Al-Ahram Hebdo, Arts | Les comédiennes haut la main
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 Semaine du 7 au 13 janvier 2008, numéro 696

 

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Arts

Cinéma . L’an 2007 vient de s’achever en apothéose avec Chikamara, film-phare de la comédie populaire, qui a permis à la jeune comédienne May Ezzeddine d’être seule en tête d’affiche. Un come-back réussi des farceuses sur l’écran.

Les comédiennes haut la main

Parmi les films événements de cette saison cinématographique d’hiver, Chikamara interprété par May Ezzeddine, qui lui a permis de prendre la tête du peloton. Une aventure qui ouvre un certain débat sur le changement de l’image de la jeune première et de la farceuse dans les films égyptiens.

Chikamara, ce nom n’est pas étranger à ceux qui connaissent le cinéma indien. C’est en effet celui d’un des caractères les plus connus des films indiens des années 1980. Cette figure de scène, forte d’un potentiel cinématographique élevé, se retrouve aujourd’hui sur les écrans égyptiens, mais dans un cadre purement ironique. Il s’agit d’une jeune fille modeste, qui se trouve obligée d’assurer sa survie dans une société assez masculine. Personnage populaire quoique sympathique, quoique bonimenteur, cette fille trouve du travail comme chauffeur de microbus. D’où commence une série d’aventures.

Le film est sans conteste une réussite pour le cinéma féminin, même si l’œuvre tombe parfois dans la vulgarité et la moquerie.

C’est une comédie, certes. Mais c’est bien plus que cela. « C’est un appel aux écrivains et aux producteurs de confier le vedettariat aux jeunes comédiennes en tant que stars d’affiche. Plus le monde a tendance à se viriliser, plus j’ai envie de m’engager dans cette voie. Les comédiennes ont légitimement le droit de concurrencer les hommes. Je voudrais également que les spectateurs sortent des salles un peu apaisés, comme si Chikamara leur avait massé l’âme », avoue le réalisateur. Qu’il se rassure, l’initiative en vaut la chandelle, d’autant plus que le film a dépassé les dix millions de recettes dans les deux semaines suivant sa sortie. D’où l’intérêt à se pencher sur l’histoire des comédiennes et les farceuses dans le cinéma égyptien.

 

Rire de soi

L’analyse du classement des films égyptiens qui ont le plus marqué le public au cours des dernières années confirme en fait que le cinéma égyptien excelle dans la comédie, voire la satire de la société. Le succès des films de Naguib Al-Rihani, de Fouad Al-Mohanddes et de Adel Imam sur la bureaucratie, la pauvreté ou même le terrorisme l’atteste, d’autant plus que le public a manifesté un goût pour moquer les infortunes de personnages qui lui ressemblent.

Selon sa conception, la comédie consiste, en général, à dénoncer les défauts et travers de la société à une époque donnée en présentant des personnages de souche modeste ou moyenne qui suscitent le rire ou la dérision dans des intrigues aux issues heureuses.

Ce genre comique a catapulté naguère des actrices de la trempe de Marie Mounib, Zeinat Sedqi ou Chéwikar vers le sommet dans le top du box-office. De nos jours, outre May Ezzeddine, la comédienne Yasmine Abdel-Aziz a pu s’affirmer en star, il y a un an, dans la comédie Haha et Toffaha, aux côtés de Talaat Zakariya.

Dans ce film, elle campe avec intensité une héroïne que les gens trahissent, rejettent, mais qui transcende leurs lâchetés et leurs ruses, en tant que personnage qui assume la responsabilité de ses actes et ses rapports aux autres. Une attitude qui s’inscrit dans la démarche de l’artiste. « Je pense que les comédiennes, qui se prennent le chou en craignant d’être responsables d’un film et de son succès auprès du public, ignorent que le risque est inhérent à leur métier, et passent à côté de l’essentiel à assumer », affirme Yasmine Abdel-Aziz, soulignant que la plupart des comédiennes de sa génération rechignent à prendre le pari de réussir en se risquant à des rôles peu usuels. Une autre figure de proue, c’est Abla Kamel qui a commencé par jouer dans des mélodrames avant de virer vers la comédie avec Mahmoud Abdel-Aziz dans le film Sayedati anessati (mesdames et mesdemoiselles) signé Raafat Al-Mihi, et notamment dans Hesteria (hystérie) avec Ahmad Zaki. Mais, c’est le film Al-Limbi qui lui vaut ses galons de prestige, où elle incarne Faransa, cette dame vulgaire qui essaye de vivre selon ses propres lois. Depuis, elle occupe aisément la tête d’affiche dans des comédies telles Khalti Faransa (tante Faransa). Toutefois, le film et le caractère de Faransa ont été fort vilipendés par la critique. « Le rôle d’une actrice est d’expérimenter et de brusquer les attentes, sinon, elle tombe dans une routine fatale pour sa carrière », se défend Abla Kamel.

 

Une industrie masculine

D’après les critiques et les théoriciens, le développement et l’orientation du cinéma sont l’affaire d’hommes qui en dictent les règles. Il en résulte une image de la femme conforme à des approximations masculines, et des attentes qu’elles font satisfaire tantôt ou déçoivent. Cela s’en ressent au cinéma plus que dans la littérature héritière d’un plus long métissage. Cependant, l’évolution du septième art s’est réalisée parallèlement à l’une des mutations capitales du siècle : l’émancipation de la femme et la totale remise en question de la condition féminine. « Miroir de notre temps », le cinéma a été marqué par cet impact et sa vision de la femme s’en est infléchie. Il suffit, pour s’en rendre compte, de comparer les caractères joués par Leïla Mourad et Raqia Ibrahim dans les anciens films de Mohamad Abdel-Wahab et ceux joués par Chadia, Soad Hosni ou Nadia Loutfi dans les films des années 1960 et 70.

D’où la variété et la complexité du thème féminin au fil de l’histoire du cinéma. Le mythe de la femme lui doit certes un nouvel essor. Non seulement, il a induit un deuxième souffle à des héroïnes littéraires, telles Wédad, Zeinab ou Fatma, mais il a également créé des figures originales. A côté des représentations idéales, le nouvel art, par sa puissance incomparable d’approfondissement de l’expression du visage et ses possibilités quasi illimitées d’interprétation, devait, en cernant le mystère féminin, nous rapprocher des femmes réelles. Parce qu’autant branchés sur la révolution actuelle que fixés sur l’« éternel féminin », ces poètes authentiques devenaient des révélateurs du moi intime de la femme.

C’est peut-être une actrice égyptienne, Faten Hamama, qui confère le visage le plus juste à ce nouveau type de femme dont la beauté réside dans une dignité sans cesse à reconquérir, dans la fierté de devenir soi, dans la générosité jointe à l’exigence.

Une nouvelle image féminine est venue s’imposer au cinéma des années 1980, celle de la femme séductrice : « Je me suis vouée à représenter l’image d’une beauté qui peut flatter ces milliers de désirs sans espoir d’assouvissement. Je suis ce que cet adolescent ne trouvera jamais, et ce que pendant de longues années, ce vieillard chercherait en vain, et ce que cette femme aurait voulu être, afin de retenir celui qui l’a trahie ». Tel est l’aveu que Wahid Hamed met sur les lèvres de Nabila Ebeid, dans une scène du film Al-Raqéssa wal siyassi (la danseuse et le politicien), mis en scène par Samir Seif.

Cette image inaccessible, insaisissable, constitue sans doute l’apogée de l’expression féminine au cinéma. Des comédienne telles Nabila Ebeid et Nadia Al-Guindi, suivies de Yousra et Leïla Eloui, ont pu conférer une dimension épique à cette image de sex-bomb ou plutôt de jeune première convoitée de tous.

Pas loin de cette image vient celle de La femme désirée. A l’instar de Marilyn Monroe dans le cinéma hollywoodien, Hind Rostom est venue s’imposer dans les années 1960 comme « la séductrice triomphante, ajoutant au charme personnel de la femme le prestige artificiel de la vamp, créature impudique, dont les formes sont rendues plus affriolantes par les parures qui les enveloppent ou les dévoilent », affirme Seifeddine Daoud, chercheur auprès de l’Académie des arts. Objet de caprice, poupée de chair et d’os dont les interprétations ont été sans cesse admirées par le public, elle figurait la créature tant adulée par les hommes, dont l’étreinte renforce le sentiment de virilité et de séduction masculine. Mais plus révélatrice encore est l’évolution interne de certaines vedettes vouées de prime abord à jouer la séductrice. Hind Rostom, dont la beauté physique composait au début tout le programme, conquit sa dignité pour atteindre l’authentique dans Chafiqa al-qébtiya (Chafiqa, la copte). Aux dires de Hassan Al-Imam, « bien plus que ses atouts physiques, c’était son dynamisme intérieur qui charmait, une opulence rafraîchissante, une ferveur juvénile ».

Néanmoins, il faut souligner que l’évolution de la condition et de l’image de la femme sur l’écran ressemble assez à celle du cinéma égyptien en général, où l’on avance deux pas pour reculer autant. Une certaine détérioration affecte aujourd’hui l’image de la jeune première, d’où la nécessité de se ressourcer aux œuvres littéraires pour restaurer les caractères féminins les plus recherchés et les plus authentiques.

Yasser Moheb

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