Al-Ahram Hebdo, Visages | Mahmoud Hémeida, Le paon ou monsieur cinéma
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 15 au 22 octobre 2008, numéro 736

 

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Visages

Le comédien Mahmoud Hémeida s’est toujours démarqué des films imposés par le Star System. Et a défendu sa liberté d’être différent. Il a fait son come-back avec deux films actuellement en salle, La Nuit du Baby-Doll et Désolé pour le dérangement.  

Le paon ou monsieur cinéma 

Il est certes quelqu’un de différent. Dans ses attitudes, ses convictions comme dans ses réactions. Le rencontrer signifie être prêt à un jeu de ping-pong, à un échange d’avis fait de phrases lapidaires. Sa franchise est parfois choquante. Car Mahmoud Hémeida est un personnage aussi rebelle que controversé. Bref, il cherche à tout prix à rompre avec la forme traditionnelle des questions-réponses, préférant un laisser-aller plus spontané.

Le comédien vient de commencer le tournage d’un nouveau film Dokkanet Chéhata (l’échoppe de Chéhata) de Khaled Youssef, avec Ghada Abdel-Razeq et la pin-up libanaise Haïfa Wahbi.

« Une expérience complètement nouvelle, soit par les traits caractéristiques du personnage ou par le choix du casting », dit-il.

Mahmoud Hémeida ne se sent pas dans l’obligation de défendre ses choix, mais explique, quand même, qu’il « essaie d’interpréter des rôles différents, pas forcément des chefs-d’œuvre, mais quelque chose qui a de la valeur ».

Selon lui, « travailler avec Haïfa Wahbi n’est pas un péché. Il ne faut pas essayer de déculpabiliser, car elle est comme tant d’autres chanteuses qui essayent de franchir le monde du cinéma. Elle en a le droit. L’essentiel c’est la tâche du réalisateur ».

C’est sur ce même ton d’autosatisfaction qu’il défend son apparition aux côtés du jeune comédien Ahmad Helmi, dans son dernier film Assef ala al-ezaag (Désolé pour le dérangement). « Je ne suis plus un amateur qui cherche la célébrité. Je ne cherche plus à faire mes preuves pour me limiter à des beaux rôles et discuter la place de mon nom sur l’affiche », souligne-t-il, ajoutant qu’il a trouvé quelque chose d’original dans le rôle du père d’Ahmad Helmi : « On ne découvre qu’à la fin du film que ce père est décédé et que toutes les conversations avec le fils sont imaginaires ».

Mahmoud Hémeida ressemble en fait aux personnages qu’il incarne à l’écran. Flegmatique, confiant, parfois même orgueilleux ; les yeux luisants, la phrase courte. Il ne nie pas que la chance a joué pour beaucoup dans sa vie.

« Le hasard seul a fait de moi un comédien », révèle-t-il avec son sourire habituel. Et d’ajouter : « J’ai passé des années à faire d’autres métiers avant de faire du cinéma. Celui-ci me fascinait depuis mon enfance ».

Issu d’une famille de la classe moyenne au village Manial Al-Soultan à Guiza, ses parents ont tout fait pour garantir à leur enfant une bonne éducation. Il a passé donc une enfance campagnarde aisée, en étant dorloté par son grand-père vivant dans la grande maison familiale. Toutefois, Mahmoud s’est senti rapidement un jeune homme, qui doit avoir son indépendance.

« J’avais encore huit ans lorsque j’ai décidé de travailler pour la première fois, non pour l’argent, puisque je recevais quotidiennement tout ce que je voulais, mais pour me trouver une spécialité et une vraie responsabilité. J’ai commencé à travailler comme un journalier collectant le coton dans les champs pour cinq piastres ! ». Une passion pour le travail l’a poussé à multiplier les petits boulots. « Un gamin devenu surveillant d’ouvriers, gagnant 15 piastres par jour durant les vacances d’été. Au lieu d’acheter des jouets, j’épargnais mon argent pour acheter des romans ».

Peu enclin au système des études scolaires, le jeune Mahmoud s’adonnait plus volontiers au Body Building ou aux bagarres avec les camarades.

« Ma mère trouvait toujours que j’avais un air hautain et snob. Elle m’appelait le paon et cela ne m’énervait pas du tout. Bien au contraire, je préférais toujours être différent et leader du groupe. C’est cet amour pour le leadership qui m’a aidé à réussir rapidement dans les premiers rôles ».

Une énergie excessive qui poussait parfois le petit adolescent à l’arrogance. « Lorsque j’avais 13 ans, je me sentais le plus fort parmi mes amis. D’où une vanité qui me rendait costaud. Je me souviens bien que je rentrais souvent les vêtements déchirés, portant les traces d’une ou deux bagarres par jour ! ».

Ce sentiment de supériorité a collé à Hémeida. Après le baccalauréat, il est parti vivre au Caire chez sa grand-mère et a posé candidature pour être admis en polytechnique. « Pour respecter le désir de mes parents », dit-il.

Choqué par la « vacuité intellectuelle de la communauté universitaire à l’époque », il a passé sept ans à la faculté avant d’être viré pour avoir dépassé les limites des années d’échec.

Dévoré alors par une forte dépression, Mahmoud Hémeida a consulté un psychiatre afin de surmonter son sentiment continu d’insatisfaction. Une seule visite lui était suffisante pour qu’il retrouve sa sérénité et commence ses études à la faculté de commerce. « Mais convaincu que j’avais un talent artistique, j’ai mené des études à l’Institut supérieur d’art théâtral ».

Itinéraire qui n’a rien de linéaire. Hémeida termine ses études au Caire et devient entre-temps membre de la troupe théâtrale de l’université. De quoi lui avoir permis de donner plusieurs spectacles sur de diverses planches partout en Egypte. « J’ai travaillé au début comme comptable dans une société privée à un salaire mensuel de 82 L.E. Mais, je me suis senti enchaîné par les dossiers et les chiffres, alors j’ai quitté ce travail pour devenir vendeur dans une usine d’eau gazeuse. Un autre boulot rentable ».

Fasciné toujours par le monde de la danse, il se joint à une troupe folklorique et participe à la majorité des films et spectacles musicaux des années 1980. « Je me souviens que j’ai dansé avec toutes les stars de ma génération : Ezzat Al-Alayli, Soheir Al-Babli et Ahmad Zaki ».

Mais un jour, on lui annonce par téléphone la mort de son ami responsable de la troupe de danse. « C’était vraiment un choc dur. C’était un ami proche avant d’être mon patron, ce qui m’a conduit à une période de dépression encore plus intense ».

En conséquence, le jeune Hémeida a décidé d’arrêter ses activités artistiques pendant plus de 10 ans. Il s’est enfermé dans son travail de vendeur d’eau gazeuse et refusait même de rencontrer ses collègues de la troupe pour ne pas se rappeler son ami qui n’est plus. Après, il est revenu peu à peu à jouer dans de petites pièces, données aux palais de la culture.

Progressivement, le hobby devient passion, voire moyen d’expression. Et le hasard a bien fait les choses. « Le réalisateur Ahmad Khedr m’a contacté, disant avoir besoin d’un jeune homme assez fort physiquement pour jouer dans le feuilleton Haret al-chorafa (ruelle des honnêtes). Ce jeune homme était moi-même ! ».

La première fois devant les caméras. Le coup de foudre. Tout l’attirait vers ce monde luisant, mais il ne pensait quand même pas à devenir star. Pourtant, son rêve avait toujours été d’être célèbre.

Sa première rencontre avec Ahmad Zaki fut assez stressante, l’un des moments les plus importants de sa vie, selon ses termes. Quand l’on a fait appel à lui pour faire partie du casting du film Al-Embérator (l’empereur) de Tareq Al-Eriane, le comédien était fou de joie. Car d’une part, il devait jouer devant Ahmad Zaki, artiste mythique du monde arabe, et d’autre part, il pouvait enfin mieux se servir de son allure de beau gosse. « C’était là que je me suis senti enfin bien dans ma tête et dans ma peau ».

Grâce à son interprétation de l’ami fidèle du protagoniste, dans ce film, Hémeida assoit définitivement sa popularité. On connaît la suite : le film a eu un énorme succès et Hémeida a rompu avec tous ses autres travaux.

Sa carrière cinématographique prend un nouvel essor, et il a été choisi pour jouer de nouveau devant Zaki dans le film Al-Pacha (le pacha) signé toujours Tareq Al-Eriane.

Mahmoud Hémeida cumule avec dextérité les tâches de comédien, producteur, propriétaire d’un studio pour la formation d’acteurs et autrefois rédacteur en chef d’une revue spécialisée, à savoir Al-Fann al-sabie (le septième art). L’acteur nourrit ainsi une vocation innée pour la culture.

Le ton frise la condescendance. Nous sommes en 1999 et son rêve commence à devenir concret : « Dès mon premier rôle, je souhaitais devenir artiste apprécié du public, rien que pour mon talent. Je rêvais également de produire un film différent par rapport à ce qu’impose le Star System. C’est ce que j’ai pu réaliser en produisant Gannet al-chayatine (le paradis des démons) ». Un film qui a rencontré un grand succès aux festivals internationaux, mais qui n’a pas beaucoup plu aux spectateurs locaux, choqués en voyant leur star dans le rôle d’un mort tout au long du film ! « Ce rôle m’a valu d’arracher une de mes dents devant la caméra dans le but de garder la crédibilité auprès du public ».

Parfois, le désir de trouver un rôle extrêmement différent ou une expérience unique le conduit au fiasco, alors que d’autres le placent au rang des grands du métier.

D’aucuns l’accusent de vouloir paraître comme « l’acteur savant » ou « Monsieur cinéma ». Et à lui de s’insurger : « Je ne me prends pas du tout pour un savant, mais je me trouve assez cultivé pour mener une vie assez différente de celle de la plupart des artistes, parfois sans but ni idéologie. Je me suis instruit par moi-même, et tant pis pour ceux qui ne m’acceptent pas tel que je suis », lance-t-il sur un ton plus ou moins furieux.

Il suffit de quelques minutes de conversation pour sentir que Mahmoud Hémeida est un obstiné, qui aime défendre son point de vue et surtout sa liberté d’agir comme il lui plaît. Une liberté qu’il a veillé à transmettre à ses trois filles, Asmaa, Iman et Aya. « Je leur laisse toute la liberté pour découvrir le bien et le mal, tout en les surveillant pour pouvoir les sauver aux cas où ... ».

Hémeida cherche toujours à réaliser ses rêves d’autrefois, lorsqu’il passait des nuits blanches à contempler le plafond de sa chambre, imaginant qu’il était devenu célèbre, poursuivi par les flashs des caméras ou lauréat clamé par le public. « Ce rêve me hantait depuis l’enfance. Il s’est réalisé en fait cette année en participant au dernier Festival de Cannes. C’était là que je me suis senti au septième ciel, en défilant sur le tapis rouge. De quoi m’avoir poussé à réorganiser mes projets artistiques et imaginer de remonter les marches cannoises très prochainement avec un film dont je serai le producteur et peut-être même le réalisateur ! ». Encore un défi à relever.

Yasser Moheb

 

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Jalons 

1953 : Naissance à Guiza.

1979 : Début au théâtre de l’université.

1990 : Premier rôle dans L’Empereur avec Ahmad Zaki.

1991 : Succès de Chams Al-Zanati, avec Adel Imam.

1997 : Al-Massir (le destin) de Chahine.

2006 : Prix du Festival du film au Maroc pour son

rôle dans Malek wa ketaba (pile et face).

2008 : Participation au Festival de Cannes avec le film La Nuit du Baby-Doll et tournage en cours de Dokkanet Chéhata (l’échoppe de Chéhata).

 




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