Banques.
Les établissements égyptiens bénéficient de liquidités en
surplus, contrairement à la situation en Europe et aux
Etats-Unis, qui a conduit à la crise financière. Une
situation qui fait planer d’autres menaces. Enquête.
Trop de liquidités peut nuire à la santé
Les
banques égyptiennes sont à l’abri des impacts directs de la
crise mondiale. C’est là une affirmation récurrente dans les
milieux bancaires nationaux. Mais cela n’implique pas
qu’elles sont à l’abri d’autres difficultés. Car
contrairement aux secteurs bancaires des Etats-Unis ou
européens, où la crise financière a été provoquée par un
manque de liquidités, les banques égyptiennes — tant privées
que publiques — souffrent d’un surplus de liquidités non
investi. Si ce défaut reste sans remède, l’économie entière
pourrait en pâtir. « Malgré le niveau important de
liquidités sur le marché égyptien, le taux d’intérêt élevé
sur l’emprunt deviendra une entrave sérieuse au financement
des entreprises ou des particuliers dans la période à
venir », a annoncé Soha Al-Naggar, directrice du département
des recherches chez Pharos pour l’investissement financier,
lors de la dernière conférence Euromoney au Caire, rencontre
économique annuelle de décideurs et hommes d’affaires.
Malgré une croissance élevée, les liquidités consacrées à
l’emprunt ne dépassent pas 55 % des dépôts bancaires. « Un
taux très faible » pour Al-Naggar, qui ajoute que les
banques égyptiennes, surtout privées, risquent d’être
affectées car elles « ne se risquent pas à proposer des
crédits aux projets industriels, ou autres » et
n’élargissent pas leur base d’activité. Ce qui exige, selon
elle « une utilisation plus poussée de leurs ressources, qui
peut aller jusqu’à 70 % des dépôts, afin de se garantir une
position financière et structurelle plus forte et être
préparées à faire face aux impacts d’une crise », dit-elle.
Un discours qui a poussé le premier ministre Ahmad Nazif à
inviter, lors de la clôture de la conférence Euromoney la
semaine dernière, le secteur bancaire égyptien à proposer
des crédits aux grands projets de développement soutenus par
le gouvernement (comme les projets industriels et
agroalimentaires dans le sud du pays, les entreprises de
distribution de gaz naturel aux particuliers ou encore les
centrales électriques). Henri Guillemin, directeur général
de la banque Crédit Agricole Egypte se montre prêt à
répondre à cet appel. Il assure que l’investissement sur le
marché local représente aujourd’hui une vraie opportunité
pour les filiales des banques étrangères. « Cela est une
occasion de profiter du taux de croissance élevé offert par
ce genre d’investissement », note-t-il en soulignant que
cela aidera la maison mère à soutenir sa position
financière.
Financement des micro-projets
Toutefois, Richard Banks, directeur régional de la
conférence Euromoney, s’est posé la question la plus
importante : la crise financière mondiale aura-t-elle des
impacts négatifs sur la profitabilité du secteur bancaire
égyptien ? Selon Khaled Al-Guébali, directeur général de la
banque Barclays Egypt et de l’Afrique du Nord, le secteur
bancaire égyptien sera en effet affecté comme sur le marché
international puisque, selon les déclarations du ministre
des Finances Youssef Boutros-Ghali, le taux de croissance
égyptien va passer de 7,2 % à 6 % en 2009. « Le
rétrécissement de l’activité économique mène à la réduction
de l’activité bancaire, ce qui réduit les profits réalisés
par les banques », explique Al-Guébali qui ajoute cependant
que l’impact sera relativement limité puisque le taux de
croissance prévu en Egypte sera le double de celui observé
mondialement. Al-Guébali insiste aussi sur le fait que la
nouvelle stratégie de sa banque s’orientera dans la
prochaine période vers le financement des micro-projets. Des
crédits qui varient entre 500 et 1 500 L.E. et qui visent en
fait 80 % du secteur privé, caractérisé par les petits
projets. « Pour l’instant, 20 % seulement de la population
est financée par les banques. Il existe donc de nombreuses
opportunités pour le financement de ce genre de projets
négligés par les banques présentes sur le marché »,
note-t-il en soulignant que ces projets ne sont appuyés que
par le Fonds social de développement. Cette proposition a
été saluée par d’autres banques privées, comme City Bank et
Crédit Agricole Egypte.
Rôle primordial des banques publiques
Outre le surplus de liquidités, un autre problème est apparu
après que les banques occidentales eurent été soutenues par
leurs gouvernements respectifs. En raison du manque de
confiance et d’un grand degré d’incertitude sur les marchés,
les investisseurs s’abstiennent en effet de rechercher du
financement. De leur côté, les banques craignent aussi
d’offrir des crédits, par manque de garanties. C’est là où
les banques égyptiennes pourraient être touchées. Henri
Guillemin avertit que « si ces banques n’étaient pas
méfiantes dans l’octroi des crédits, elles pourraient
risquer les mêmes problèmes de déficits de la fin des années
1990 ». Mais Mohamad Ozalp, vice- président de la Banque
Misr, numéro deux du marché, écarte cet éventuel risque. «
Quatre ans de réforme bancaire sont suffisants pour garantir
une position financière et administrative très solide pour
les banques publiques égyptiennes qui s’emparent à elles
seules de la moitié du marché », explique-t-il. Ozalp note
aussi que les banques Ahli et Misr ont absorbé la majorité
des dépôts bancaires dans les banques privées depuis le
début de la crise financière. « Et 40 % des portefeuilles
d’emprunts sont orientés vers l’investissement dans les
grands projets de développement et d’infrastructure »,
rappelant le rôle primordial que jouent les deux banques
publiques Ahli et Misr. Les banques publiques semblent donc
plus aptes à faire face à ces possibles difficultés.
C’est
une sorte de retour en grâce.
Dahlia Réda