Al-Ahram Hebdo, Dossier | Combattu par  la mauvaise foi
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 24 au 30 décembre 2008, numéro 746

 

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Dossier

Unesco. Washington et Tel-Aviv s’efforcent de mettre les bâtons dans les roues devant la candidature de Farouk Hosni à la tête de l’organisation internationale. Des pays européens sont entrés dans une valse hésitation.

Combattu par  la mauvaise foi

Il n’est pas étranger aux critiques, dit-on. Et de chaque campagne aussi acerbe soit-elle, Farouk Hosni parvenait à sortir presque indemne. Le voilà, encore une fois, face à une attaque virulente, émanant non de milieux hostiles, mais de l’autre rive de la mer Rouge, en Israël. Une attaque orchestrée par Tel-Aviv et pilotée, semble-t-il, par Washington. L’objectif ultime est d’empêcher le ministre égyptien de la Culture de devenir le nouveau directeur général de l’Unesco. Et la classique accusation à chaque fois que les Israéliens ne parviennent pas à être obéis au doigt et à l’œil est l’antisémitisme.

L’affaire remonte au mois de mai. Hosni, appelé à se prononcer sur la présence de livres israéliens en Egypte, déclare spontanément que s’il en trouve, « il y mettra le feu ». Une formule qui en égyptien voudrait simplement dire qu’il n’existe pas de livres israéliens dans les bibliothèques égyptiennes. Israël y trouve son alibi et ouvre le feu sur le ministre égyptien. L’ambassadeur israélien au Caire, Shalom Cohen, écrit ainsi dans une note confidentielle adressée à son ministère des Affaires étrangères, et publiée par le quotidien israélien Yediot Aharonot, que ces déclarations sont « dures et surtout brutales, de façon à rendre impossible à Israël et à la communauté internationale de poursuivre un agenda normal avec l’Egypte ». Plus encore, le centre Simon Wiesenthal, spécialisé dans la recherche d’anciens criminels nazis, écrit au directeur général de l’Unesco, Koïchiro Matsuura, qualifiant Hosni de « menace majeure aux valeurs de l’Unesco ». Il l’accuse d’être « antisémite » pour avoir invité en Egypte l’écrivain français Roger Garaudy. « Ses préjugés, intolérances, et manque de respect lui excluent toute possibilité de mener le dialogue de civilisation de l’Unesco ». Et donc le centre Wiesenthal « engagera les pays-électeurs sur l’impossible scénario » de Farouk Hosni comme directeur général de l’Organisation onusienne.

On le voit bien, on oublie souvent que c’est lui qui a « œuvré en faveur du patrimoine culturel des juifs d’Egypte et fait restaurer les synagogues ». (Lire entretien page 4). L’accusation d’antisémitisme, ce n’est que l’arbre qui cache la forêt. Les Israéliens sont surtout furieux du rejet de Hosni et des intellectuels égyptiens de toute « normalisation culturelle » avec Tel-Aviv. Voilà 30 ans que l’Egypte et Israël ont signé le fameux accord de paix de Camp David, mais sans véritable rapprochement entre les deux peuples. Des relations politiques existent bel et bien, économiques aussi, mais le culturel est loin d’être surmonté par les Israéliens. Les Egyptiens ont opté pour le boycott des livres, des films et des œuvres israéliens, au moins jusqu’à la fin du conflit palestino-israélien. « Une telle normalisation ne peut avoir lieu qu’après une paix juste et globale », avait déclaré Farouk Hosni. Des mots qui peinent à convaincre des Israéliens, peu soucieux, semble-t-il, de l’impact de leurs pratiques quotidiennes dans les territoires occupés, sur la rue arabe. Et si Hosni décide aujourd’hui de faire le déplacement en Israël, toutes ces accusations cousues de fil blanc retourneront au tiroir. Farouk Hosni « rêve de normaliser les relations » avec Tel-Aviv, écrit cette même presse israélienne qui le cible. Rien à voir donc avec l’antisémitisme, mais de la pure politique. Et pour ce poste de l’Unesco, la politique joue son jeu. Selon un diplomate européen au Caire, « les Israéliens ne veulent pas d’Arabe à la tête de l’Organisation ».

L’Amérique au secours de son allié

C’est donc David contre Goliath, disent en quelque sorte les Israéliens, confortés à ce jour par le soutien des Américains. Selon des informations officieuses, les Etats-Unis auraient épousé le point de vue israélien, ce qui a changé la donne. Tel-Aviv seul ne semblait pas vraiment avoir les moyens d’influencer les électeurs de l’Unesco. Des pressions américaines seraient déployées de manière renforcée sur les pays européens, surtout ceux qui avaient déjà apporté leur appui à la candidature du ministre égyptien. Appelée à se prononcer, l’ambassade américaine au Caire est restée discrète. Un haut responsable de l’ambassade, parlant sous couvert de l’anonymat, a ainsi déclaré que « ce n’est pas dans la coutume des Etats-Unis de faire des commentaires en public sur leur vote des candidats dans les organisations internationales ». Les informations publiées par la presse sont-elle vraies ou fausses ? « No comment ». Des termes diplomatiques qui confortent peu, surtout si l’on sait qu’avec l’Amérique, Israël est l’élément capable de briser n’importe quelle équation. L’Alignement de l’un sur l’autre n’est pas un secret. Ainsi, les Israéliens seraient en train de bien préparer leur dossier avec l’Administration Bush pour qu’enfin la nouvelle Administration Obama, à son arrivée fin janvier, se retrouve devant le fait accompli, avec un Non à l’élection du candidat égyptien. Entre-temps, les actuels responsables américains exerceront toutes formes de pression sur les pays-électeurs, la France en tête. La menace brandie, un retrait américain de l’organisation, à l’instar de 1984 (lire page 5) et donc une suppression des 22 % du financement qu’apportent les Etats-Unis au budget de l’organisation.

Une ambiguïté française

Les Français avaient très tôt affiché leur soutien au candidat égyptien. Un marché aurait été conclu entre les présidents Moubarak et Sarkozy en personne, en vertu duquel Le Caire soutiendrait Straus-Kahn à la tête du Fonds monétaire international et Paris épaulerait Hosni pour succéder au Japonais Koichiro Matsuura en 2009. Des proches du ministre égyptien affirment que le président français lui avait lui-même assuré le soutien de son pays. Des déclarations de hauts responsables français sont ouvertement allées également dans ce sens. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’ambassade de France au Caire, invitée à préciser sa position à la suite de ces « rumeurs de pression », a précisé que « cette élection ne fait que commencer et que le processus de dépôt de candidature n’est pas terminé et dans ce cas, il est évident que nous ne pouvons pas rendre publique une quelconque décision ». L’attaché de presse belge Birgit Stevens a tenu des propos similaires. Des propos trop diplomatiques qui témoignent d’une marche-arrière évidente, au moins par rapport à la première position française. C’est dire, d’une façon peu diplomatique, que la France, qui s’identifiait par son poids culturel et ses idées progressistes mais aussi par son indépendance vis-à-vis des Américains, semble jouer leur jeu. Au lieu de faire l’équilibre sur le plan international, la France de Sarkozy s’engouffre dans cette polarisation pro-israélienne.

En effet, la nomination du directeur général de l’Unesco est effectuée par scrutin au sein du conseil exécutif de l’Organisation. La formule veut que le lauréat doit obtenir au moins la moitié des voix + un, d’un total de 58. Soit 30 voix. L’Egypte a obtenu un soutien ferme à la candidature de Hosni de la part des pays arabes, qui pour une fois ont uni leurs rangs en se mettant d’accord sur un seul candidat après que le Maroc a cordialement retiré sa candidate. Le monde arabe dispose de 7 voix. Le Caire a encore réussi à obtenir le soutien de l’Afrique lors d’une conférence des ministres africains de la Culture en octobre dernier. Les Africains détiennent 13 voix au sein de l’organisation, mais sont la proie facile d’influences. Des pays comme l’Espagne, la Grèce et l’Italie se sont également prononcés en faveur du candidat égyptien. Hossam Nassar, coordinateur de la campagne de Farouk Hosni, estime que « des indices majeurs montrent que nous sommes sur la bonne voie. Nous poursuivons notre campagne assurés des chances de notre candidat et peu soucieux de ce genre de rumeurs ». L’Egypte, en effet, dispose de pas mal de chance. Elle est un des 21 Etats fondateurs de l’Unesco en 1945 et fait partie du monde arabe, à qui, en principe, le prochain mandat devait revenir, puisque les autres groupes géographiques ont déjà été représentés à la tête de l’Unesco. Deux autres candidats de Bulgarie et Lituanie sont en lice avec des chances moins importantes.

Ce n’est pourtant pas dans la poche. Le facteur américain est assez décisif, il faudrait peut-être penser au cas de Boutros Boutros-Ghali qui a été empêché de briguer un second mandant en tant que Secrétaire général de l’Onu à cause surtout des bâtons américains. (Témoignages page 5).

Les plus optimistes comptent d’ailleurs sur le nouveau locataire de la Maison Blanche. Un Obama qui affiche une volonté de réconcilier l’Amérique et le monde, le monde musulman en particulier, ne pourrait entamer son mandat par une crise avec l’Egypte et le monde arabe. « Ça serait un coup de Trafalgar », affirme un proche de la campagne du candidat égyptien. Ce n’est pas un combat sur un simple poste, mais un duel civilisationnel et moral.

Samar Al-Gamal

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