Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Classe le jour et youyous la nuit !
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 29 octobre au 4 novembre 2008, numéro 738

 

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Nulle part ailleurs

Insolite. Les directeurs de deux écoles privées dans deux gouvernorats ont transformé la cour de leurs établissements en salles de fêtes. Un moyen pour payer leurs dettes, améliorer les services de leurs écoles et surtout aider les couples aux revenus modestes à réduire les frais de leur mariage. 

Classe le jour et youyous la nuit ! 

C’est un vendredi soir. L’endroit brille de mille feux : musique retentissante à l’entrée, chaises alignées dans la cour, spots implantés dans le jardin et petites lanternes suspendues tout autour de la muraille guident les invités vers l’école. Tout le monde est invité et tout est permis. Des plateaux de sirop et de gâteaux circulent et des youyous fusent de partout. Danse, musique et repas copieux. La cour de l’école s’est transformée en une discothèque à ciel ouvert. Et ceux qui n’ont pas eu cette envie d’y prendre part, suivent les festivités de leurs balcons. En fait, cette soirée a lieu dans la cour de l’école privée Al-Sayed Al-Cheikh. Elle n’a pas été organisée pour honorer des lauréats ou des brillants élèves, mais tout simplement pour célébrer des fiançailles. Cet établissement scolaire, situé dans la ville de Béyala dans le gouvernorat de Kafr Al-Cheikh, se distingue des autres par son vaste terrain verdoyant et son théâtre. A peine arrivé à destination, le visiteur regarde les deux pancartes suspendues sur la façade. La première porte le nom de l’école et l’autre mentionne son club social et au-dessous est transcrit le verset 21 de la sourate des Romains : « Parmi ses signes : Il a créé pour vous, tirées de vous, des épouses afin que vous reposiez auprès d’elles ». En effet, depuis l’été dernier, la cour de cette école sert de salle de fêtes pour les habitants de Béyala ainsi que d’autres bourgs. « Le nombre de salles dans les hôtels et dans les clubs est limité et les prix sont inaccessibles. De plus, on est contraint à inviter un nombre restreint de convives. Dans la cour de l’école, on peut convier jusqu’à 300 personnes et cela revient à 800 L.E. seulement. Une somme raisonnable qui convient à nos moyens », précise Sally Sabet, originaire du village Al-Hamoul, à quelques kilomètres de Béyala. Celle-ci a fait un trajet d’une centaine de kilomètres pour faire une réservation, car elle va se marier prochainement. « Nous nous sommes décidés, mon fiancé et moi, après avoir entendu qu’un couple eut fêté ses fiançailles dans la cour de cette école. Notre soirée ne va pas manquer d’excentricité. Et comme tous les mariés, elle restera à jamais gravée dans nos mémoires », dit-elle, rassurée depuis qu’elle a vu de ses propres yeux les préparatifs et la qualité des services offerts. Depuis, des couples n’hésitent pas à célébrer leurs fiançailles ou mariage dans les cours des écoles et à des prix modestes.

 

Autre scène, autre décor

A peine la soirée terminée, l’établissement retrouve son allure normale, celle d’un établissement scolaire.

Et la scène se répète, un D.J. et une danseuse vont animer la soirée. Mais cette fois dans une école dans le gouvernorat de Daqahliya. Or, cette situation semble déplaire à beaucoup de gens qui se posent la question suivante : comment est-on arrivé à transformer les cours des écoles en endroits réservés aux fêtes alors qu’elles sont destinées exclusivement aux élèves ? Les habitants du village Sindoub, situé à Mansoura, confient que c’est bien la 5e fois que des mariages ou souboue sont célébrés dans leur école. « Ce qui se passe relève vraiment de l’absurde. Nos élèves apprennent le matin des matières scientifiques et le soir, l’art de danser et d’organiser des mariages. Est-ce vraiment le but pour lequel nous avons envoyé nos enfants à l’école ? », s’indigne l’un des habitants.

Autre scène, autre image. Quatre élèves sont en classe et un professeur est en train d’expliquer la leçon. Les autres classes sont vides. Pourtant, ce n’est ni un cours de rattrapage ni une salle d’études, mais la classe de 1re préparatoire de l’école Al-Sayed Al-Cheikh. Une classe qui ne souffre pas d’absentéisme, puisque son effectif ne compte que 4 élèves seulement. « Il y a dans cette école 35 élèves en cycle secondaire, dont 13 seulement en classe de terminale, une trentaine en cycle primaire et environ une vingtaine en cours préparatoires », précise Al-Sayed Al-Cheikh, propriétaire de cette école. Il ajoute que dans cette ville, c’est le seul établissement scolaire privé qui accueille aussi des élèves des autres gouvernorats et bourgs tels que Al-Mahalla Al-Kobra, Al-Hamoul et Bélqas, etc. Il date d’une quarantaine d’années et son effectif était important jusqu’aux années 1990. Depuis, le nombre d’élèves a diminué considérablement à cause du changement perpétuel du système éducatif. « Je ne parviens pas jusqu’à présent à m’expliquer ce déclin, alors qu’on ne manque de rien et que tout est mis à la disposition des élèves, depuis les classes, les professeurs jusqu’aux ordinateurs. Quant aux frais de scolarité, ils ne sont pas considérables. 750 L.E. pour le niveau primaire et 850 L.E. pour le secondaire », explique-t-il.

 

Mon école est productive

Cependant, selon ses propos, quelque chose d’étrange se produisait dans cette école, par exemple les parents inscrivaient leurs enfants chez lui depuis la maternelle jusqu’au cycle préparatoire, puis ils décidaient de les mettre dans des écoles publiques gratuites. En même temps, ceux qui ont obtenu de faibles pourcentages revenaient s’inscrire en secondaire. Quant à l’espace qu’il a réservé pour la célébration de mariage, il est rattaché au club social. Il accueille non seulement les élèves et les enseignants, mais aussi les habitants de la ville. « Sous le slogan Mon école est productive, nous avons décidé d’exploiter ce club social et changer son activité selon les besoins de notre ville. Quelle erreur ai-je commis en trouvant une issue pour compenser ces pertes au lieu de mettre la clé sous le paillasson ? », se plaint Al-Sayed, tout en ajoutant que c’était la seule solution pour continuer à verser les salaires des 45 fonctionnaires et professeurs chaque fin de mois. Achraf Al-Sayed, avocat et fils du propriétaire, assure qu’il existe un arrêté ministériel qui autorise la construction d’un club social et culturel au sein des écoles privées. « Mon père détient un permis pour ce club social, il est en règle. Ce qu’il a fait, c’est de retrancher un espace de 400 m2 de la cour (l’école a une superficie de 4 000 m2), pour le transformer en salle des fêtes. Cet espace est à l’écart de l’école et il ne prévoit pas de le garder pour toujours. Il ne l’exploite que deux mois par an et seulement pendant l’été. Et même s’il arrive qu’un mariage ait lieu dans cette école, cela ne gêne nullement la journée scolaire qui se termine à 14h, alors que les soirées et les fêtes ne commencent qu’à 19h », souligne Achraf qui tient à être présent durant les différentes occasions pour éviter tout dépassement de la part des convives et aussi pour s’assurer que le bruit de la musique n’indispose personne.

Pourtant, ce dernier pense que l’investissement dans les écoles est un projet qui rapporte peu d’argent. Il a même conseillé à son père de changer d’activité et de transformer l’école en restaurant ou magasin pour mieux gagner sa vie. Et d’ajouter : « Mon père travaille dans le domaine de l’enseignement depuis 1958 et il rejette l’idée de fermer son école. Il ne gagne rien et vend chaque année une partie de ses terrains agricoles pour financer cette école ».

La réaction du ministère de l’Education face à l’initiative de ces propriétaires d’écoles n’a pas été moins surprenante. Est-il permis d’utiliser la cour ou la salle d’une école pour célébrer de tels événements heureux ? D’après les responsables du ministère, c’est interdit de le faire ou d’apporter des chanteurs ou animateurs pour mettre de l’ambiance. Résultat : le directeur de l’école de Sindoub, dans le gouvernorat de Daqahliya, fait l’objet en ce moment d’un véritable réquisitoire. Mais celui de Kafr Al-Cheikh semble plus chanceux. Comme son fils est un avocat habile, il a su comment contourner la loi. Il a construit une petite muraille pour séparer la salle des fêtes de la cour de l’école en prévoyant une porte d’entrée pour chacun. Une astuce qui a porté ses fruits. « Juridiquement, je ne peux rien faire contre le propriétaire de l’école Al-Sayed Al-Cheikh, car je ne suis qu’un superviseur technique de l’école. Ma mission se termine à 14h. Tout ce qui se passe au sein de l’école au-delà de cet horaire ne me concerne plus », explique Fouad Ghali, directeur du département d’éducation au gouvernorat de Kafr Al-Cheikh. Quant aux responsables de l’enseignement privé, ils font la sourde oreille et se sont contentés de nier le fait d’utiliser le club social de l’école comme salle de fêtes.

Un jour viendra où les mariés pourront inscrire sur leurs cartes d’invitation l’adresse d’une école ou d’un établissement scolaire. Ces cartes porteraient le logo du ministère de l’Education. Ces détails ne semblent pas déranger les jeunes villageois qui s’apprêtent à se marier. « Peu importe que le mariage soit célébré dans un établissement scolaire, un hôtel ou un club, l’essentiel est de fêter ce grand jour et le vivre à fond », conclut Hassan, fonctionnaire, qui a déjà fait sa réservation à l’école Al-Sayed Al-Cheikh pour célébrer son mariage.

Chahinaz Gheith

 




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