Magistrats .
Les élections, le 4 janvier, du Club des juges d’Alexandrie
(faisant office de syndicat) ont vu la défaite du courant
réformateur, opposé au ministre de la justice Mamdouh Marei.
Un vote pragmatique
Cette victoire d’Ismaïl Adham Al-Bassiouni à la présidence
du Club de juges d’Alexandrie face à Mahmoud Al-Khodeiri a
une portée symbolique. Le perdant est en effet l’un des
représentants du courant réformateur opposé au ministre de
la Justice Mamdouh Marei. Le scrutin qui a eu lieu vendredi
4 janvier a mobilisé 1 104 juges. Ismaïl Al-Bassiouni a
obtenu 569 voix, contre 535 pour son rival. « Ce résultat
était prévisible pour moi, surtout après la forte campagne
qui a été organisée contre moi par le ministère de la
Justice et par la sécurité », assure Al-Khodeiri qui a été
président du club durant deux mandats successifs depuis
2004. Et d’ajouter : « Etant donné cette mobilisation et
sachant que j’étais visé en raison de mes positions contre
le ministre, j’ai demandé à mes partisans au club avant les
élections de choisir un autre candidat pour garder le poste,
mais ils ont refusé. La bataille réelle n’était pas contre
Al-Bassiouni, mais contre Mamdouh Marei », affirme
Al-Khodeiri. Il souligne qu’il va continuer à se pencher sur
le dossier des droits de l’homme et de l’indépendance de la
justice.
Al-Khodeiri est l’un des plus fermes opposants à la
politique du ministre de la Justice qu’il critiquait
régulièrement dans les journaux. Il avait fait récemment
l’objet d’une vive controverse en affirmant que le Parlement
est à la solde du gouvernement. Al-Khodeiri a pris part
activement au mouvement de contestation mené par les juges
durant l’année 2006 qui réclamait l’indépendance de la
magistrature face au pouvoir exécutif. Ce mouvement s’est
déclenché après le renvoi de plusieurs magistrats devant une
commission de discipline pour avoir ouvertement dénoncé des
irrégularités lors des élections législatives d’octobre et
de novembre 2005. La nomination de Mamdouh Marei au
ministère de la Justice en remplacement de Mahmoud
Aboul-Leil a envenimé les relations entre les juges et le
gouvernement. Marei a arrêté le versement des sommes
fournies par son ministère au Club des juges. Ce que ces
derniers ont perçu comme une mesure de représailles. Face à
Al-Khodeiri, Al-Bassiouni qui se réclame indépendant,
préconisait une politique d’apaisement avec le gouvernement
qui, selon lui, serait plus rentable pour les juges qui
souhaitent améliorer leur statut. La défaite d’Al-Khodeiri
est-elle le signe d’un changement dans la position des juges
? Selon Ahmad Mekki, l’un des deux magistrats réformateurs
qui avaient été déférés devant la commission de discipline,
c’est non. « Les élections dans les gouvernorats sont basées
sur les relations personnelles, et il ne faut pas oublier
qu’Alexandrie est la ville de Mamdouh Marei.
De plus,
certains juges préfèrent l’apaisement plutôt qu’une
politique de confrontation avec l’Etat », explique Mekki.
Même son de cloche pour Zakariya Abdel-Aziz, président du
Club des juges du Caire pour qui la défaite d’Al-Khodeiri
est considérée comme une perte pour le courant réformateur.
« Nous n’avons pas perdu la bataille. Al-Khodeiri a bien
joué son rôle, et il va le poursuivre. L’important n’est pas
le poste, mais les idées qui restent. Il y en a des juges
qui jouent des rôles très importants et qui n’ont pas de
postes comme Hicham Al-Bastawissi et Ahmad Mekki », indique
Zakariya Abdel-Aziz. Ismaïl Al-Bassiouni a affirmé pour sa
part qu’il n’a bénéficié d’aucun soutien du ministère de la
Justice pendant les élections. « Je travaille dans la
magistrature depuis 47 ans, et je n’ai rencontré le ministre
de la Justice, Mamdouh Marei, que trois fois seulement. Je
pense que le club a consacré tous ses efforts durant les
trois dernières années pour s’engager dans une confrontation
avec l’Etat, ce qui n’a pas été à l’avantage des juges »,
affirme Al-Bassiouni. Il ajoute que son programme vise à
protéger l’indépendance de la justice et à améliorer le
statut et les privilèges des juges. Mamdouh Marei a déclaré
quelques jours avant ces élections qu’il voulait améliorer
la profession de la magistrature et le statut salarial des
magistrats. Les voix des jeunes juges qui préfèrent
l’apaisement se sont reportées sur Al-Bassiouni .
Ola
Hamdi