Serbie.
Boris Tadic a remporté le second tour des présidentielles
dimanche dernier. Les électeurs ont ainsi retenu la voie
européenne.
Le choix de l’Ouest
Exprimant
leur volonté de voir leur pays rejoindre l’Europe des 27,
les Serbes ont fait leur choix en donnant, dimanche dernier,
la victoire au président sortant, Boris Tadic, favorable à
l’Union Européenne (UE), au second tour d’une présidentielle
serrée qui l’opposait à un euro-sceptique pro-russe,
Tomislav Nikolic. « Les élections sont finies et je peux
vous annoncer que nous les avons gagnées tous ensemble. Nous
sommes une démocratie européenne », a déclaré, lundi matin,
Tadic réélu à la tête du pays avec 51 % des voix contre son
adversaire (48 %) bien que ce dernier ait remporté le
premier tour il y a deux semaines. Même scénario des
présidentielles de 2004, où Tadic a remporté le second tour
après avoir été battu par Nikolic lors du premier tour.
Déçu, Nikolic a reconnu, lundi, sa défaite, appelant ses
partisans à garder le calme. « Tadic a gagné, je lui
présente mes félicitations », a-t-il dit. La participation a
été de près de 67 %, contre 61 % au premier tour, soit le
taux le plus élevé depuis l’élection de 2000 qui avait
chassé du pouvoir Slobodan Milosevic. Ce qui met à nu
l’importance de cette élection considérée comme « la plus
incertaine » de l’histoire récente de la Serbie.
Selon les analystes, ce scrutin est le plus important depuis
2000 pour deux raisons : premièrement, il prend l’allure
d’un véritable référendum populaire pour ou contre
l’intégration de la Serbie à l’UE. Deuxièmement, le résultat
de ce scrutin va préciser la politique de Belgrade quant au
statut de la province du Kosovo qui va proclamer son
indépendance dans quelques jours. Le vainqueur va largement
peser sur l’avenir de l’ancienne République yougoslave et
aura la charge de réagir à l’indépendance de cette province.
Même si les deux candidats à la présidentielle serbe
s’opposent à l’indépendance du Kosovo, la perspective de
l’élection de Nikolic inquiétait davantage les Occidentaux
qui craignaient que ce dernier ne fomente des troubles sans
merci après l’indépendance de la province. Par contre, Tadic
semble disposer à obtenir de son peuple qu’il accepte la
sécession de la province albanophone afin de ne pas
hypothéquer l’avenir des relations de Belgrade avec l’UE car
il est persuadé que la Serbie n’a d’autre voie que
l’intégration européenne. Sinon, le pays replongerait dans
l’isolement qu’elle a connu sous Milosevic en raison des
guerres et des sanctions internationales.
Soucieux de prouver le sérieux de leur engagement envers la
Serbie, les 27 ont envoyé, jeudi dernier, à Belgrade, le
vice-président de la Commission européenne, Franco Frattini,
pour engager des discussions sur la libéralisation du régime
des visas entre l’UE et la Serbie. Une première offre
alléchante à présenter aux Serbes pour les encourager à
opter pour la voie européenne, à quelques jours du second
tour. « Nous savons que 70 % des jeunes de Serbie n’ont
jamais voyagé à l’étranger. C’est inacceptable et nous
voulons corriger cela », a déclaré M. Frattini.
Le Kosovo, enjeu majeur
En effet, le scrutin serbe intervient à un moment crucial
alors que les leaders albanais du Kosovo s’apprêtent à
proclamer après la présidentielle serbe, l’indépendance de
leur province administrée par l’Onu depuis la fin du conflit
de 1998-1999 entre les forces serbes et les séparatistes
albanais. A la veille du scrutin, les dirigeants kosovars
ont affirmé qu’ils attendaient seulement le résultat du vote
pour fixer la date de l’indépendance. Les autorités
kosovares ont dit qu’en cas de victoire de Tadic, elles
attendraient quelques semaines, comme le souhaitait l’Union
européenne. Mais, si Nikolic avait gagné, les Kosovars
auraient entendu proclamer très vite leur indépendance pour
barrer vite la route à toute tentative du régime visant à
avorter le rêve de l’indépendance. « La victoire de Tadic
est prometteuse pour les Kosovars car il est prêt à
dialoguer, à accepter des concessions sur le Kosovo en
contrepartie de l’adhésion de son pays à l’UE. Tôt ou tard,
il acceptera l’indépendance. Pourtant, Nikolic, une fois
réélu, ne ferait qu’enliser le pays dans un gouffre sans
fond. Il pourrait même s’allier à la Russie et recourir à la
force pour reprendre la province sécessionniste », analyse
le Dr Hicham Ahmad, professeur à la faculté de sciences
politiques et économiques, à l’Université du Caire.
Mais, il semble que les Kosovars ne sont pas disposés à
céder leur rêve. Leur choix est fait, quel que soit le
résultat du vote serbe. « L’indépendance pourrait arriver
dans une quinzaine de jours que ce soit Tadic ou Nikolic qui
gagne. Les développements en Serbie n’ont aucune influence
sur le Kosovo », a affirmé le premier ministre kosovar,
Hashim Thaçi, à la veille du scrutin.
Quant aux 27, ils n’ont pas caché leur joie après le choix
de Tadic. Déjà, ils suivaient le vote avec d’autant plus
d’attention qu’ils doivent envoyer prochainement une mission
au Kosovo pour prendre la relève de celle de l’Onu. « La
présidence européenne salue le fait que le peuple serbe
semble avoir confirmé son soutien à la voie démocratique et
européenne suivie par son pays », précise dimanche un
communiqué qui redit la volonté de l’UE de voir Belgrade se
rapprocher d’elle. Les Européens craignaient qu’une défaite
de Tadic face à Nikolic ne vienne compromettre
l’indépendance du Kosovo, soutenue par les Etats-Unis et
l’UE même si plusieurs pays de l’Union européenne redoutent
qu’une proclamation unilatérale d’indépendance de cette
province ne déstabilise la région et crée un précédent dont
pourraient s’emparer d’autres minorités séparatistes. « On a
en gros trois arguments : certains pays craignent qu’une
déclaration unilatérale ne menace la paix dans les Balkans,
d’autres qu’elle ne provoque un précédent fâcheux sur le
plan du droit international et enfin on a l’Espagne,
confrontée en interne à des mouvements indépendantistes », a
expliqué une source diplomatique européenne à Athènes.
Maha
Al-Cherbini