Incendie.
Après le Conseil consultatif en août, c’est le Théâtre
national qui a été victime des flammes, samedi dernier au
Caire. De quoi susciter de nouvelles interrogations sur
l’efficacité des systèmes de protection contre le feu.
Coup dur pour le Théâtre national
On
avait presque oublié cet incendie qui a ravagé le Conseil
consultatif. C’était pourtant autour d’un autre bâtiment
important du centre-ville de subir la même épreuve. Samedi
27 septembre. Place Ataba, un lieu public et vivant situé au
centre-ville. Il comprend des centaines de magasins, trois
théâtres et des administrations gouvernementales. Il est
17h35 lorsque le Théâtre national prend subitement feu. Des
flammes de plusieurs mètres sont visibles au-dessus du
bâtiment et un énorme nuage de fumée se répand dans le ciel.
« Nous avons vu l’employé des cuisines du théâtre, le seul
qui était présent à l’intérieur et qui était en train de
préparer son iftar, sortir en courant. Visage rouge, voix
étouffée, il n’arrive même pas à respirer. Il appelle au
secours et crie avec difficulté qu’un énorme incendie a
éclaté dans le théâtre. Il n’a pas réussi à le maîtriser
avec le dispositif manuel de lutte anti-incendie. Puis le
feu s’est rapidement déplacé dans la grande salle du théâtre
», raconte Nadia, une marchande ambulante qui expose des
jouets juste à côté des murailles du théâtre. Elle affirme
que ses collègues se sont empressés d’aider l’employé et ont
commencé à vider des jerricans d’eau à travers les fenêtres
du théâtre, croyant qu’ils pourraient maîtriser le feu, mais
l’incendie n’a pas cessé de s’étendre, et la fumée de
couvrir le ciel. « En même temps, nous sommes très étonnés
que les pompiers n’ont rien fait alors que le siège de la
station centrale du Caire ne se trouve qu’à quelques mètres
du théâtre. Tout en contemplant l’ampleur de l’incendie, les
agents nous affirment ne pas pouvoir quitter leur poste sans
un ordre des responsables de la station et une plainte
officielle », s’insurge Ali, qui affirme que ce sont les
marchands ambulants qui ont sauvé le théâtre et qui ont
contacté la police. « Plus qu’un quart d’heure avant l’iftar.
La rue est complètement vide de piétons. Tous les magasins
ont fermé leurs portes. Nous sommes seuls dans la rue »,
poursuit Ali.
En un quart d’heure, la place Ataba s’est transformée en
chantier. Six camions de pompiers se trouvent sur place pour
tenter d’éteindre le feu dans ce bâtiment historique de
1869. Mais la catastrophe redouble avec le feu qui ne cesse
de s’élever malgré les jets d’eau. Les flammes se répandent
aux quatre coins du théâtre, de sorte que la voûte
principale se soit effondrée en bout d’une heure. Le dernier
étage de l’hôtel Abou-Simbel, qui se trouve juste à côté du
théâtre, a également été touché. Mais, les pompiers ont
rapidement dominé l’incendie.
Les minutes passent, et plusieurs fois le feu diminue, mais
reprend de plus belle à cause des équipements présents à
l’intérieur. Les réserves d’eau sont épuisées. Les
chauffeurs se dirigent vers la station pour remplir les
camions, mais reviennent les citernes vides. Motif : Pas
d’eau à la station centrale du Caire. Ils ont dû aller
s’approvisionner aux stations voisines, dont la plus proche
se trouve à une trentaine de kilomètres de là, sans compter
les embouteillages.
Le trafic arrêté sur la place Ataba a complètement
bouleversé la circulation. Non seulement tous les accès
menant à la place sont bloqués par des barrières et des
agents de la sécurité centrale, mais même les journalistes
sont interdits de pénétrer sur les lieux pour couvrir
l’événement, sous prétexte d’« éviter d’être blessés ou
d’entraver les travaux des pompiers comme au Conseil
Consultatif », affirme le général responsable de contrôler
le site. Sous la pression insistante des journalistes, il a
permis seulement à quelques-uns des journaux gouvernementaux
d’entrer dans le théâtre. « Ils nous retiennent par la
force. Ils nous insultent et nous traitent de manière
inhumaine, même les femmes journalistes. Ils croient que par
ces mesures abusives, ils peuvent nous empêcher de dévoiler
la vérité et la négligence des autorités », souligne Magdi
Ibrahim, photographe de l’hebdomadaire indépendant Al-Osboue.
Lui et les photographes des chaînes satellites et de la
presse étrangère ont dû emporter leurs caméras sur les
terrasses des immeubles voisins pour couvrir l’événement.
Aucune victime
Comme d’habitude, tous les responsables concernés ont dû se
rendre sur le site de l’incendie. En tête de liste, le
ministre de la Culture, Farouk Hosni, le directeur du
théâtre, Chérif Abdel-Latif, le président du Syndicat des
acteurs, Achraf Zaki, le gouverneur du Caire, Abdel-Azim
Wazir, et quelques acteurs. « Le théâtre est bien muni par
des équipements anti-incendie. Le feu a probablement été
provoqué par un court-circuit, à la suite duquel le panneau
central électrique aurait explosé. De toute façon, le
procureur général a donné des instructions pour former une
commission d’enquête afin de découvrir les causes », défend
le ministre. De son côté, l’adjoint du ministre de
l’Intérieur, Chérif Gomaa, a affirmé à la télévision que les
autorités vont évaluer les dégâts sur le bâtiment. Il a
fallu trois heures et demie aux pompiers pour maîtriser
l’incendie. Il n’y a aucune victime chez les employés ou les
fonctionnaires du théâtre qui étaient en train d’effectuer
des travaux de restauration au sein du bâtiment. Les dégâts
évidents sont la voûte, la grande salle, le plateau, les
décors, les loges des acteurs et les vestiaires ainsi que
500 sièges. Sur le plan humain, le bilan officiel dénombre
six blessés parmi la défense civile. Par chance, c’était un
jour férié pour les ouvriers et les acteurs, contrairement à
ce qui s’est passé au Palais de la culture de Béni-Souef (3
septembre 2005), où un incendie avait éclaté pendant une
représentation, faisant 32 morts parmi les acteurs et les
spectateurs.
Vers l’aube, le calme est revenu sur la place Ataba. Tous
les responsables ont quitté le site de l’incendie comme si
rien ne s’était passé. Les seuls indices qui restent de
l’incendie sont les enquêteurs et les flaques d’eau. Mais il
est prévu que le résultat de l’enquête révèle, comme
d’habitude, un court-circuit à l’origine du feu ... Alors
qu’il révèle plutôt d’importantes lacunes sécuritaires.
Ola Hamdi
Héba Nasreddine