Al-Ahram Hebdo, Dossier | Un cadeau non mérité
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 17 au 23 décembre 2008, numéro 645

 

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Dossier

UE-Israël. L’Europe s’est prononcée pour le « rehaussement du niveau et d’intensité de ses relations bilatérales » avec Tel-Aviv, faisant craindre un virage de la politique européenne vis-à-vis du Proche-Orient.  

Un cadeau non mérité 

Au lieu de sanctionner Israël pour ses violations quotidiennes du droit international et des droits de l’homme dans les territoires occupés, l’Europe a préféré le récompenser en lui accordant un nouveau statut. Un statut qui s’est négocié à la demande d’Israël et dans la plus grande opacité. Le vieux continent s’est ainsi prononcé par un oui pour le  « rehaussement du niveau et d’intensité de ses relations bilatérales » avec Tel-Aviv en adoptant un texte intitulé « Council Conclusions Strengthening of the EU Bilateral Relations with its Mediterranean Partners — Upgrade with Israel ». Une longue annexe au texte précise les  lignes directrices pour ce « Upgrading » du dialogue politique avec Israël. Elle prévoit entre autres la tenue périodique de réunions des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Européenne (UE) et d’Israël, un privilège jusque-là accordé à quelques grandes puissances comme la Chine ou la Russie. Un premier sommet UE-Israël pourrait avoir lieu dans les prochains mois, peut-être dès le premier semestre 2009 sous la présidence tchèque de l’UE, selon le ministre tchèque des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg. On évoque au moins trois réunions annuelles au niveau des chefs de la diplomatie. Cette mesure permettra aussi l’invitation régulière de responsables du ministère des Affaires étrangères israélien au comité pour la politique et la sécurité de l’UE et d’experts israéliens dans les comités travaillant notamment sur la lutte contre le terrorisme et le crime organisé par exemple. L’UE se dit prête aussi à envisager « la possibilité d’inviter Israël à participer aux missions civiles » menées dans le cadre de sa politique de défense et de sécurité, « au cas par cas et lorsque l’intérêt commun s’y prêtera », et à avoir avec Israël, « au moins une fois par an », un dialogue informel sur les questions stratégiques.

 

Un forcing de Paris ?

En gros, le texte permet à Israël de conquérir les droits d’un quasi-Etat membre de l’UE. Il faut voir Paris derrière. C’est sur impulsion de la France que ce document a été approuvé, alors qu’une semaine auparavant, le Parlement européen, appelé à voter sur le renforcement des relations euro-israéliennes, s’est prononcé pour le report du vote. On dit qu’une première version présentée par la France avait suscité des réserves chez certains partenaires européens, le Royaume-Uni et la Belgique en particulier, qui ont demandé un « rééquilibrage » du texte qui faisait la part belle à Israël. En juin dernier, Francis Wurtz, président du Groupe confédéral de la gauche unitaire européenne/gauche verte nordique, a adressé une lettre au président Sarkozy, au président de la Commission européenne, Manuel Barroso, et au haut représentant de la politique étrangère de l’UE, Javier Solana, pour leur demander des éclaircissements au sujet de négociations secrètes que mènerait depuis une année l’UE avec Israël. « Il apparaît que des négociations secrètes sont en cours depuis un an entre l’Union européenne et les dirigeants de l’Etat d’Israël. Non pas, hélas, pour tenter de débloquer le processus de paix avec les Palestiniens mais pour examiner une demande proprement inimaginable de la part de Tel-Aviv : celle de conquérir les droits d’un quasi-Etat membre de l’Union européenne ! », écrit-il dans sa lettre. D’après Wurtz, « la demande israélienne en question date du 5 mars de l’année dernière ; un groupe de réflexion s’est réuni sur le sujet le 4 juin 2007 ; une seconde réunion s’est tenue le 9 octobre dernier pour préparer une Déclaration du Conseil. Et tout cela sans que la moindre information n’en ait été donnée à la représentation parlementaire de l’Union ! ». Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères israéliennes, a fait le déplacement de Bruxelles pour faire son propre lobbying et convaincre les réticents, 2 jours avant le vote. Le quotidien israélien Haaretz précise ainsi dans son édition du 9 décembre que Livni, qui a rencontré ses homologues européens, a à un moment de la rencontre demandé à voir Bernard Kouchner en tête-à-tête et à ce que les autres sortent de la salle. Durant cette conversation, les deux sont tombés d’accord sur le fait qu’il n’y aurait pas de lien entre le rehaussement des relations UE-Israël et les négociations de paix. La ministre israélienne aurait aussi empêché l’adoption d’un texte stratégique d’action qui rappellerait la position de l’Union européenne sur le conflit du Proche-Orient. Forte de ce soutien, Livni a donné un discours très tranché : « Votre rôle est de nous aider, mais laissez-nous faire sur le terrain » ! Effectivement, peu importe la situation catastrophique dans la bande de Gaza, plus personne n’évoque le « nouveau mur de l’apartheid » ni la politique expansionniste d’Israël.

 

Des questions

Faut-il y voir un virage de la politique européenne vis-à-vis du Proche-Orient ? L’accord d’association entre l’Union européenne et Israël signé en 1995 ne pose-t-il pas comme condition le « respect partagé des valeurs démocratiques et des droits de l’homme ? ». De quoi pousser le Parlement européen à voter une résolution en 2002 exigeant la suspension de cet accord. Or, la réalité est autre et l’Union européenne semble avancer sur ce processus d’encouragement d’Israël à poursuivre ce même chemin de violation.

Il suffit de citer quelques exemples : l’Europe est le plus grand partenaire commercial d’Israël (lire page 5). 40 % des importations et 30 % des exportations israéliennes sont réalisées avec l’Union européenne. Ils sont liés par des traités de libre-échange commercial et de politique industrielle et bientôt par un accord de coopération spatiale. Israël dispose déjà d’un statut de « membre observateur » au Conseil de l’Europe, et participe à presque toutes les manifestations européennes, comme le concours de l’Eurovision. Et depuis 1991, les clubs israéliens participent aux compétitions sportives européennes. Tel-Aviv reçoit une aide européenne annuelle de 14 millions d’euros.

 

Une tentative d’explication

Parallèlement, le gouvernement français a signé avec Israël un accord de reconnaissance mutuelle qui permet aux sociétés israéliennes d’intégrer la Bourse française sans être soumises aux vérifications de régulateurs. Cet accord boursier pourrait être étendu à toute l’Union européenne. Le militaire n’y échappe pas. Des programmes de recherche-développement dans ce domaine ont été mis en place.  L’Otan a, de son côté, entériné un accord renforçant et élargissant ses liens sécuritaires et diplomatiques avec Israël. Cet accord permettra aux Israéliens de coopérer plus étroitement avec l’Alliance dans divers domaines, en particulier la lutte antiterroriste et l’échange d’informations sécuritaires. Un tel accord devrait accroître le nombre d’exercices militaires communs et permettre de collaborer dans l’action contre la prolifération des armes nucléaires. L’Union européenne justifie souvent ce rapprochement avec Israël par le fait qu’une amélioration des relations faciliterait sa mission d’influencer Israël et sa politique vis-à-vis des Palestiniens. Des liens plus étroits ne seraient destinés qu’à encourager les protagonistes du conflit israélo-palestinien dans leurs efforts de négociations de paix. C’est du moins ce qu’a affirmé le porte-parole du Quai d’Orsay, Eric Chevalier, au lendemain du rehaussement des relations avec Israël. « Les ministres ont insisté pour que cet approfondissement incite les autorités israéliennes à faire plus pour améliorer les conditions de vie sur le terrain (gel immédiat de la colonisation, ouverture des points de passage vers Gaza, allégement des restrictions à la circulation qui étouffent l’économie et entravent la vie quotidienne des Palestiniens) et faire progresser le processus de paix », a-t-il précisé. Et que veut dire « insister » figurant ci-dessus ? Dire clairement les choses (...). Il s’agit donc de rappeler les principes et de continuer à réaffirmer la position politique de l’Union européenne sur le processus de paix. Même son de cloche chez le Tchèque Karel Schwarzenberg, qui a déclaré que le renforcement de ces relations « ne sera pas uniquement de l’intérêt d’Israël mais également à plus d’un titre de celui du peuple palestinien ».

Des mots qui peinent à convaincre même les Palestiniens, estimant qu’Israël doit d’abord faire davantage pour résoudre la crise humanitaire et avancer sur le processus de paix avant d’être récompensé. C’est-à-dire des signes tangibles d’un changement politique d’Israël. Il semble pourtant que l’Union européenne n’a pas été interpellée par le contexte politique dans la région. Le vote du Parlement européen pour la suspension de l’accord d’association ou encore le report du vote du rehaussement n’ont finalement qu’une portée symbolique. Alors que concrètement, l’Europe pourrait user de cette carte et faire preuve de davantage de fermeté envers Israël ; au moins au nom des principes de droits de l’homme et du droit international qu’elle véhicule. Mais l’UE fait plutôt preuve d’une divergence importante entre rhétorique et pratique. Laïla Chahid, déléguée générale de Palestine auprès de l’Union européenne, souligne que l’UE « met Israël au-dessus du droit ». La question se pose peut-être autrement, est-ce que l’Union européenne veut vraiment avoir son mot à dire dans le conflit israélo-palestinien ? A-t-elle une stratégie définie dans ce sens ? Et le plus important, dispose-t-elle des moyens adéquats pour apporter sa part face aux Etats-Unis, et pas forcément dans le sens opposé ? Historiquement, le conflit lui-même a été généré par une décision européenne concernant la création d’Israël, suite à une bavure également européenne qu’est l’holocauste. Oslo aussi, rappelle-t-on, le premier accord isarélo-palestinien, voire le seul intégral, c’était l’Europe. Madrid, c’est pareil. Les Européens, pas l’Union européenne en particulier, étaient les médiateurs qui ont réussi à décrocher ces rencontres historiques. L’Europe continue à plaider pour des partenariats assez larges entre Arabes et Israéliens, à travers tantôt un processus de Barcelone, aujourd’hui agonisant, tantôt par de nouvelles initiatives, à l’instar de l’Union pour la Méditerranée, cherchant à promouvoir le développement économique. Politiquement, l’Union a lancé le Quartette, qui englobe aussi la Russie, les Etats-Unis et les Nations-Unies. Le porte-parole de ce groupement pour la paix au Proche-Orient n’est que « l’Européen », le Britannique Tony Blair. Il est vrai, on ne l’entend pas assez. Les envoyés spéciaux ou représentants, Miguel Moratinos ou Javier Solana, n’ont vraiment rien changé à la situation, mais il faut dire que l’Europe, si motivation existe, pourrait changer les choses sur le terrain ; surtout qu’elle n’a pas certainement intérêt à voir prédominer un conflit à ses frontières sud-est. On parle au moins des souffrances quotidiennes des Palestiniens, de leur situation économique et encore du mur de la honte. A ce jour, la situation catastrophique à Gaza, par exemple, ne semble pas émouvoir les Européens. Bien au contraire ! L’Etat israélien continue à bénéficier d’une immunité absolue. La Commission européenne n’a pas eu honte de célébrer les 60 ans de l’occupation de la Palestine, ou de la création d’Israël. Les fonds alloués aux Palestiniens ont été bloqués depuis la victoire du Hamas aux législatives et les observateurs européens se sont retirés du point de passage de Rafah pour punir les Palestiniens pour leur choix démocratique. On dit souvent que l’Union européenne a une marge de manœuvre limitée, due aux approches divergentes de ses Etats membres, ainsi est-elle passée de « pro-arabe » à « pro-israélien ». Ce clivage européen bloque alors tous ces moyens d’action et du coup, elle s’est affaiblie aux yeux des Palestiniens et des Israéliens à la fois. Les plus pragmatiques avancent qu’elle n’est pas en mesure de concurrencer Washington qui simplement détient toutes les ficelles du jeu.

Samar Al-Gamal

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Les principales résolutions du Parlement européen sur le processus de paix 

— 10 avril 2002 : Résolution demandant la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, signé le 20 novembre 1995.

Le Parlement européen rappelle que cet accord comporte un volet politique non respecté puisqu’il est fondé sur le « respect partagé des valeurs démocratiques et des droits de l’homme ». Ces conditions politiques ne sont pas alors remplies, ce qui a abouti à la demande de suspension de l’accord. Pour l’UE, seuls les produits élaborés dans les frontières d’avant 1967 peuvent bénéficier de l’exonération de droits de douanes et de nombreuses fraudes ont été constatées : des produits provenant des « territoires occupés » sont labellisés « Made in Israel ».

— 25 janvier 2005 : Résolution sur le résultat des élections palestiniennes et la situation à Jérusalem–Est. Le Parlement, considérant que les élections législatives palestiniennes se sont finalement tenues de façon pacifique et régulière, avec un fort taux de participation et, dans l’ensemble, dans le respect des règles et des normes européennes, malgré les restrictions imposées par les forces israéliennes à la libre circulation des candidats et des électeurs, souligne que le résultat des élections doit être considéré comme étant l’expression légitime et démocratique de la volonté du peuple palestinien.

— 27 avril 2005 : Résolution sur la « Paix et Dignité au Proche-Orient ». Cette résolution parlant d’un terrorisme palestinien a suscité la colère des Palestiniens. On peut lire : le Parlement « réitère sa ferme condamnation ainsi que le rejet de tout acte de terrorisme commis par des organisations terroristes palestiniennes contre le peuple israélien » et « déclare expressément que le terrorisme palestinien, que ses victimes soient civiles ou militaires, est responsable de nombreuses victimes innocentes ».

— 16 novembre 2006 : Résolution sur la situation à Gaza.

Le Parlement demande au gouvernement israélien de cesser immédiatement toute action militaire dans la bande de Gaza, et réaffirme qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien.

— 7 septembre 2008 : Résolution sur la situation des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes.

Cette résolution demande la libération des parlementaires palestiniens prisonniers et appelle Israël à respecter les droits des prisonniers palestiniens dans ses prisons.

— 20 novembre 2008 : Résolution, suite à l’expulsion de la famille Al-Kurd à Jérusalem-Est.

Le Parlement se déclare extrêmement préoccupé par l’expulsion de la famille Al-Kurd et par la destruction récente, par les autorités israéliennes, des maisons habitées par des familles palestiniennes, dans plusieurs quartiers de Jérusalem-Est. Et souligne que de telles opérations sont contraires au droit international et demande de faire cesser immédiatement toute extension des colonies ainsi que la construction d’un mur de sécurité.

 




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