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 Semaine du 5 au 11 novembre 2008, numéro 739

 

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Afghanistan. Kaboul et Islamabad ont entamé des contacts avec les Talibans en vue de mettre un terme à leur insurrection. Sceptique mais incapable de juguler la violence, Washington a donné son accord à ce rapprochement. 

Une nouvelle approche  

C’est officiel. Kaboul et Islamabad, avec la bénédiction de Washington, ont entamé des contacts avec les Talibans, dans une tentative de lutter contre la rébellion installée sur leur frontière commune. Le processus de contacts « est d’une certaine manière déjà engagé », a confirmé Owais Ghani, gouverneur de la Province pakistanaise de la frontière du nord-ouest (NWFP), qui longe les zones tribales pakistanaises et l’Afghanistan.

Incapable de juguler la violence croissante des Talibans, les responsables pakistanais et afghans ainsi que des chefs tribaux, rassemblés à Islamabad pour une « mini-jirga », sont tombés d’accord le 28 octobre pour établir des contacts avec les Talibans. Cette « mini-jirga », sur le modèle des assemblées tribales, s’est réunie pendant deux jours à Islamabad afin d’examiner les moyens de combattre les Talibans et leurs alliés d’Al-Qaëda, dont l’insurrection ne cesse de progresser en Afghanistan et au Pakistan depuis la chute du régime fondamentaliste à Kaboul fin 2001. « Nous sommes tombés d’accord pour que des contacts soient établis avec les groupes d’opposition dans les deux pays, des contacts conjoints à travers un mini-conseil tribal », ou jirgagai, a déclaré le chef de la délégation afghane, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah. Invité à préciser si cette formule incluait les Talibans et autres groupes insurgés, Owais Ghani, le chef de la délégation pakistanaise, a répondu : « Oui, cela inclut tous ceux qui sont impliqués dans cette situation de conflit (…) Sans dialogue nous ne pouvons parvenir à aucune espèce de solution ».

De précédents contacts entre Islamabad et les insurgés avaient été critiqués par les alliés occidentaux du Pakistan comme susceptibles d’encourager la rébellion. Mais l’idée de contacts avec les Talibans semble gagner du terrain. Le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud Al-Fayçal, avait confirmé le 21 octobre que son pays avait aidé à organiser des pourparlers entre Kaboul et les Talibans. Des responsables afghans ont ainsi rencontré début octobre à La Mecque, en Arabie saoudite, d’anciens membres du régime des Talibans, marquant une première ébauche de négociations à haut niveau entre les deux parties. En Afghanistan, les contacts informels sur le terrain n’ont cependant jamais cessé entre les représentants du gouvernement de Hamid Karzaï et les Talibans, et l’armée américaine est elle-même en contact depuis des années avec des ex-dignitaires talibans.

 

Washington change de stratégie

Des informations de presse faisaient également état d’un changement d’attitude de Washington, qui envisagerait selon le Wall Street Journal de participer à des discussions avec des représentants des Talibans. A Washington, un responsable du département d’Etat a déclaré que les Etats-Unis envisageaient de négocier avec certains éléments « réconciliables » des Talibans en Afghanistan, qui se déclareraient prêts à renoncer à la violence et à respecter la Constitution afghane. « Dans le cadre de notre nouvelle stratégie, nous essayons de voir si cela a un sens d’engager le dialogue avec des éléments réconciliables », a déclaré à la presse ce responsable ayant requis l’anonymat.

Officiellement, l’Administration américaine n’a pas reconnu que cette nouvelle approche était envisagée dans un avant-projet de recommandation d’un rapport classifié de la Maison Blanche sur l’évaluation de la stratégie américaine en Afghanistan, dont la version finale est attendue dans les prochaines semaines. Et la Maison Blanche comme le Pentagone se sont montrés sceptiques sur les chances de succès de cette stratégie, déjà évoquée début octobre par le secrétaire à la Défense, Robert Gates. « Nous restons sceptiques sur les chances que certains talibans puissent effectivement renoncer à la violence, renoncer à l’extrémisme et œuvrer au bien de l’Afghanistan », a déclaré la porte-parole de la présidence américaine, Dana Perino. « Nous allons donc laisser les Afghans présenter leurs idées », a-t-elle ajouté, faisant allusion à l’accord tacite de Washington au lancement des négociations entre Kaboul, Islamabad et les Talibans. « Nous reconnaissons effectivement la nécessité de tenter de réconcilier certains de ces éléments : nous l’avons fait ailleurs dans le monde ». « Il est important que les Afghans s’unissent, créent une paix durable un gouvernement crédible et un pays prospère », a déclaré en écho Bryan Whitman, porte-parole du ministère américain de la Défense. « Cela dit, il n’est pas certain à ce stade que certains éléments extrémistes internes renoncent à la violence et jouent un rôle constructif dans la société afghane ».

Les Talibans ont lancé une insurrection meurtrière depuis qu’ils ont été chassés du pouvoir à la fin 2001 par une coalition internationale emmenée par les Etats-Unis. Les violences ont redoublé d’intensité depuis près de deux ans malgré la présence de 70 000 soldats de deux forces multinationales, l’une de l’Otan, l’autre sous commandement américain (Operation Enduring Freedom). Le 8 octobre, le général américain David Petraeus, ancien commandant de la coalition en Iraq et récemment nommé chef des troupes américaines dans les guerres d’Iraq et d’Afghanistan, s’était prononcé pour l’ouverture d’un dialogue avec les insurgés talibans. Il est crédité d’avoir considérablement amélioré la sécurité en Iraq en mettant en œuvre une habile stratégie de retournement des insurgés sunnites, autrefois ennemis acharnés des troupes américaines, devenus à coups de dollars les supplétifs des GI’s dans la lutte contre Al-Qaëda.

L’intensification des violences en Afghanistan a fait revenir la « guerre oubliée » au premier plan et poussé la Maison Blanche, l’état-major des armées, et David Petraeus à se lancer dans un examen de la stratégie appliquée à « la plus longue campagne de la longue guerre », selon les mots du général. Ce passage en revue vise également l’extrémisme au Pakistan et l’existence, dans les zones tribales du nord-ouest, de sanctuaires d’où des Talibans et Al-Qaëda lancent des attaques chez le voisin afghan.

En attendant ces rapports, Washington s’est déjà engagé à envoyer de nouveaux renforts sur place, en parallèle d’une réduction des forces en Iraq, pour venir en aide aux troupes sur place. Les deux candidats à la Maison Blanche, le démocrate Barack Obama et le républicain John McCain, ont d’ores et déjà souscrit à l’envoi de troupes supplémentaires sur ce front.

Petraeus, qui insiste à l’envi sur l’importance des efforts politiques et économiques pour vaincre une insurrection, a publiquement soutenu l’idée de « parler à l’ennemi » au nom de la réconciliation, tout comme le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, et le gouvernement afghan de Hamid Karzaï. « Il existe un espoir d’accomplir (en Afghanistan) ce qui commence à prendre racine en Iraq, mais il faut éviter d’appréhender la situation entièrement sous cet angle », écrivaient récemment Michael O’Hanlon de la Brookings Institution et Andrew Shearer du Lowy Institute, en prévenant du nombre moindre de troupes mobilisées sur place, du manque de ressources économiques de l’Afghanistan et de l’effet déstabilisateur des sanctuaires d’insurgés au Pakistan. S’appuyer sur les milices tribales locales afghanes, traditionnellement très indépendantes du pouvoir central, constitue également un risque accru en Afghanistan, soulignent nombre d’experts.

Hicham Mourad

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