Entretien .
Atwa Hussein,
directeur du département du Grand-Caire et du Fayoum au sein
de l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement
(AEAE), évoque les grands défis de 2008, notamment les
sources de pollution de l’air.
« Nous faisons le maximum »
Al-Ahram
Hebdo : Quel est le défi environnemental le plus important
de cette nouvelle année 2008 ?
Atwa Hussein :
C’est sans doute l’incinération en plein air des déchets en
général, et des déchets agricoles en particulier, qui pollue
gravement l’air et provoque le fameux smog. Comme l’a assuré
le ministre de l’Environnement, Magued Georges, au début de
son mandat, la solution à ce problème est loin d’être
évidente, et la situation ne changera pas du jour au
lendemain. Les efforts déployés dans ce domaine commencent à
se ressentir ; le smog n’a pas disparu, mais il est devenu
moins intense. Durant la saison de la récolte du riz, via
les inspections (24h/24), 2 929 cas d’incinérations
agricoles en plein air ont été enregistrés.
Au sein du ministère, nous déployons de gros efforts en vue
d’installer des usines de recyclage qui pourraient profiter
de cette énorme quantité de paille et la transformer en
d’autres produits, comme les engrais, le fourrage pour le
bétail, les briques pour la construction ou même pour
produire du gaz bio. Nous avons par exemple livré des
compresseurs à des jeunes dans le cadre de projets pour
transformer 50 000 tonnes de paille de riz en engrais
organiques. Nous avons également organisé 50 cours
d’entraînement dans les villages du gouvernorat de Guiza et
celui de Qalioubiya pour sensibiliser les paysans.
—
Que fait-on contre les industries charbonnières qui comptent
parmi les principales causes de la pollution de l’air à
travers nos gouvernorats ?
— Nous essayons de ne pas rester les bras croisés. Nous
avons défini un plan de lutte en multipliant les tournées
d’inspection dans les gouvernorats qui regroupent cette
activité. On impose au propriétaire de changer d’activité ou
de transférer sa charbonnière en dehors des zones habitées,
conformément à la loi n°453/1954. On lui donne un délai de
60 jours pour décider du sort de sa charbonnière, ensuite,
des mesures sont prises contre lui. Il est exposé à des
amendes qui varient entre 1 000 et 20 000 L.E., conformément
à l’article 40 de la loi sur la protection de
l’environnement. Au pire, on lui ferme sa charbonnière. En
coordination avec les services concernés, comme le ministère
de l’Industrie, l’Organisme du développement industriel et
les administrations des gouvernorats d’Egypte, des études
approfondies sur le terrain ont été menées sur les effets
écologiques néfastes des charbonnières, et ce en vue de les
faire évoluer et de les moderniser, par exemple en
introduisant des fours pour maîtriser les émissions de gaz
tout en produisant un nouveau genre de charbon de qualité,
mais surtout en réduisant la durée de combustion de 21 jours
à 30 heures seulement. En bref, la nouvelle industrie
charbonnière respectera l’environnement et sera conforme aux
normes stipulées par la loi.
Pour exécuter ce plan ambitieux, l’AEAE consacrera dans un
premier temps un financement étranger de 2 millions de L.E.
pour moderniser 50 charbonnières. Ce projet commencera début
2008 dans les deux gouvernorats regroupant le plus de
charbonnières, à savoir Qalioubiya et Charqiya. Le coût de
modernisation par unité sera d’un minimum de 60 000 L.E.
— D’autres activités, notamment les plomberies et les
cimenteries, continuent de polluer l’air du Grand Caire et
du Fayoum, qu’est-il prévu contre ces industries ?
— En effet, les mesures judiciaires prises contre les
propriétaires des charbonnières s’inscrivent dans un plan
quinquennal d’élimination des polluants de l’air. Il
consiste à déplacer toutes les activités polluantes en
dehors du Grand Caire, y compris les plomberies, les usines,
les carrières, les ateliers de poterie et surtout les
charbonnières. Le ministre de l’Environnement, Magued
Georges, travaille d’arrache-pied pour faire disparaître ces
polluants à l’horizon 2010.
— Et la pollution automobile ?
— En coopération avec le ministère de l’Intérieur, nous
avons organisé une campagne de contrôle des émissions des
véhicules dans les différents gouvernorats. Cette campagne a
commencé en juin 2005 et continue jusqu’à aujourd’hui. Elle
prend la forme de contrôles-surprises des pots
d’échappement. Quand ils ne sont pas conformes aux normes de
la loi 4/1994, la carte grise de la voiture est supprimée et
le conducteur s’expose à une amende allant de 50 L.E. à 200
L.E., selon la pollution occasionnée. Un délai de 30 jours
lui est accordé afin d’ajuster le moteur et de repasser un
test avant de récupérer les documents de son véhicule. En
effet, la pollution automobile représente 26 % du taux de la
pollution de l’air du Caire en général. C’est pourquoi on
encourage la conversion au gaz naturel pour véhicule (GNV).
Au cours de 2006/2007, nous avons contrôlé 100 104 voitures.
100 anciens taxis ont été convertis au GNV et 5 000 autres
seront prochainement convertis, et ce à travers une
coopération entre le ministère de l’Environnement et la
Banque Ahli.
— Quelles sont les perspectives 2008 en matière de
coopération internationale ?
— Le ministre de l’Environnement, Magued Georges, donne
beaucoup d’importance à la coopération internationale. Le
ministère vient de signer un accord avec l’Union européenne
en vue de sensibiliser 30 ONG sur le thème des changements
climatiques, car l’Egypte est l’un des pays les plus
vulnérables en ce qui concerne les menaces du réchauffement.
De même, un autre accord a été signé avec le PNUD en matière
de moyens de production propre. La préparation de ce plan
s’achèvera en mars 2008 et le coût de ce projet s’élève à
plus de 16 000 dollars.
— Il y a un sentiment général que la gestion
environnementale avance à pas de tortue ...
— Nous, nous faisons le maximum au point que nous sommes en
manque de personnel. Si vous venez visiter le ministère, il
n’y aura que peu de gens sur leurs bureaux, juste pour
assurer l’essentiel, sinon le reste est sur le terrain. Là,
il faut bien clarifier que notre rôle se limite à déterminer
le problème, l’étudier et proposer des solutions.
L’exécution de nos recommandations incombe aux services
exécutifs, notamment les différents ministères, gouvernorats
et autres autorités locales. L’AEAE n’est pas un organe
exécutif .
Propos recueillis par Manar Attiya