Le ministre des Waqfs, Hamdi
Zaqzouq, explique sa politique pour combattre le
fondamentalisme. Il parle de son plan pour rallier les
mosquées à l’autorité de l’Etat et de l’appel unifié à la
prière.
« Nous voulons lutter contre l’extrémisme »
Al-Ahram
Hebdo : Votre ministère a récemment fait l’objet de
critiques. Il est accusé de répondre aux exigences des
services de sécurité. Est-il vrai que les imams sont nommés
sur recommandation de la sécurité ?
Hamdi Zaqzouq :
Ce n’est pas vrai du tout. Le ministère des Waqfs exerce une
supervision totale sur les mosquées. Nous ne recevons aucune
instruction de la part des services de sécurité en ce qui
concerne la nomination des imams. Aucun agent de la sécurité
ne travaille au ministère des Waqfs.
— Mais certains affirment que votre ministère a interdit aux
imams d’aborder certains sujets ...
— Ce n’est pas du tout vrai que nous interdisons aux imams
d’aborder certains sujets. Nous leur laissons la liberté
d’aborder les questions qui conviennent à leur milieu et aux
fidèles qui fréquentent leurs mosquées. Nous ne distribuons
pas de discours écrits aux imams.
— Pourquoi avez-vous interdit la collecte des dons dans les
mosquées ?
— Il existe une loi réglementant la collecte des dons. Pour
le faire, il est indispensable d’obtenir une autorisation du
ministère de la Solidarité sociale. Cependant, nous
permettons aux comités de la zakat (aumône légale) affiliés
à la Banque Nasser et dont le nombre s’élève à plus de 5 000
de collecter des dons et de poser leurs caisses à l’entrée
des mosquées.
— Est-il vrai que les imams des mosquées ne sont nommés
qu’après un rapport témoignant de leur modération ?
— Nous nommons les imams. Puis avec la pratique, on découvre
des tendances extrémistes chez certains, ceux-ci sont alors
orientés vers des travaux administratifs. La loi 238 de
l’année 1996 interdit à toute personne de prononcer des
discours ou de donner les leçons dans les mosquées sans
autorisation du ministère des Waqfs.
— Il existe de nombreux problèmes relatifs à la construction
des mosquées qui n’obéit à aucune planification. Comment
pensez-vous régler cette question ?
— Le Conseil des ministres a adopté, en octobre 2001, un
arrêté posant de nouvelles conditions sur la construction
des mosquées dont la plus importante est qu’une distance de
500 mètres au moins sépare chaque mosquée de l’autre. Il
existe d’autres conditions : que la région ait vraiment
besoin d’une nouvelle mosquée, que celle-ci ne soit pas
construite sur un terrain usurpé ou faisant l’objet de
litige, que la personne qui se porte volontaire pour la
construction d’une mosquée respecte les plans et les designs
élaborés gratuitement par le ministère des Waqfs de sorte
qu’ils s’accordent avec l’emplacement, la superficie et les
sommes allouées au projet ...
— Certains s’opposent à l’idée de voir des artistes ou des
acteurs construire des mosquées à leurs frais sous prétexte
que leur argent n’est pas licite. Qu’en pensez-vous ?
— On a entendu ces mêmes prétentions lorsque certains
artistes ont dressé des tables de charité pendant le
Ramadan. Rien n’interdit à ces gens de construire des
mosquées ou de dresser des tables de charité car aucun de
nous n’est religieusement qualifié pour chercher les
origines de leur richesse. Par conséquent, il n’existe aucun
interdit religieux à ce qu’ils construisent des mosquées ou
des institutions de charité pour les pauvres.
— Où en est votre plan pour rallier les mosquées à
l’autorité de l’Etat ?
— 102 000 mosquées ont été annexées jusqu’à présent. Il ne
reste plus que 4 000 mosquées qui seront consécutivement
annexées. L’objectif de cette annexion est de protéger la
société des vagues de fanatisme et d’extrémisme et de
l’exploitation des minarets des mosquées dans la diffusion
des idées extrémistes. Quant au nombre des imams nommés par
le ministère, il ne couvre pas toutes les mosquées. Nous
allons momentanément nommer des imams du ministère des Waqfs
qui étaient à la retraite ainsi que 3 000 prédicateurs de
l’Université d’Al-Azhar et d’autres imams diplômés des
centres culturels islamiques supervisés par le ministère des
Waqfs. Nous nommons chaque année 3 000 imams pour pallier le
déficit dans le nombre des imams.
— Certains vous accusent de vouloir nationaliser les
mosquées. Qu’en pensez-vous ?
— C’est une accusation sans fondements. J’applique
simplement la loi qui stipule que les mosquées soient
ralliées à l’autorité de l’Etat. C’est indispensable pour
protéger la société des vagues d’extrémisme.
— Certains parlent d’une expansion chiite dans certaines
mosquées ? Qu’en est-il ?
— Il y a une exagération dans l’illustration du danger de
l’expansion chiite en Egypte. Ces rumeurs se sont
multipliées avec l’arrivée de nombreux Iraqiens à la cité du
Six octobre, fuyant les événements en Iraq. Mais aucun
d’entre eux n’a présenté une demande pour la construction
d’une mosquée chiite. Nous n’avons ressenti jusqu’à
maintenant aucun danger de cette prétendue expansion chiite.
— Avez-vous un plan pour former les imams au cours de la
période à venir ?
— Bien sûr, nous avons des plans permanents pour former les
imams. Premièrement, les imams reçoivent des stages de
formation pendant 2 mois. Après quelque temps, ils reçoivent
des stages spécialisés puis des stages avancés. L’objectif
de tous ces stages est d’améliorer les performances des
imams ainsi que leur niveau scientifique et culturel, afin
qu’ils soient conscients des problèmes de la société et des
évolutions de notre époque.
— Comment peut-on, à votre avis, contrer le phénomène de
l’extrémisme religieux ? Que pensez-vous des fatwas émises
par certains cheikhs du Golfe, notamment celle qui appelle
au meurtre des propriétaires des chaînes satellites ?
— Il faut faire face au phénomène de l’extrémisme religieux,
qu’il soit en Egypte ou dans n’importe quel autre pays
arabe, par une prise de conscience religieuse saine. Ceci
dans l’objectif de protéger les jeunes de ce danger. Des
ministères tels que ceux des Waqfs, de l’Information, de
l’Education doivent prendre part à cette campagne de
sensibilisation, afin de protéger nos jeunes de toute pensée
déviée. Concernant la fatwa émise par certains cheikhs du
Golfe appelant au meurtre des propriétaires des chaînes
satellites qui diffusent certains feuilletons jugés
contraires aux bonnes mœurs, la personne qui a émis cette
fatwa est revenue sur sa position après la promulgation par
le ministère saoudien de la Justice d’un communiqué la
rejetant catégoriquement.
— Vous avez soutenu une loi interdisant les manifestations
dans les lieux de culte. N’est-ce pas une atteinte à la
liberté d’expression ?
— Les mosquées en islam ne sont pas destinées aux
manifestations, mais à l’exercice de la prière et du
recueillement.
— Votre projet de « l’appel unifié à la prière » a été très
critiqué par certains. Où en-est ce projet ?
— Ce projet a pour objectif de mettre un terme à l’anarchie
dans l’appel à la prière et à la guerre des haut-parleurs.
Certains ont dit que nous avons gaspillé des fonds pour
mettre en place ce projet. Il n’y a pas eu de gaspillage de
fonds. D’ailleurs, le contrat signé avec l’Organisme arabe
de l’industrialisation stipule que le montant du projet est
de 860 000 L.E. uniquement. Du point de vue religieux, le
projet a une approbation officielle de l’Académie des
recherches islamiques. Ce projet a prouvé sa réussite et est
appliqué à Oman, à Abou-Dhabi, à Sanaa et en Turquie.
Propos recueillis par Magda Barsoum