Obama et sa vision du Proche-Orient
Radwan Ziyada
Au
cours de sa campagne électorale, Obama avait fait allusion, voire promis, de
retirer les forces américaines de l’Iraq dans un délai qui sera fixé par les
dirigeants présents sur le terrain. Mais la décision politique et militaire
stipulant le retrait des forces devra déjà être prise. Or, le fossé entre les
républicains et les démocrates semble très profond en ce qui concerne la
situation des forces américaines en Iraq et se prolonge également à une vision
beaucoup plus lointaine se basant sur 3 points : la façon de gérer la guerre en
Iraq, l’amélioration de l’image des Etats-Unis dans le monde entier après les
nouvelles qui se sont répandues concernant Guantanamo, Abou-Gharib et les vols
aériens secrets. Et enfin, la relation entre les Etats-Unis et les autres
institutions, en particulier l’Onu. Ces 3 points résument le dialogue
actuellement en cours à Washington autour de la politique étrangère américaine
dans l’avenir.
Pratiquement
parlant, c’est la position vis-à-vis de ces causes qui déterminera les traits
de la politique américaine envers le Proche-Orient, avec de petites différences
qui ne sortiront pas du cadre général, mais qui reviendront plutôt à
l’expérience personnelle.
La
vision d’Obama met l’accent sur sur la nécessité de reformuler le rôle
coopératif des Etats-Unis dans le monde et de mettre fin à la politique
unipolaire ou la politique d’hégémonie individuelle. En effet, bien que les
Etats-Unis constituent l’unique superpuissance au niveau politique, militaire
et économique, ils ne peuvent pas guider seuls le monde sans entrer en accord
avec les pôles internationaux, en particulier les alliés de l’Union européenne.
Partant de cette conception, il est nécessaire d’étudier avec les alliés la meilleure
politique permettant de mieux gérer la guerre en Iraq et de sortir de ce
marécage. En effet, cette guerre a épuisé le budget américain en gaspillant des
milliards de dollars et a nui à la réputation des Etats-Unis à l’étranger. Cette
guerre a également entraîné une déchirure profonde dans la société américaine
et a causé la perte de confiance entre le peuple américain et son gouvernement,
en particulier quand ce dernier a décidé de s’engager dans cette guerre sans
qu’il y ait de prétextes réels. Le peuple a découvert que les prétentions
concernant l’existence d’armes de destruction massive n’étaient que de purs
mensonges. C’est ce qui a alors empêché les forces américaines de concentrer
leurs efforts en Afghanistan et a permis l’expansion d’Al-Qaëda dans le pays en
contrepartie de la concentration sur le changement du régime de Saddam Hussein
en Iraq. C’est pour cela qu’Obama accorde une priorité à l’Afghanistan et non à
l’Iraq.
Il est
évident que pour changer la réputation des Etats-Unis dans le monde entier, il
faut traiter les autres pays, en particulier leurs alliés classiques, d’une
autre manière. Washington a également besoin de déployer d’énormes efforts pour
améliorer son image à l’intérieur des sociétés musulmanes. Obama a appelé à la
tenue d’un sommet avec les dirigeants du monde islamique pour étudier les
meilleurs moyens d’améliorer l’image des Etats-Unis et pour connaître les
causes de l’inquiétude profonde chez les peuples musulmans envers son pays. De
plus, au cours d’un débat entre Obama et sa concurrente Clinton tenu à Texas
lors des élections préliminaires, on lui a posé une question concernant la
façon avec laquelle il aura affaire avec le nouveau président cubain qui
succédera à Castro et si la rencontre devrait être conditionnée comme l’a voulu
Clinton. Il avait alors répondu que la rencontre ne devait pas être
conditionnée pour ne pas donner l’impression que le président des Etats-Unis
est supérieur aux autres. Il a également annoncé qu’il était prêt à coopérer
avec les Cubains sur de nombreux dossiers qui intéressent les 2 parties, en
particulier les droits de l’homme.
D’un autre côté, en dévoilant les
noms des conseillers d’Obama concernant le Proche-Orient comme Denis Ross et
Kirtz, il semble que l’intérêt des démocrates soit concentré sur le conflit
arabo-israélien. Il est même possible de voir la nouvelle Administration de
plus en plus déterminée à gérer ce conflit et à diminuer la violence qui y
règne. Et ce, en considérant que le règlement de ce conflit est étroitement lié
aux autres évolutions dans la région, en particulier la relation entre le Hamas
et le Fatah.
Quant à la question de la
démocratisation ou de la propagation de la démocratie au Proche-Orient, Obama
et Clinton avaient clairement affiché, lors des élections préliminaires, leur
mépris vis-à-vis de la politique de Bush concernant ce point. Leurs conseillers
ont à maintes reprises annoncé que ce n’était pas le rôle ni la responsabilité
des Etats-Unis. La liste des experts du Proche-Orient auxquels les 2 candidats avaient
eu recours, dévoile qu’ils s’intéressaient plus au conflit arabo-israélien qu’à
la propagation de la démocratie au Proche-Orient.
Or, ceci ne signifie pas que les
Etats-Unis renonceront définitivement à ce rôle. Selon l’agenda proposé, la
propagation de la démocratie occupera une position moins importante dans la
politique étrangère des Etats-Unis envers le monde arabe dans un avenir proche.
Bref, la réponse à toutes ces questions restera imprécise jusqu’à ce que le
nouveau président prenne ses fonctions en 2009. L’éventualité la plus proche
sera le retour à la politique de la stabilité, quel que soit le coût politique
de la démocratie arabe. C’est donc la stabilité et non la réforme qui
encouragera la direction américaine à s’intéresser au Proche-Orient.