Pour Mariam Nour,
nutritionniste zen et star des médias, la macrobiotique
permet de percer les secrets de la vie et de la longévité.
Les opinions de cette Libanaise controversée l’ont placée
sous les feux de la rampe.
La médecine des Samouraïs
Tout le monde en parle, mais ce n’est pas toujours pour dire
du bien… Certains la rejettent, alors que d’autres
l’écoutent attentivement. «Méfiez-vous de cette vieille dame
! Elle exerce le charlatanisme ! », « Elle ose s’attaquer à
la religion et au prophète Mohamad ! », « Elle part toujours
des sciences ! », « Son régime alimentaire est sans doute
hygiénique ! », « Ses références culturelles et religieuses
sont multiples ! », « Une nutritionniste végétarienne
spécialiste de la médecine naturelle », « Plutôt philosophe,
son domaine est la spiritualité et l’amour de Dieu. Elle
prône l’amour de tout ce que Dieu a créé, toutes les
religions, le respect de l’homme en tant qu’être humain … ».
La septuagénaire libanaise Mariam Nour n’arrête pas de faire
son apparition sur les chaînes satellites, s’étalant sur les
avantages de la nourriture saine. Ses propos ne laissent pas
indifférent, la plaçant souvent au sein de multiples
controverses. Mais elle y fait la sourde oreille, n’y
prêtant pas une grande attention et poursuit son engagement
faisant appel à une alimentation macrobiotique. Cette
philosophie de vie visant à manger sain et à se soigner
naturellement.
En fait, Mariam Nour propose de remettre en question tout le
système alimentaire traditionnel et prône le retour à la
nature. C’est un retour à la vie sobre d’antan, lorsque les
maladies fatales et chroniques n’existaient pas encore. Elle
conseille toujours la méditation visant à mieux se connaître
et à redécouvrir Dieu. « Ô les Arabes ! Réveillez-vous !
Soyez plus lucides ! Malheureusement, la nation du prophète
Mohamad vit dans l’ignorance ! », dit-elle s’adressant aux
musulmans, ajoutant : « L’ignorance et l’arriération ont
permis aux Etats-Unis de nous contrôler. Aujourd’hui, les
Arabes sont classés comme terroristes ou islamistes.
L’Amérique au nom de lutter contre le terrorisme manipule
tout le monde. Elle domine par la puissance des armes et de
l’argent ».
Ainsi, aborde-t-elle tout genre de sujets, dans ses
émissions, passant de la nutrition, à la religion pour
s’étendre au politique … Pas de tabous. Parfois choquante,
parfois simple. Pour ce, d’aucuns ont essayé de la faire
taire, de l’éloigner des médias, en la menaçant. « Je
connais bien ceux qui veulent me faire taire et ceux qui
m’attaquent. En tête de liste figurent les responsables de
l’industrie pharmaceutique et alimentaire (FDA, Food and
Drug Administration) et les cheikhs barbus. Dans le monde
arabe, je ne peux faire confiance ni aux médecins ni aux
hommes de religion. De toute façon, nul n’est prophète en
son pays ». Et de poursuivre : « Pourquoi ces gens
m’attaquent-ils ? Peut-être préfère-t-on les femmes aux
mœurs légères ? Je ne suis pas Haifaa Wahbi, laquelle chante
et danse en tenue dénudée sur l’écran ». Sa voix s’élève,
épousant une intonation rapide et furieuse. Ensuite, elle
assure : « Les télévisions dans le monde arabe sont
médiocres à 100 %. Sur écran, on doit avoir un homme et une
femme flirtant ensemble sinon, l’émission n’est pas diffusée
! Où donc peut se placer Mariam Nour sur ces chaînes ? ».
Femme rebelle, elle a renoncé à sa vie conjugale
traditionnelle, à sa maternité, optant pour la science. Elle
a même pu vaincre sa propre maladie, de quoi lui attribuer
une certaine crédibilité auprès des uns. Car en parlant,
elle se réfère à son expérience personnelle.
Petite fille de 8 ans, elle pensait déjà qu’on pouvait mener
sa vie autrement. Mais elle n’était qu’une gamine qui se
couchait tôt pour se rendre le lendemain à l’école. A 16
ans, elle s’est mariée, pour fuir les études ! Et donc, le
divorce était au rendez-vous.
Mariam Nour réintègre l’école, puis l’université. Après la
mort de sa mère, elle a cherché à nouveau à fuir l’autorité
de son père et de ses frères. Un deuxième mariage a été
alors la solution. « Durant la nuit de noces, je savais que
c’était une échappatoire, mais j’ai mis beaucoup de temps
pour passer à l’acte et couper net avec cette vie … ».
Devenir une mère, une simple femme au foyer, ne pouvait la
satisfaire. Alors, elle a cherché à mieux comprendre son
univers, son entourage. C’est là qu’elle fit la connaissance
du leader Kamal Joumblatt, l’imam Moussa Al-Sadr et d’autres
personnalités de marque. Son mari, en rogne, tentait
d’imposer son autorité, mais … l’affaire fut tranchée.
Mariam Nour claque la porte, sans jamais regarder derrière
elle. « Ce fut le moment le plus merveilleux de ma vie ! Je
n’avais que 15 livres libanaises en poche et je ne savais où
aller. Mais de plein gré, j’ai choisi d’être libre. Pendant
plus de trente ans, je n’ai pas vu ma fille que j’aime
toujours au-delà de tout », raconte-t-elle fièrement.
Nour a trouvé refuge à l’Université américaine où elle a
poursuivi ses études et tenté de soigner les jeunes filles
du campus.
La trentaine, elle a été atteinte d’un cancer du sein et a
refusé de se soumettre aux avis des médecins qui jugeaient
son état très critique, presque incurable. Elle savait déjà
que les tumeurs étaient héréditaires dans sa famille. Son
père partageait l’avis des médecins et lui répétait souvent
: « Tu es comme ta mère et ta tante. Ce n’est pas un hasard
». Mais elle ne voulait pas baisser les bras. « J’ai posé
aux médecins la question suivante : D’où vient cette maladie
? Comment s’installe-t-elle ? Et personne ne me donnait de
réponse. J’ai réfléchi, en disant : Adam et Eve ne
souffraient pas de cancer. Le cancer n’est donc pas une
maladie du bon Dieu ».
La recherche et la lecture lui ont permis de découvrir le
champ macrobiotique, où elle a trouvé une réponse à tout.
Aux Etats-Unis, elle a étudié cette hygiène de vie assurant
la longévité, adoptant un régime alimentaire à base de
céréales et de légumes naturels sans aucun ingrédient
chimique ou industriel. Ses études supérieures portaient sur
la nutrition, suivant les consignes du Japonais Michio Kushi,
fervent disciple du maître spirituel indien Osho. Ensuite,
elle inaugura aux Etats-Unis le centre SAMA réservé à l’art
de la macrobiotique : corps, pensée et âme. C’est là qu’elle
soignait ses malades et tous les gens à la recherche d’une
vie plus saine. Par la suite, d’autres centres similaires
ont été inaugurés dans le monde arabe tels Beit al-salam
(maison de la paix) au Liban, Beit al-haqq (maison de la
justice) en Syrie et récemment Beit al-chifa (maison de la
guérison) en Egypte.
Egalement aux Etats-Unis, Mariam Nour a redécouvert l’islam
grâce à Ali, un jeune Jordanien atteint de sida. « Le jour
où il agonisa, j’ai fait appel à un cheikh. Ce dernier, dès
qu’il a compris quelle était sa maladie, m’a lancé jurons et
malédictions : Oh vieille, n’avez-vous pas honte ?! C’est un
homosexuel maudit ! ». Nour s’en foutait et a fait appel à
un autre cheikh, cette fois-ci un musulman d’origine
allemande, lequel est venu prier et réciter du Coran auprès
de Ali. « Tous les gens qui étaient présents dans la salle
me demandaient de traduire ce qu’il disait. C’était
quasiment une musique céleste, qui nous a laissés sous le
charme … Cet Allemand qui parlait l’arabe classique s’était
fait appeler Anas Ibn Malek ». A travers lui, elle a connu
un islam plus profond et plus tolérant. Plus zen si l’on ose
dire.
Mais il était temps de retrouver son pays natal. Car Mariam
Nour est convaincue qu’elle a un message à transmettre au
monde arabe. Et cela s’opéra via les médias. « Dieu me fait
de temps en temps signe pour me dire que je suis sur le bon
chemin. A travers une amie, j’ai rencontré Ghazi Kanaan (une
personne influente, longtemps à la tête des services de
renseignement syriens au Liban et ministre syrien de
l’Intérieur entre 2004 et 2005). Après une longue
discussion, il m’a dit : vous êtes une mère pour moi …
Demandez ce que vous voulez. La réponse était évidemment
simple : l’accès aux médias ».
Au départ, ses émissions diffusées sur la chaîne LBC (à
affinité maronite) ont suscité un grand débat. Les hommes de
religion musulmans ou chrétiens se montraient très méfiants
à son égard. Et les hommes du pouvoir ont fait pression pour
qu’elle arrête. En 2003, désespérée, Mariam Nour a décidé de
retourner aux Etats-Unis. Mais un coup de fil, du
présentateur de la chaîne Al-Jazeera, Ahmad Mansour, lui
avait fait changer d’avis.
« Mansour est venu chez moi me rappelant un entretien que
j’avais accordé à Amr Adib sur la chaîne Orbit. A travers
l’entretien, l’on m’a reproché avoir été très critique à
l’égard des Saoudiens entre autres …. Une fois en direct sur
Al-Jazeera, j’ai parlé ouvertement et j’ai été sollicitée de
partout. Les chaînes satellites multipliaient les
propositions, mais certes avec des restrictions. Les
responsables de New TV se sont mis d’accord pour m’accorder
une liberté totale et rien d’autre. Et ce fut ainsi. Je
parle de mon régime alimentaire, de l’art de vivre, de la
religion, de tout ce que je veux sans censure »,
explique-t-elle.
Malgré son succès, Mariam Nour ne s’intéresse pas à avoir un
large public ni des fans. Elle ne croit en personne. Elle
n’a confiance qu’en elle-même. Elle rejette le public,
l’audience, les spectateurs, la société … Et ne reconnaît
que le mérite d’une personne à même de la guider ou de
l’aider à reconnaître ses fautes, une personne qui a
fortiori comprend le monde mieux qu’elle. « La sagesse
existe en Orient et en Occident. Elle n’est pas à la portée
des commerçants mercantiles. Ceux-ci sont nombreux dans le
monde arabe ; ils cherchent plutôt à détourner la vérité et
à en faire un objet de marchandages inutiles. Ils jouent
avec les idées du maître Osho, ou Muchio Kushi … sans
vraiment s’y connaître. Mais dans ces pays, il y a certes
quelques exceptions ». Des maîtres à pensée, des spirituels,
des soufis … elle cite par exemple le nom de la Soudanaise
Mariam Al-Chérif qui parle magiquement de l’islam, du Libyen
Fath Bin Eissa ou encore celui de Magued Youssef,
responsable de la chaîne satellite égyptienne Al-Tanwir. «
Toujours il y a quelques individus différents. Dans le monde
arabe, on rejette l’idée de la différence, contrairement à
l’Occident ou à l’extrême Orient où l’on respecte les
exceptions, les dons surnaturels. En Inde, on trouve environ
50 000 personnes qui vivent sobrement à la lumière d’une
chandelle ou d’une lanterne. Là-bas, on entend de belles
voix qui appellent à la prière, alors que dans nos mosquées
les voix des muezzins renvoient aux aboiements de chiens.
Là-bas, on parle toujours de collectivisme, tandis que la
Oumma de Mohamad qui devait s’inspirer du principe de la
commune rejette la valeur du collectif », souligne-t-elle,
en poussant un soupir pour déplorer le sort des Arabes. Par
contre, elle tient à confirmer qu’elle n’aime pas être
rangée sous l’étiquette de musulmane, chrétienne, juive ou
bouddhiste, avouant : « Je n’ai pas de religion, ma religion
est celle du cœur et de la science, laquelle admet qu’il n’y
a qu’un seul Dieu, Allah le Grand, le Miséricordieux ».
May
Sélim