Musique.
La Ressource culturelle organise le Jazz Factory, un premier
festival euro-arabe, du 5 au 15 novembre. 12 concerts sont
au menu de cet événement parrainé par l’Union européenne.
L’heure de jaser
Le
plus sympa avec le jazz, c’est que c’est souvent l’occasion
de parler d’autre chose. La trompette dans l’oreille gauche,
le sax dans l’oreille droite, les décalages du rythme nous
lancent dans l’immédiat de la vie. L’on a envie de savoir
plus sur le contexte créatif de ce musicien, avec la boule
rasée à zéro ou du batteur aux lunettes noires, se
produisant sur scène. Tous les jazzmen afro-africains
ont-ils voté Obama ? La question se pose juste de manière
hasardeuse vu que le Jazz Factory est lancé la veille du
vote américain. Ce premier festival du genre, se déroulant
au Caire entre le 5 et 15 novembre, n’est pas quand même
sans rappeler les origines de cette musique américaine, née
du métissage de traditions africaines et européennes. Ses
ancêtres sont les chants de travail des esclaves américains
et les chants religieux, negro spirituels et gospels,
interprétés dans les églises lors des cérémonies
religieuses.
Ceci dit la musique jazz évoque la gaieté, la fête, mais
aussi la douleur, l’oppression, étant chargée d’ironie et de
revendications. Elle ouvre la voie au solo, à
l’improvisation et à la liberté d’échanges.
Un petit air de liberté souffle sur la ville, alors. C’est
en quelque sorte l’esprit du Jazz Factory qui organise,
outre les concerts quotidiens se déroulant à des endroits
très différents à 19h et 20h (sauf l’ouverture le 5
novembre, à 21h, au palais Manial), des « After Hours »
dansants au bateau Nile Dragon, à partir de 23h. Car la
musique jazz est un ensemble à la fois sonore et corporel,
la caractéristique permettant vraiment de la définir étant
le côté percussion du rythme.
Ainsi, l’Allemand Wolfgang Haffner mélange dans ses
dernières créations jazz contemporain, rock et hip hop. Le
trompettiste norvégien, Nils Petter Molvaer, épris de
musique électrique et acoustique, incruste ses compositions
d’influences pop, rock et funk, répétant par ailleurs : «
J’aime l’espace et la poésie. La trompette a besoin d’espace
pour créer son propre langage et la poésie peut-être
minimaliste exprimant les choses avec grande précision ». L’Egyptien
Fathi Salama se permet les amalgames les plus extravagants,
s’adonnant à l’improvisation orientale. Nardy Castellini
(Espagne) porte en lui la marque de ses origines cubaines.
Le Slovaque Peter Lipa, placé souvent au top 5 mondial des
chanteurs jazz, a plus de 25 ans de carrière durant lesquels
il a épousé le blues, soul, latino-jazz pour parvenir au
rock et funk lui aussi. Le luthiste libanais Charbel Rouhana
ou son compatriote saxophoniste Toufic Farroukh jazzent dans
leur style portant le label Orient. Le trio français d’André
Ceccarelli (batterie, piano, contrebasse) s’approprie les
chansons de Serge Gainsbourg, les déconnecte parfois de
leurs origines populaires pour les transformer en véritables
standards de jazz. Il y a aussi des formations arabes toutes
récentes qui se présentent exclusivement à travers ce
festival euro-arabe, offrant jeunisme et fraîcheur telles
Jawa (Syrie) et Liqaa. La liste est longue avec plus de 12
concerts nous venant de 18 pays. Pas mal de musiciens
participants sont nés vers la fin des années 1960 et 70,
soit une génération qui a vu les mutations sociopolitiques
se succéder, leurs aînés sont quand même présents ainsi que
les jeunes. Et cela se fera sans doute sentir, même si de
manière plus détournée. Selon les auteurs et les époques,
sexe, politique, liberté de l’individu et Histoire
reviendront à la surface. Car même si l’origine exacte du
terme « jazz » est toujours controversée, certains y voient
la déformation de « jaser », une expression créole française
de la Nouvelle-Orléans, qui veut dire « discuter gaiement
sur de petits riens ».
Dalia
Chams