Ils sont
venus accompagnés d’un millier de partisans. Ils
s’installent devant le siège de la municipalité.
Quelques-uns feuillettent les journaux, d’autres discutent.
Après un quart d’heure, on leur apprend que l’un de leurs
candidats a été transféré à l’hôpital. Il a été blessé après
s’être disputé avec des baltaguis (hommes de main), alors
qu’il essayait de présenter ses papiers de candidature. «
Cet incident s’inscrit dans le cadre des intimidations
commises par le régime contre nous pour nous obliger à
abandonner les élections », souligne Ibrahim Zakariya,
député des Frères musulmans à Tanta, capitale du gouvernorat
de Gharbiya. Il affirme que de tels incidents sont
prévisibles car, selon lui, les Frères ont « une forte
présence dans le gouvernorat ». « Nous avons pu remporter 10
sièges lors des élections législatives dans ce gouvernorat.
Nous avons 800 candidats pour les élections municipales. Le
régime nous craint. Il fait tout pour nous empêcher de nous
présenter aux élections. Dans une période de 5 jours, 60
potentiels candidats de Gharbiya ont été arrêtés, dont deux
ont été kidnappés dans la rue », assure le député. Les
membres arrêtés de la confrérie ont fait des procurations à
des avocats pour poursuivre les procédures de candidature
tout en étant derrière les verrous.
Il est 10h, les portes de la commission sont toujours
fermées alors qu’elles devaient s’ouvrir déjà depuis une
heure. Les membres de la commission ne sont pas encore
arrivés. Les candidats commencent à s’énerver. Ils ne
veulent pas perdre du temps pour rien. Les Frères commencent
à lire le Coran et à invoquer Dieu à haute voix en lui
demandant de leur accorder « la victoire contre les injustes
» dans une claire allusion au régime.
Quelques minutes supplémentaires passent et les membres de
la commission commencent à faire leur apparition. Pourtant,
les candidats sont toujours interdits d’accéder au siège du
Conseil municipal par la police. Tout d’un coup, une
centaine de faux candidats envoyés par le PND commencent à
s’affairer suite à un simple signe d’un des officiers. Ils
se dirigent vers la municipalité. Les portes d’une grande
salle d’attente s’ouvrent pour les accueillir. Ils entrent
deux à deux. Et, les portes se referment. Les candidats des
Frères qui suivent le spectacle à l’extérieur manifestent
leur colère. Ils brandissent des slogans
anti-gouvernementaux dans le silence. « Nous ne voulons pas
provoquer la police et lui donner l’occasion d’utiliser la
répression et arrêter nos candidats », affirme Waël Choura,
candidat islamiste.
Les heures passent et rien ne change. Il est 13h. Les
membres de la commission sortent. Difficile de rencontrer le
président, accompagné du sous-secrétaire du PND, il affirme
à Al-Ahram Hebdo : « Seuls 10 candidats se sont présentés
aujourd’hui, mais personne n’est accepté, car personne n’a
apporté les documents nécessaires ! ».
On voit ensuite les faux candidats sortir. Joyeux, ils se
saluent et confirment leur rendez-vous du lendemain.
De leur côté, les candidats des Frères se dirigent vers le
Parquet et dressent des procès-verbaux pour envoyer leurs
dossiers de candidatures. « Le gouvernement veut nous
empêcher de nous présenter aux élections pour favoriser les
candidats du PND. Mais, nous ne quitterons jamais le champ
et nous remporterons un succès », assurent-ils, en menaçant
que leur politique pacifique ne durera pas longtemps.
Héba
Nasreddine