Al-Ahram Hebdo,Invité | « La globalisation ne profite qu’aux riches »
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 26 novembre au 3 décembre 2008, numéro 742

 

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Invité

Aleida Guevara, fille du célèbre révolutionnaire Che Guevara, était au Caire cette semaine. Elle évoque l’héritage de son père et les moyens à mettre en place pour un monde meilleur.  

« La globalisation ne profite qu’aux riches »

Al-ahram hebdo : Quelle est la raison de votre visite en Egypte ?           

Aleida Guevara : Je suis venue en Egypte à l’invitation de l’Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques qui est une institution égyptienne qui cherche à renforcer l’unité et la solidarité entre les peuples. Je représente le Centre d’études sur Che Guevara et l’Institut cubain de l’amitié entre les peuples.

— Qu’est-ce qui reste aujourd’hui des idéaux défendus par votre père, le légendaire Che Guevara ?

— Je pense que les idéaux défendus par mon père retrouvent forcément leur place aujourd’hui à cause de l’injustice et des inégalités qui sont répandues un peu partout. Bref, la situation déplorable dans laquelle se trouve notre monde aujourd’hui. Mon père a toujours lutté contre les inégalités sociales et les inégalités entre les peuples. Malheureusement, elles sont aujourd’hui plus présentes et fortes que jamais. Toutes les années marquées par les politiques néolibérales des pays riches ont plus que jamais renforcé les différences entre riches et pauvres. Donc la lutte pour les idéaux de Che Guevara reste toujours nécessaire et justifiée.

— Comment pourrait-on réparer les inégalités entre riches et pauvres, oppresseurs et opprimés, hommes et femmes, etc. ?

— Je pense tout d’abord qu’il serait nécessaire d’essayer de mieux faire connaître les idées de Che Guevara, surtout aux nouvelles générations. C’est d’ailleurs ce que j’essaye de faire. Je pense que ce travail doit commencer par l’amélioration de la conscience des peuples. Lorsque l’être humain est conscient de ce qui se passe autour de lui, il peut et devient capable de prendre des décisions et peut diriger sa vie d’une manière adéquate. Alors que si cette conscience est absente, on ne peut pas décider sur quoi que ce soit. Malheureusement, l’ignorance règne aujourd’hui dans le monde et la globalisation ne profite qu’aux riches ou à ceux qui possèdent les moyens de s’informer.

Aujourd’hui, la majorité des peuples vivent dans des situations si précaires qu’ils font face quotidiennement à d’énormes défis pour pouvoir survivre. Ils n’ont pas d’électricité, de lignes téléphoniques, et je ne vais même pas parler de l’accès à l’informatique. Comment promouvoir l’égalité des chances entre des pays qui inventent chaque jour des techniques d’information de plus en plus complexes et sophistiquées, et d’autres qui se retrouvent bien derrière sur tous les plans ? Si les gens n’ont pas accès à l’information, ils ne pourront jamais prendre des décisions de manière libre et indépendante et ils seront en proie à la manipulation et à la domination.

— Comment évaluez-vous la situation dans le monde arabe en termes de justice sociale, parité entre hommes et femmes et respect des droits fondamentaux ? Comment un changement vers une meilleure situation serait-il possible ?

— Tout d’abord, je pense que pour qu’il y ait un changement, il faut qu’il existe aussi une volonté politique. Car le changement à travers l’éducation demande des ressources économiques très importantes. Parfois, il y a des personnes ou des groupes qui œuvrent pour un changement, et ceci fut par exemple le cas de mon père Che Guevara. Il savait qu’en Amérique Latine, l’unité entre les peuples était nécessaire pour que ce continent devienne libre et indépendant de la domination américaine. Mais les mouvements visant le changement dans les sociétés doivent naître au sein des peuples et ne fonctionnent pas s’ils sont imposés de l’extérieur.

— Pensez-vous que l’évolution en Amérique Latine qui a tourné la page sombre des régimes répressifs, vers une période d’épanouissement des libertés et une plus grande justice, peut servir d’exemple aux peuples arabes ?

— Je pense que chaque peuple a sa propre culture et sa propre manière d’agir. Parfois, les différences des traditions et croyances peuvent influencer la vision que l’on a du monde. Mais je pense qu’au fond, nous sommes tous des êtres humains et avons tous les mêmes besoins, comme l’accès à l’éducation, aux soins médicaux et le respect de la dignité humaine. Nous devons dire que l’Amérique Latine a pris un chemin l’aidant à satisfaire les besoins de ses peuples. Mais nous ne pouvons pas dire aux peuples arabes : Faites ce que nous avons fait. Ceci ne serait pas correct. Mais nous pouvons par contre dire aux Arabes que le changement est possible, car nous avons pu le faire. Et c’est à vous de décider de la manière de le faire. C’est la chose la plus importante à dire aux gens.

— Que faire pour améliorer l’égalité entre l’homme et la femme, surtout dans le monde arabe ?

— Depuis la nuit des temps et dans toutes sociétés et religions, les femmes se sont toujours retrouvées au plus bas de l’échelle. Ces valeurs ont été transmises de génération en génération au point où les femmes ont fini par être convaincues par le fait qu’elles étaient réellement inférieures. Or, rompre avec ces traditions archaïques et ces valeurs injustes est extrêmement difficile quand l’idée est si fortement ancrée, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Je pense que le premier pas vers le changement revient à la femme. Elle doit montrer et prouver ses capacités. Par sa propre nature plus tendre et par le fait qu’elle porte en elle la vie humaine, la femme a montré qu’elle peut avoir un regard plus humain et un jugement plus juste dans les situations les plus difficiles.

Encore en Amérique Latine, qui a toujours été une région très machiste, il nous a fallu beaucoup d’efforts pour changer les législations et les rendre plus justes à l’égard des droits fondamentaux de la femme. Et petit à petit lorsque les femmes se sont organisées pour revendiquer une plus grande parité, les mentalités ont, elles aussi, commencé petit à petit à changer.

— Toujours dans le cadre de l’héritage du Che, serait-il possible aujourd’hui de ressusciter l’idée de l’unité entre les pays en développement, pour tenter de contrer la domination des pays développés ?

— L’un des mouvements à cet égard est celui des pays non-alignés. Je pense qu’il faut essayer de récupérer les idéaux autour desquels ce groupe s’est constitué. A travers ce moyen, on pourra peut-être retrouver la force de ce mouvement. L’unité est la chose essentielle qui nous manque. Le problème est que les pays du tiers-monde sont parfois gouvernés par des dirigeants qui ne répondent pas réellement aux intérêts de leurs peuples. Ils vendent souvent leur pouvoir aux intérêts des corporations internationales et délaissent les besoins essentiels de leurs peuples.

Mais, de toute manière, dans le mouvement des Non-Alignés, nous avons la possibilité de chercher des objectifs communs. Et ce, malgré l’actuelle faiblesse morale de beaucoup de gouvernements, membres de ce groupe. Mais je considère qu’il est toujours possible de profiter de ce forum pour identifier les objectifs communs des peuples, comme l’accès à l’éducation, à la santé, la préservation de l’environnement, etc. Lorsque les gens prennent conscience qu’ils possèdent des objectifs de base pour lesquels ils veulent se battre, ils peuvent unir leurs forces pour parvenir à ces buts en y travaillant et en bougeant. Mais pour qu’une transformation puisse avoir lieu, il faut donner aux gens l’opportunité et la liberté de décider sur ce qu’ils souhaitent pour eux-mêmes.

Propos recueillis par Randa Achmawi

 




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