Al-Ahram Hebdo, Idées | Le grand Madbouli
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 10 au 16 décembre 2008, numéro 744

 

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Idées

Hommage. Madbouli, ou celui qu’on surnommait le père des éditeurs égyptiens, s’en est allé à l’âge de 70 ans, après avoir posé une empreinte indéniable sur le livre arabe et égyptien.

Le grand Madbouli

La place Talaat Harb, ou Soliman Pacha comme aiment à l’appeler certains nostalgiques, ne sera plus jamais la même. Le grand Madbouli est mort. Cet homme illettré à la base, qui s’occupait avec son père de la vente des journaux, a réussi à devenir un nom incontournable du livre en Egypte. La nouvelle de sa mort a paru en première page dans les médias. Pour tous les intellectuels et les passionnés de livre et de connaissance, il était incontournable. Au lieu de faire des périples éprouvants pour trouver un livre, ils n’avaient qu’à aller au bon endroit, c’est-à-dire chez Madbouli. Car cet homme, qui a appris à lire et à écrire grâce à la passion qu’il portait à la connaissance, est devenu une marque incontournable de l’édition et de la vente des livres. Il a édité de jeunes auteurs de l’époque qui devinrent des grands noms de la littérature, comme pour Youssef Idriss et autres.

Si sa devanture de livres, qui a occupé une grande partie de l’énorme trottoir de la place, n’est plus à cause des réglementations de la loi et qu’il a dû se cantonner dans les limites de sa librairie qu’il a su à force de persévérance acheter dans les années 1950, lui le simple vendeur de journaux, il reste celui qu’on allait retrouver pour se provisionner sous le manteau, des livres censurés, défendus ou difficiles à trouver durant différentes périodes politiques de l’Egypte contemporaine. Que ce soit sous Nasser ou sous Sadate ou actuellement, il est resté l’ami des intellectuels qu’il connaissait personnellement. Il pouvait même leur prêter certains livres sachant qu’ils n’avaient pas les moyens de les payer ou encore discuter du contenu de certains bouquins avec eux.

Il a mené un combat pour la liberté de la presse qui lui a valu de nombreux interrogatoires de la sécurité de l’Etat sous l’époque de Nasser, qu’il désignait comme le grand promoteur du monde arabe, et même la prison en 1991 pour sa distribution de livres défendus qui n’a pas eu lieu à cause de la décision du président de la République sous la pression des intellectuels. Et pourtant, certains auraient avancé qu’actuellement et avec la montée des intégristes, il aurait brûlé dans sa librairie des livres de Nawal Al-Saadawi, grande féministe égyptienne, car ils portent atteinte à la place de Dieu. Pourrait-on le penser pour un homme qui a combattu, sa vie durant, pour la liberté d’écrire et de penser, et qui savait d’instinct si un livre avait de la valeur ou pas ? Cet homme qui aimait les livres qui dérangent et qui était l’ami des intellectuels jeunes et vieux, qui venaient le retrouver pour acquérir un livre et pour faire un brin de causette avec lui sur ce qui se passe dans le pays, n’était-il pas trop amoureux du livre et de la connaissance pour se laisser prendre dans les pièges de la censure ? On ne le sait.

En tout état de cause, Madbouli reste une figure de marque de l’édition et de la vente du livre en Egypte. Autour de lui, aujourd’hui, des librairies Madbouli pullulent çà et là dans les différents quartiers du Caire fondées par les membres de sa famille, mais personne n’a atteint l’envergure de l’homme qui n’était pas qu’un simple libraire mais un homme concerné par les idées et la politique de son pays. Vêtu de sa djellaba, communiquant avec ses clients et débattant de la valeur d’un livre difficile à trouver ou censuré, travaillant de manière simple et rudimentaire en dehors de la complexité de la modernité, Madbouli est l’homme d’une époque révolue à tout jamais, où le livre était une denrée indispensable pour éclairer les esprits. Malgré les grandes librairies qui côtoient la sienne actuellement sur la place, et la vente des livres par Internet ou la distribution plus sophistiquée des bouquins, la place Talaat Harb restera néanmoins liée de manière indéniable au souvenir de cet homme modeste et grand à la fois, dont la librairie, comme symbole d’un moment d’histoire intense, trône aux côtés de la grande statue de Talaat Harb sur son cheval et des immeubles centenaires du centre-ville.

Soheir Fahmi

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