Production de fer .
Quatre nouvelles licences ont été octroyées à des
entreprises égyptiennes. La mise aux enchères annoncée par
le gouvernement n’a donc pas eu lieu, ce qui alimente les
critiques sur le favoritisme dont bénéficierait le groupe
Ezz Al-Dékheila.
Intrus malvenus
Le
marché du fer à béton, connu et critiqué depuis plusieurs
années pour son opacité, n’améliore pas sa réputation après
l’octroi, et non la mise aux enchères, comme prévu, de 4
nouvelles licences de production la semaine dernière. Dont
une à l’enfant chéri du gouvernement et numéro 1 national,
le groupe Ezz Al-Dékheila. Les autres licences ont été
concédées à 3 entreprises locales, à savoir : Tiba,
Al-Masriya et Beshaï. Sept autres entreprises étrangères se
disputeront une cinquième licence le 10 février prochain,
cette fois-ci lors d’une enchère. Tandis que la holding
koweïtienne Mac, dépendant d’Al-Khorafi Group, cherche à
décrocher une sixième licence pour la production d’un
matériau, pour le moment importé sur le marché égyptien. Amr
Assal, président de l’Organisme du développement industriel,
explique que par cette décision, l’objectif est de
développer par l’intermédiaire d’entreprises nationales le
processus industriel de la production de fer spongieux et de
billettes de fer. « Cela mènera à la baisse des prix de 30 %
et — plus important — créera une compétition juste sur le
marché », dit-il. Car pour lui, la hausse continue des prix
résulte justement du manque de ces matériaux dans la
production nationale.
Après avoir formé une alliance à la fin des années 1990 avec
le groupe Al-Dékheila, seul producteur de fer spongieux et
de billettes de fer en Egypte, le groupe Ezz Al-Dékheila a
mis la main sur la production de fer en Egypte. Mais en
accordant 3 nouvelles licences pour la production de ces
matériaux à 3 autres entreprises locales, « nous créerons
des entités compétitrices sur le marché et mettrons fin à ce
monopole. Cette compétition mènera sans aucun doute à une
baisse des prix », a déclaré Assal. Or, les petits
producteurs sont déjà en parfaite symbiose avec Ezz. Ils ont
formé avec lui une alliance afin de se partager le marché et
coordonner les prix. Ainsi, « ils attendent chaque semaine
l’annonce par Ezz de ses prix pour faire ensuite connaître
les leurs », explique Ezzat Maarouf, expert de l’industrie.
A noter que 6 entreprises contrôlent seules 90 % du marché,
les 4 ayant obtenu les licences en plus de l’Entreprise
publique du fer et d’acier et d’Al-Arabi pour la production
d’acier.
Trop de courtoisie
Mais parler du marché du fer à béton en Egypte, c’est parler
de Ezz Al-Dékheila. Une alliance publique-privée gérée et
majoritairement possédée par un homme fort du Parti National
Démocrate (PND, au pouvoir), Ahmad Ezz. Cette alliance
s’empare à elle seule d’environ 68 % du marché et a
enregistré au cours des 9 premiers mois de 2007 des profits
nets s’élevant à 4,1 milliards de L.E. Le prix d’une tonne
de fer est passé de 3 200 L.E. début 2007 à 4 200 L.E. début
2008. C’est pourquoi Ezz Al-Dékheila est accusé de
monopoliser le marché. Mais l’homme n’est pas inquiet : le
ministre de l’Industrie, Rachid Mohamad Rachid, répète à
l’envi qu’« il y a une différence entre posséder une grande
part du marché et être en situation de monopolistes ».
Maarouf assure que « c’est faux ». Il ajoute que le «
gouvernement traite avec trop de courtoisie Ezz en retardant
l’annonce des résultats de l’enquête », et que « la loi
s’applique clairement à sa situation ». Mohamad Al-Naggar,
professeur d’économie, adopte la même opinion. Il critique
la protection gouvernementale de Ezz en menant une simple
comparaison avec les Etats-Unis, qui ont décidé de scinder
l’entreprise Microsoft sans preuve concrète de son monopole.
« Ils se sont contentés des plaintes déposées. Mais,
malheureusement, chez nous, c’est le plus fort et le plus
riche qui l’emporte », déplore-t-il.
Aujourd’hui, la production locale de fer s’élève à 5,8
millions de tonnes par an, et la consommation locale s’élève
à 4,8 millions de tonnes par an. Et selon une étude du
ministère du Commerce et de l’industrie, les besoins de l’Egypte
en différents produits de fer atteindront en 2013, 12
millions de tonnes par an (billettes de fer ...). De même,
le fossé entre la production et les besoins en fer spongieux
(DRI) est estimé en 2013 à 8,5 millions de tonnes par an.
Pour Hani Sami, analyste du secteur de l’immobilier et des
matériaux de construction auprès de CI Capital, « la hausse
des prix du pétrole et le boom immobilier alimenteront
davantage la demande en matière de construction et
l’importante liquidité présente dans les pays du Golfe
arrivera en Egypte dans des projets de construction. Au lieu
donc d’importer ces matières, il est préférable d’augmenter
les capacités de production locale afin de répondre à ces
besoins et de réduire les coûts de production entre 20 et 30
% ». Opinion réfutée par Ezzat Maarouf qui assure que l’on
assistera bientôt à une récession mondiale et que, par
conséquent, la demande internationale sur les produits de
construction, dont le fer, diminuera. « Créer ces usines
représente donc un gros risque, car elles ne pourront pas
écouler leur production. Alors j’estime que les banques
égyptiennes ne doivent pas financer ces projets. Si les
entreprises prennent le risque, elles devront en assumer les
conséquences », conclut-il.
Névine Kamel