Le président de l’Assemblée du peuple,
Ahmad Fathi Sourour,
revient sur la crise avec le Parlement européen, dont le
président, Hans-Gert Pöttering, est attendu au Caire le 24
février.
« Nous sommes pour le dialogue
avec l’Union européenne »
Al-Ahram Hebdo : On a accusé l’Assemblée du peuple d’avoir
eu une réaction exagérée après la publication du rapport
européen sur la situation des droits de l’homme en Egypte.
Qu’en pensez-vous ?
Ahmad Fathi Sourour :
Ces accusations ne sont pas objectives. Toute personne
objective sait très bien que le rapprochement
égypto-européen implique une relation basée sur l’égalité et
le respect mutuel. Le fait que l’Egypte a signé un plan de
travail conjoint pour mettre en œuvre une politique de bon
voisinage avec l’Europe ne signifie pas qu’elle doit subir
l’hégémonie européenne. Ce plan doit être appliqué dans un
cadre bilatéral entre l’Egypte et l’Europe et régi par le
traité de partenariat entre les deux parties. Le prélude du
plan de travail signale que l’Egypte et l’Union européenne
sont deux partenaires principaux ainsi que deux voisins
proches qui s’engagent à renforcer leurs relations
politiques, économiques et sociales en vertu de la stratégie
de partenariat. Tout ceci s’oppose à l’initiative du
Parlement européen, qui a pris une décision sans
concertation avec l’Egypte et comprenant des informations
erronées. C’est un fait qui contredit la logique du
partenariat. On ne s’attendait pas à ce que le Parlement
européen utilise la politique de deux poids, deux mesures
dans une question délicate comme celle des droits de
l’homme. On ne s’attendait pas à ce qu’il ferme les yeux sur
les violations des droits de l’homme en Palestine.
— L’Assemblée du peuple a décidé de boycotter les
réunions du Parlement euro-méditerranéen et celles de l’UE.
dans la période à venir. Où en est la situation actuelle,
surtout à la veille de la visite du président du Parlement
européen ?
— Cette décision n’est pas un boycott final. L’amitié et le
partenariat ne peuvent être rompus à cause d’une crise
passagère. L’Assemblée du peuple n’a pas pris la décision de
boycotter les réunions du Parlement européen ni celles du
Parlement euro-méditerranéen. L’Assemblée du peuple a publié
un communiqué pour dire simplement, nous étudions la
question. Ce communiqué me mandate pour prendre les mesures
appropriées dans le cadre d’un dialogue et loin de la
politique des diktats. La situation s’est vivement améliorée
après la visite de la vice-président du Parlement
euro-méditerranéen et la question sera totalement réglée
lors de la visite du président du Parlement européen le 24
février.
— Comment, selon vous, peut-on éviter que de telles
crises se répètent à l’avenir ?
— Nous tâchons de présenter au Parlement européen des
informations justes. Mais une telle crise peut se répéter si
les raisons qui ont mené à la publication du rapport
précédent existent toujours. Car nombreux sont ceux qui
veulent défigurer les réalités. C’est pourquoi nous pensons
qu’il faut poursuivre le dialogue entre les deux parties.
— Passons à un autre sujet. L’Assemblée du peuple est
accusée de faiblesse en matière de contrôle sur le
gouvernement à cause de la domination du PND. Qu’en
dites-vous ?
— Si le PND domine l’Assemblée du peuple, c’est le résultat
des élections législatives. C’est la volonté du peuple, que
peut donc faire le Parlement ? Cependant, le contrôle
parlementaire sur le gouvernement n’est pas faible. Il émane
tant de la majorité que de l’opposition. Or, la majorité ne
présente pas d’interrogations au gouvernement. Le contrôle
parlementaire se mesure par la capacité d’affronter le
gouvernement et de suivre l’exécution de son programme. Ceux
qui croient que le contrôle parlementaire se mesure par
l’intensité des affrontements entre le Parlement et le
gouvernement ont tort. La coopération entre les deux est
indispensable pour réaliser la stabilité qui permettra au
pays de se développer.
— Mais l’opposition affirme que l’Assemblée du peuple
n’est qu’un outil dans les mains du gouvernement. Qu’en
pensez-vous ?
— Ceux qui font ces accusations ne suivent pas bien les
séances du Parlement. L’Assemblée exerce un contrôle sévère
et ferme sur le gouvernement. L’opposition, quand elle est
incapable d’imposer sa volonté, accuse l’Assemblée d’agir
pour l’intérêt de la majorité. Le Parlement est la voix du
peuple qui l’a élu et il a réussi sa mission. Si
l’opposition ne réussit pas à dominer la volonté de
l’Assemblée à cause de la domination de la majorité, elle
doit comprendre que ceci est le principe de la démocratie.
— Comment expliquez-vous la contradiction que représente
le fait que les Frères musulmans, qui possèdent le plus
grand bloc politique à l’Assemblée avec 88 députés, ne
disposent pas d’un parti ?
— Le terme bloc n’est pas un terme officiel agréé au sein du
Parlement. Nous ne permettons pas son emploi dans les
affaires officielles du Parlement.
— Selon vous, quels sont les principaux défis de la vie
politique en Egypte aujourd’hui ?
— Le principal problème se trouve dans la situation actuelle
des forces politiques. Il y a en Egypte la majorité dirigée
par le PND ainsi que d’autres forces politiques qui évoluent
sous l’étiquette d’« indépendant ». Par ailleurs, il y a
d’autres partis de droite et de gauche. Il y a le parti du
Wafd avec son passé historique qui représente la droite et
il y a le parti du Rassemblement et le Parti nassérien qui
représentent la gauche. Mais malheureusement, ces deux
partis n’ont aucune présence dans la rue égyptienne, ce qui
est fort dommage. Nous devons impérativement avoir une
opposition qui peut revendiquer un jour l’alternance du
pouvoir si elle parvient à faire ses preuves dans la rue.
Mais, elle est aujourd’hui incapable de réaliser ceci. C’est
pourquoi il est indispensable de renforcer ces partis pour
que le PND ne soit pas seul sur la scène. Le PND doit
réaliser par contre que la majorité et l’opposition peuvent
ensemble déterminer la politique de l’Egypte.
Propos recueillis par Magda Barsoum