Mahmoud Al-Zahar, chef de la
délégation du Hamas au dialogue interpalestinien, dont la dernière session
s’est tenue avec l’Egypte cette semaine au Caire, évalue les chances de
parvenir à une réconciliation avec le Fatah du président Mahmoud Abbass.
« Nous ne sommes pas une carte entre
les mains de régimes étrangers »
Al-Ahram Hebdo : Que pensez-vous du
rôle de médiation joué par l’Egypte entre les factions palestiniennes ? La
réunion avec le chef des renseignements égyptien Omar Soliman s’est-elle
déroulée comme vous l’aviez prévue ?
Mahmoud Al-Zahar : Oui bien sûr, ce n’est pas la première fois que nous nous
entretenons avec Omar Soliman et la délégation qui l’accompagne. Après une
interruption de deux mois, nous avons reçu des réactions encourageantes, car la
délégation égyptienne porte une grande estime à la position positive du Hamas. Omar
Soliman nous a appris que la Palestine occupait 70 % de ses préoccupations
quotidiennes. Donc, nous accordons une grande estime à cette position et aux
efforts déployés par la délégation égyptienne, à son réalisme et à son
impartialité pour rapprocher les points de vue entre les factions
palestiniennes.
— Certains ont pourtant parlé d’une
proposition de réconciliation entre le Hamas et le Fatah du président Mahmoud
Abbass que l’Egypte allait présenter à la délégation du Hamas. Et en cas de
refus de ce dernier, Le Caire porterait la proposition à la Ligue arabe pour
obtenir son approbation en vue de vous l’imposer. Qu’en est-il ?
— En
fait, c’est ce que nous avons entendu dire de la part d’autres parties
palestiniennes. On a entendu dire que l’Egypte allait présenter une proposition
purement égyptienne ; et si nous la refusions, elle irait la soumettre à la
Ligue arabe pour humilier, assiéger et juger le Hamas. Ce sont certaines
factions ou plutôt des organismes palestiniens qui ont propagé ces idées. Nous
avons consulté les procès-verbaux des réunions tenues entre Omar Soliman et les
autres factions palestiniennes. Nous en avons déduit une idée claire, bien
étudiée et rédigée. C’est pour cela que quand nous nous sommes entretenus avec
Omar Soliman, nous n’avons pas eu besoin de beaucoup de temps pour nous
décider. Au contraire, notre position était claire. Nous avons pu trancher en
peu de temps toutes les questions qui nous concernent et qui sont en relation
avec la partie égyptienne, ainsi que notre relation avec le Fatah.
— Quels sont les principaux points
discutés avec la partie égyptienne ?
— Il y
a des points principaux qui sont à l’origine du problème. Premièrement, la
structure du gouvernement et la nature de ses missions et deuxièmement, l’OLP
et la non application des accords concernant cette organisation, les questions
relatives à la sécurité, les élections, les points de passage et autres
questions comme les relations entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, nos
relations avec les pays arabes ... Ce sont des points extrêmement importants
dont la résolution nécessite l’union du peuple palestinien pour qu’il puisse
affronter l’occupation israélienne et développer ses plans de résistance.
— Sur quoi êtes-vous convenus
concernant ces sujets ?
— Nous
nous sommes convenus sur tous les sujets et nous avons même fixé des dates et
des mécanismes d’exécution. Une autre réunion est prévue pour le 25 octobre
courant et il se peut que l’accord de réconciliation ne soit pas seulement
bilatéral avec le Fatah mais aussi avec les autres factions.
— Qu’en est-il de la polémique autour
de la structure du gouvernement ? S’agira-t-il d’un gouvernement d’entente
ou d’un gouvernement technocrate ?
—
Trois structures sont possibles. Premièrement, la structure technocrate qui
convient à un pays stable comme l’Egypte mais qui ne convient pas à un pays
comme la Palestine, qui souffre d’une crise grave, car il existe un service de
sécurité en Cisjordanie et un autre différent dans la bande de Gaza. Le côté
égyptien est convaincu de cet avis. Quant au gouvernement d’union nationale, il
se limitera aux factions. Nous avons déjà testé ce genre avec l’accord de La
Mecque. Il avait ses avantages et ses inconvénients. Il ne reste que le
gouvernement d’entente nationale, ses frontières sont plus larges, car il peut
regrouper les différentes factions ainsi que des personnes qui peuvent ne pas
avoir de soutien populaire mais avoir un poids effectif. C’est pourquoi nous
avons choisi ce dernier genre.
— Quel délai à estimez-vous convenable
pour parvenir à un accord sur toutes les questions ?
— Omar
Soliman évalue ce délai entre 6 et 9 mois.
— Cette réunion sera-t-elle un nouveau
début dans les relations entre le Fatah et Hamas, après les différends des
derniers mois ?
— Nous
avons entendu de bonnes paroles de la part du Fatah dans les rencontres
organisées loin des discussions officielles. La partie égyptienne sait très
bien que notre position est indépendante, que nous avons préservé notre
mouvement qui ne peut être ni vendu ni acheté, que nous appliquons nos
politiques avec un professionnalisme acceptable. Par conséquent, nous espérons
que notre relation avec le Fatah se développera pour le meilleur. Ceci sera
dans l’intérêt des deux parties.
Les
Palestiniens qui se trouvent dans une région étroite et faible, dans les
territoires occupés en Cisjordanie et à Gaza, ont besoin du soutien et de la
protection de l’Egypte et aussi du soutien des pays arabes et islamiques et du
monde entier. C’est pourquoi nous entretenons des relations privilégiées avec
de nombreux pays mais ceci ne signifie pas que nous pouvons être manipulés par
tel ou tel régime. Nous ne sommes pas une carte entre les mains de régimes
politiques étrangers. Le Hamas essaye donc de s’écarter des différends
confessionnels, religieux et politiques et tient à ne pas s’ingérer dans les
affaires internes des pays arabes. Nous souhaitons que les relations avec
l’Egypte se développent, abstraction faite des différends relatifs aux
conceptions et aux systèmes politiques dans la région. Nous savons tous que la
politique et la géographie politique de la région changent constamment ; par
conséquent nous ne voulons pas que les relations avec l’Egypte soient liées à
la géographie politique, mais plutôt à la géographie et à l’histoire.
Propos recueillis par Achraf Aboul-Hol