Visite aux objectifs limités
Hassan Abou-Taleb
Politologue
Le
président Bush entame aujourd’hui une visite dans plusieurs
pays de la région. A la veille de cette visite, il a fait
allusion à deux questions importantes auxquelles il
accordera tout son intérêt. Il s’agit tout d’abord de
relancer le processus de paix entre les Palestiniens et les
Israéliens, et de faire comprendre aux Israéliens que la
poursuite des implantations représente une embûche aux
négociations. Il s’agit deuxièmement de contenir l’Iran qui
continuerait, selon les Etats-Unis, à représenter un
éventuel danger nucléaire. Et ce, malgré le rapport de la
CIA qui a indiqué que l’Iran avait arrêté son programme
nucléaire militaire en 2003.
Malgré l’importance de ces deux questions et leurs relations
directes avec l’équilibre de la région, les déclarations de
Bush signifient qu’il place la barre haut avant son voyage
dans la région. En effet, Bush se rend dans la région avec
un agenda chargé pour le temps qui lui reste à passer à la
Maison Blanche. En effet, son mandat prendra fin dans moins
d’un an. Il est vrai que le président Bush ne prendra pas
part à ces élections conformément à la Constitution.
Cependant, en tant que président républicain, il lui incombe
de soutenir le candidat de son parti. Ce soutien politique
et moral oblige le président Bush à ne pas prendre de
grandes décisions pouvant influencer négativement les
orientations du candidat républicain. Vu la force du lobby
sioniste au sein de la société américaine, il est peu
probable que le président Bush mette Israël dans l’embarras
ou qu’il fasse pression sur lui.
Au contraire, il se peut tout à fait qu’il vienne lui faire
davantage de cadeaux.
Les déclarations de Bush signifient qu’il vient dans la
région avec un but précis, celui de convaincre les
dirigeants arabes de la viabilité de la politique américaine
d’affrontement avec l’Iran ainsi que de l’importance d’y
adhérer pour augmenter son isolement. Cependant, cet
objectif ne s’accorde pas avec les intérêts arabes car une
ouverture arabo-iranienne s’est dernièrement opérée. Cette
ouverture reflète à son tour une conviction arabe que l’Iran
ne représente pas de grand danger comme le prétendent les
Etats-Unis et Israël. Au contraire, les pays arabes sont
convaincus que le dialogue est le seul moyen, et non
l’affrontement, l’isolement et le blocus.
La différence des opinions arabe et américaine envers l’Iran
est évidente et les Américains le savent très bien. Par
conséquent, lorsque Bush avance l’isolement de l’Iran comme
l’un des objectifs de sa visite, il avorte la visite avant
même qu’elle ne commence. Il lui donne un parti pris
israélien au moment même où il hésite à faire pression sur
les Israéliens qui ont intentionnellement porté atteinte aux
efforts américains relatifs à la relance des négociations
israélo-palestiniennes.
La partialité totale de la politique américaine envers
Israël est une réalité indiscutable. Il est donc peu
probable que Bush fasse sérieusement pression sur Israël
pour qu’il exécute ses engagements conformément à la Feuille
de route. A savoir mettre un terme aux nouvelles
implantations et enlever les foyers d’implantation qui
sont illégaux et illégitimes selon les critères israéliens
eux-mêmes.
Le président Bush peut avoir de bonnes intentions qui
aspirent à l’instauration d’un Etat palestinien viable
représentant une solution historique au conflit
arabo-israélien. Mais les bonnes intentions ne suffisent
pas. Les Américains ont déployé de gros efforts depuis la
deuxième moitié de l’année 2007 pour convaincre Olmert
d’entrer en contact avec Mahmoud Abbass, pour améliorer les
conditions de vie des Palestiniens en Cisjordanie afin
d’instaurer un état de confiance mutuelle entre les deux
hommes. De plus, la secrétaire d’Etat américaine,
Condoleezza Rice, a déployé de grands efforts pour préparer
la conférence d’Annapolis qui s’est effectivement tenue à la
fin du mois de novembre dernier. Cependant, elle s’est
terminée par un simple accord sur l’ensemble des procédures
visant à ranimer le processus de négociations
israélo-palestiniennes sans convenir l’objectif des
négociations ni leur calendrier.
L’Administration de Bush a tenté durant ces huit derniers
mois de cristalliser un processus de négociations sérieux
capable de transformer la vision du président Bush en une
réalité palpable. Mais la réponse israélienne n’a pas été au
niveau des prévisions américaines. Deux jours seulement
après la conférence d’Annapolis, le gouvernement israélien a
accrédité un ensemble de plans visant à élargir plusieurs
grandes implantations construites sur des territoires
palestiniens. Ce fut un coup dur à tous les efforts
américains, qui a poussé les Palestiniens et les Arabes à
douter de l’efficacité du rôle que jouera le président Bush
au cours de la dernière année de son deuxième mandat.
La décision du gouvernement israélien de poursuivre les
activités d’implantations au moment où se tiennent des
rencontres entre les négociateurs palestiniens et israéliens
signifie que les négociations elles-mêmes ne présentent pas
de garantie à l’instauration d’un Etat palestinien à
l’avenir. Cette décision confirme aussi que la partie
israélienne n’accorde aucune importance à des négociations
sérieuses et globales. Etant donné que la réaction
américaine à la poursuite des activités israéliennes a été
faible, il est difficile d’imaginer que le président Bush
réussira à obliger le gouvernement d’Olmert de mettre un
terme à l’implantation et de respecter les autres clauses de
la Feuille de la route. En effet, les Israéliens pensent que
la visite de Bush est une occasion historique pour le
pousser à soutenir leurs idées relatives à l’avenir de l’Etat
palestinien. Peu importe qu’il soit viable ou qu’il exprime
les intérêts du peuple palestinien, l’essentiel est qu’il
protège Israël.
Conformément à la presse israélienne, Olmert présentera à
Bush un certain nombre de demandes : notamment que l’Etat
palestinien soit désarmé, que l’armée israélienne ait le
droit d’entrer dans ses territoires à tout moment pour des
considérations sécuritaires, que l’aviation militaire
israélienne ait le droit de survoler ses territoires. Il lui
demandera par ailleurs de permettre le déploiement de forces
internationales tout au long des frontières avec la
Cisjordanie et la bande de Gaza. Ce sont là des
revendications irréalisables qui dévoilent la volonté
d’Israël d’avorter l’instauration d’un Etat palestinien
indépendant et souverain. Ce qui est inquiétant, c’est que
le président Bush accepte ces demandes et qu’il présente des
garanties au nom des Etats-Unis pour les appliquer à
l’avenir, que ce soit lors de son mandat ou du mandat du
prochain président quelle que soit son appartenance
partisane. Si ceci se réalise, il signifiera
l’anéantissement total de tout espoir en un règlement
politique ainsi qu’une invitation franche au retour de la
violence l