Cheikha Hissa Al-Sabbah,
présidente du Conseil des femmes d’affaires arabes,
récemment en visite en Egypte, analyse pour l’Hebdo les
potentiels de coopération entre les pays arabes .
« La plupart des projets initiés par des femmes arabes ont
connu des réussites »
Al-Ahram Hebdo : Y a-t-il une évolution au niveau du statut
de la femme dans le domaine des affaires dans la région du
Golfe en particulier et dans les pays arabes en général ?
Cheikha Hissa Al-Sabbah :
Sans se jeter des fleurs, en tant que femme d’affaires
membre de ce conseil durant 8 ans, nous avons vu que la
plupart des projets initiés par des femmes d’affaires arabes
ont connu des réussites. Elles ont fait preuve de
performance. La femme arabe, si l’occasion s’offre à elle,
s’avère créative et exploite toutes ses capacités et tout
son potentiel. De nombreux petits, moyens ou grands projets
qu’elles gèrent effectivement sur le marché sont reconnus et
ont une grande renommée.
— Vous avez toujours soutenu l’enseignement universitaire
des filles dans les pays du Golfe. Comment évaluez-vous la
situation aujourd’hui ?
— Aujourd’hui, le problème est inversé. L’enseignement
universitaire dans le Golfe représente un problème majeur
pour les institutions éducatives et non pas pour les
individus. D’autant plus que les filles sont de plus en plus
intéressées par les études universitaires et
post-universitaires, en raison du nombre croissant de
candidates. Raison pour laquelle les organismes et les
institutions éducatives dans le Golfe souffrent d’une
incapacité d’assimiler les nombres de plus en plus
croissants. A tel point que les familles envoient leurs
filles acquérir le savoir dans les autres universités à
l’étranger, ce qui n’était pas pensable autrefois.
— Mais le statut de la femme dans le monde arabe est encore
loin d’être reluisant. Quelle est l’issue pour sortir du
tunnel ?
— Personnellement, je ne suis pas pessimiste et je ne
voudrais pas décrire la situation de tragique. Ce n’est pas
non plus un tunnel. Le problème a deux volets. L’un se
rapportant aux habitudes, aux coutumes et au comportement
des individus et qui est probablement la cause de tous les
problèmes. Alors que l’autre se rapporte aux gouvernements
et aux régimes au pouvoir. D’ailleurs, j’ai pu détecter à
travers les nombreuses rencontres successives avec certains
leaders arabes, preneurs de décision, une volonté réelle de
réforme du statut de la femme arabe. Il y a une foi
inébranlable et une grande confiance dans les capacités de
la femme et dans le rôle positif qu’elle assume dans le
développement de sa société.
— Quel est le rôle du Conseil des femmes d’affaires arabes
que vous présidez ?
— Le Conseil des femmes d’affaires arabes est une ONG qui a
une activité économique. L’un de ses plus importants
objectifs est de réaliser une coopération et une entente
entre les différentes femmes d’affaires arabes. De sorte
qu’elles se connaissent et qu’elles échangent les
expériences et le savoir-faire. Et donc d’élargir les
horizons d’investissements, de quoi faire un bon usage de
leurs capitaux et créer des opportunités d’emploi pour les
femmes arabes. Le conseil œuvre également à faire parvenir
la voix de la femme arabe, détentrice de capitaux et de
projets, aux sphères de prise de décisions politiques et
économiques.
— Quels sont, selon vous, les obstacles majeurs qui
entravent l’union économique et commerciale arabe ?
— En parlant d’intégration arabe économique, je parlerai, en
l’occurrence, en tant que présidente du Conseil des femmes
d’affaires en termes d’investissements et de commerce.
La plus importante entrave qui freine notre action est la
différence et la variation des systèmes politiques entre les
économies ouvertes, les économies qui s’engagent sur cette
voie et le troisième groupe majoritaire qui adopte
malheureusement des systèmes économiques très fermés. Chose
qui se répercute négativement sur la liberté de transfert
des capitaux arabes. Conséquence, les systèmes banquiers,
les lois relatives à l’investissement, ainsi que celles de
l’échange commercial sont très différents. N’oublions pas
également d’évoquer l’indexation des devises étrangères sur
le dollar dans des pays, sur l’euro ou sur des paniers de
devises dans d’autres. Finalement, la différence du niveau
de vie entre les pays arabes fait que quelques-uns attirent
les investissements arabes alors que d’autres au contraire
les repoussent.
— Vous venez de visiter l’Egypte pour assister à une grande
conférence sur les investissements, Comment évaluez-vous le
climat de l’investissement en Egypte aujourd’hui ?
— Le climat des investissements en Egypte est de plus en
plus prometteur. Il y a juste quelques années, l’Egypte
stagnait et beaucoup de ses secteurs économiques étaient en
stagnation. Elle était en proie au désespoir en général.
L’Egypte n’avait pas l’espoir que quelqu’un serait capable
d’introduire le changement. Mais, la région arabe a été
surprise par le gouvernement actuel, différent et
caractérisé par une performance, une compétence et une
ouverture sur les secteurs privés égyptien, arabe et
international. Nous avons remarqué un changement sur la
carte de l’Egypte qui s’est transformée d’un pays
anti-investissement en un pays attirant les investissements,
armé de tout le potentiel qu’il possède. Tous les
indicateurs économiques ont évolué positivement. Le secteur
privé a fait des bonds en avant avec l’agrément du
gouvernement qui, à son tour, a assumé un rôle important,
celui de régulateur de l’économie et non de propriétaire. Le
fait d’ôter des entraves douanières, celles sur les impôts
et autres a beaucoup facilité la mission des investisseurs
égyptiens et arabes et les a encouragés à monter leurs
projets.
L’Egypte a réussi à appliquer le programme de la
privatisation à 40 %. Celui qui critique la politique de
privatisation en Egypte, est celui qui ne s’intéresse pas au
progrès du pays et aux nouvelles chances d’emploi. Il y a
bien sûr ceux qui s’opposent sans connaître la réalité des
choses et ceux qui sont plongés dans la bureaucratie et qui
ne se sont pas adaptés au changement. Ceux qui critiquent la
privatisation sont ceux qui veulent entraver la démarche du
développement.
— Enfin, croyez-vous que l’Egypte possède aujourd’hui les
facteurs de réussite qui entraîneraient prochainement une
croissance du nombre d’investisseurs arabes ?
— J’estime qu’un grand effort est déployé par l’Etat, qui
doit être multiplié pour régler les problèmes des
investisseurs qui mènent le développement économique. Il
incombe à l’Etat également d’assurer un suivi correct et de
se dresser face aux tenants de la bureaucratie qui sapent
parfois les efforts déployés par leur lenteur et leur
passivité dans l’application des décisions et des procédures
gouvernementales. Nous espérons également que l’Etat
promulgue rapidement des lois qui compléteraient la
législation qui gère les investissements en Egypte.
— Le prix du brut a fortement augmenté ces dernières années.
Quelles sont les priorités de l’usage des revenus pétroliers
en matière d’investissement dans les pays du Golfe
aujourd’hui ?
— Les priorités de l’usage des revenus pétroliers après les
dernières hausses doivent se focaliser sur le développement
durable. Je crois que cet argent doit être surtout investi
dans le domaine du développement humain et celui de
l’éducation. Mêmes les aides qui parviennent des pays arabes
producteurs de pétrole doivent impérativement être orientées
dans ce sens dans les autres pays arabes .
Propos
recueillis par
Magda Barsoum