Al-Ahram Hebdo, Enquête |
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 12 au 18 novembre 2008, numéro 740

 

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Enquête

Privatisation. Le gouvernement prépare un système de vente « en masse » des avoirs publics, qui doit entrer en vigueur courant 2009. Une méthode qui a déjà été adoptée, sous l’égide de la Banque mondiale, dans les pays d’Europe de l’Est. Explications.

Le pari de la vente massive

C’est du déjà-vu, sous un nouvel emballage. Il s’agit de rassembler les avoirs publics que le gouvernement décide de privatiser, estimer leur valeur totale, la diviser par les 40 millions d’Egyptiens de plus de 21 ans, et la distribuer sous forme de coupons. De manière à ce que chaque Egyptien possède une partie des richesses économiques du pays. Ces coupons seront échangeables sur le marché et chacun sera ainsi libre de les céder ou de les garder. Voilà en quoi consiste la première phase du nouveau mode de privatisation, dénommé « privatisation de masse ». Son adoption a été dévoilée par le président Hosni Moubarak lors de la conférence annuelle du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir), la semaine dernière. Il a aussi déjà été adopté par la Russie et les pays de l’Europe de l’Est au début des années 1990. Les expériences de ces pays révèlent qu’au bout d’un an, la majorité de ces coupons ont été revendus à bas prix à un petit nombre de banques d’investissements, retombant donc dans les mains du secteur privé. Mais Mahmoud Mohieddine, ministre de l’Investissement, a assuré lors d’une conférence qu’il a tenue avec Gamal Moubarak, numéro 3 du PND (au pouvoir), que le programme égyptien « évitera les erreurs commises des autres expériences similaires : c’est un programme purement égyptien ». Cependant, les détails qu’il a dévoilés ne sont pas si éloignés de l’expérience des pays de l’Est de l’Europe ou ex-soviétiques.

Gamal Moubarak, président du Comité des politiques au PND, a indiqué que le parti étudiait ce système depuis plus de deux ans. Les détails d’application de cette première phase sont actuellement en préparation sous l’égide du ministère de l’Investissement. Et cela afin de présenter une nouvelle loi sur la privatisation au Parlement au cours de la session actuelle.

La nouvelle loi élargirait le concept de privatisation pour inclure d’autres entités outre les 155 entreprises industrielles publiques. Un haut comité sera chargé de retenir les avoirs à vendre au public (voir encadré). Par ailleurs, un fonds d’investissement sera créé, dénommé « Fonds des générations », pour en quelque sorte faire passer la pilule. Ce serait un fonds « possédant et gérant une partie des avoirs qui resteront publics, pour que les générations à venir bénéficient de la maximisation de ses revenus », révèle Mohieddine.

Plus besoin de « restructurer les entreprises »

Le peu de détails dévoilés n’évoque cependant que la première phase de privatisation. Et pour cause. Elle semble très populaire, ce qui garantit son aval par l’Assemblée du peuple. « De toute façon, il est temps de relancer la privatisation », estime Alia Al-Mahdi, doyenne de la faculté de sciences économiques et politiques et membre du comité des politiques, la vraie cuisine des décisions gouvernementales au sein du PND. Elle note que depuis l’arrivée du gouvernement Nazif en 2004, il n’a réussi qu’à vendre 8 entreprises. Elle attribue cette lenteur à l’opposition de l’opinion publique, qui s’est déclenchée lors de la vente des chaînes commerciales Omar Effendi ainsi que celle de la Banque du Caire, qui a fini par l’avortement de la vente de cette dernière. « Le gouvernement actuel a eu  tort d’avoir recours à la vente à un investisseur principal. Des campagnes de l’opposition accusaient le gouvernement de vendre à un prix sous-estimé et aussi de se débarrasser de la main-d’œuvre », renchérit Al-Mahdi.

Ce sont justement les accusations que le gouvernement tente d’éviter en ayant recours à la privatisation en masse. Car en vendant au grand public, soit presque 40 millions d’Egyptiens, il n’y aura plus besoin de « restructurer les entreprises », une formule pour dire « réduire les effectifs », afin de plaire à l’investisseur privé. En outre, c’est ce qui est plus important, le gouvernement ne va pas « vendre » les entreprises au vrai sens du mot. Car il distribuera les coupons de propriété gratuitement. Et donc l’évaluation des entreprises est un processus mené sous l’égide d’un comité gouvernemental, c’est-à-dire loin des intérêts et pressions du secteur privé, qui veut à tout prix acheter à prix bas. 

Dans les mains d’entreprises étrangères

La deuxième phase, ou le deuxième tour de privatisation, comme l’appelle la Banque mondiale, reste le grand secret de Mohieddine. Mais on sait que la Banque mondiale avait encouragé les pays de l’Europe de l’Est au début des années 1990 à se lancer dans ce mode de privatisation. Ainsi, au bout de deux ans, 60 % des entités publiques en Russie sont devenues privées. Le taux est à 99 % dans la République tchèque, créant ainsi un marché financier, où les actions de ces entités sont échangées. « Il est encore trop tôt de savoir quel modèle sera suivi ici en Egypte. Mais malgré les petites variations entre ces pays, un trait commun les caractérisait tous : la vitesse à laquelle tout a été vendu », lance l’économiste Samir Radwane, conseiller à l’Autorité pour l’investissement. Et d’ajouter que dans la plupart des cas, les entreprises publiques ont fini dans les mains d’entreprises étrangères concurrentes, ou des banques d’investissement étrangères. « C’était par exemple le cas des entreprises très avancées de haute technologie, des produits médicaux ou encore de vitrerie », renchérit Radwane.

C’est ainsi que, en quelques années, la transformation de ces pays en économies de marché a été achevée. C’est « la thérapie de choc », inventée par l’économiste américain Jeffrey Sachs. Pour interpréter la vitesse de transformation, il disait : « Si vous voulez traverser un fleuve, il faut le faire en un seul saut, sinon vous tombez dans l’eau ». Mais il n’a pas dit qu’il y avait aussi un risque de se noyer en sautant.

Que reste-t-il à vendre ?

De nombreuses entités pourraient se retrouver dans le nouveau programme de vente si l’on interprète au sens large le secteur public, c’est-à-dire au-delà des 155 entreprises concernées par la loi 203 de 1991 sur la privatisation. Les gouvernements successifs qui ont mené le programme de privatisation, initié en 1996, avaient uniquement porté sur la vente du secteur industriel et les grandes chaînes de commerce de détail. C’est ainsi que plus de la moitié de ces entreprises publiques a été vendue. Aujourd’hui, il n’en reste que 155, dont une quarantaine avec des bilans dans le rouge. D’autres dégagent des profits à travers la vente de leurs actifs immobiliers. Et une minorité est plus ou moins performante. Bref, la situation de la plupart de ces entreprises est peu reluisante. Mahmoud Mohieddine, ministre de l’Investissement, préfère les traiter en un tout, pour que les chiffres fassent meilleure impression. Ainsi, les profits dégagés sont passés à 7,6 milliards de L.E. en 2007/2008, contre 2,8 un an auparavant.

Le tournant dans la politique de privatisation a été marqué par l’arrivée d’Ahmad Nazif et de son équipe ministérielle. Depuis, le concept de la mise en vente des avoirs publics a été étendu pour inclure d’autres entités, comme Telecom Egypt, la Banque d’Alexandrie ou encore d’énormes superficies des terrains à développer par des entreprises arabes.

Bien que le ministre de l’Investissement refuse de dévoiler les détails, le nouveau projet de loi sur la « privatisation en masse » (c’est-à-dire au bénéfice des Egyptiens de plus de 21 ans) renferme en fait des entités au-delà du secteur public des affaires. Le ministre de l’Investissement, Mahmoud Mohieddine a assuré au quotidien Al-Ahram qu’un haut comité sera chargé de choisir les entités ainsi que la part que le gouvernement cédera au peuple, sous forme de carnets de coupons. Le choix pourrait se faire parmi la Banque du Caire, la part publique dans Telecom Egypt, les sociétés d’assurances et celles du financement immobilier, les chaînes de télévision et de radio ou satellites, la Cité des médias, les centrales d’électricité, les stations de purification d’eau, la Société des chemins de fer, les ports et les aéroports, les sociétés publiques de bonification de terrains, la Banque de crédit et de développement agricole, etc.

Par ailleurs, le ministre a souligné que les entités dotées d’importants effectifs ou en difficulté financière ne seront pas transférées au public, mais plutôt gérées et restructurées par un fonds spécialement créé pour mener à bien les restructurations nécessaires.

Salma Hussein

Sur 163 entreprises publiques, 112 réalisent des profits alors que 51 enregistrent des pertes. Les profits de l’ensemble du secteur public des affaires, une fois les pertes comprises, ont atteint 3,9 milliards de L.E. en 2006/2007. La majorité des pertes se sont concentrées dans 16 entreprises, dont 13 dans le secteur du textile. Alors que 15 entreprises réalisent 71 % des profits. Les plus importantes sont Misr pour l’aluminium, L’Entreprise du sucre et Eastern Company pour le tabac.

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Un scénario
bien connu

Une étude datant de 1995 de la Banque mondiale, intitulée « La privatisation de masse dans l’est de l’Europe et la Russie », explique comment les entreprises vendues aux citoyens ont fini dans les mains des investisseurs privés, à la grande déception du grand public. Par exemple, la première vague de privatisation, lancée en 1992, portait sur la vente de 1 490 entreprises (avec des actifs à hauteur de 11 milliards de dollars), suivant un système de coupons. 8,5 millions de citoyens ont acheté leurs carnets de 100 coupons à 35 dollars. Soit l’équivalent de 3 actions. Les actionnaires avaient le droit de vendre leurs coupons, selon un système d’enchères, aux fonds d’investissement (qui ont aussitôt poussé comme des champignons sous le nom de Fonds d’investissement de la privatisation). Un économiste qui a requis l’anonymat illustre le processus : « Imaginez qu’un salarié, payé 300 L.E. par mois, auquel il est offert un carnet qui vaut sur le marché 1 000 L.E., et qui lui rapporte un dividende annuel de 100 L.E. Puis il lit dans la presse qu’un fonds d’investissement offre d’acheter ce carnet à 10 000 L.E. ». C’est ainsi, qu’au bout de cinq cycles d’enchères, « 92,8 % des coupons ont été acquis par une vingtaine de Fonds d’investissement », comme l’illustre la Banque mondiale. Ces fonds ont mené eux-mêmes la vente des tranches des entreprises aux secteurs privés local et étranger. Et là, l’opinion publique ne peut plus accuser le gouvernement de brader les richesses nationales, puisque ce n’est plus le gouvernement qui vend, mais plutôt le secteur privé au secteur privé . Dans le cas égyptien, le ministre de l’Investissement a souligné que l’investisseur — égyptien ou étranger — qui achètera en  Bourse une tranche de 5 % dans une entreprise « publique » devra le notifier au régulateur. Pour s’accaparer 10 %, il devra prendre l’autorisation du régulateur.

 




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