Al-Ahram Hebdo, Enquête | Précipité colérique
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 12 à 18 avril 2006, numéro 606

 

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Enquête

Droits de l’Homme . Une résolution sans ambages du Parlement européen sur la situation en Egypte a provoqué une vive réaction du Caire qui dénonce un « complot » visant à ternir l’image du pays.

Précipité colérique

La résolution du Parlement européen a sonné comme un coup de semonce en direction du Caire. « C’est une ingérence dans les affaires internes de l’Egypte que nous n’acceptons pas. L’Egypte doit défendre sa dignité », s’est insurgé le président de l’Assemblée du peuple, Ahmad Fathi Sourour, aussitôt après le vote de la résolution.

Le 17 janvier, les députés européens ont en effet adopté un projet de résolution critiquant la situation des droits de l’homme en Egypte. Le texte demande au gouvernement égyptien de supprimer la loi de l’état d’urgence instaurée en 1981 après l’assassinat du président Anouar Al-Sadate et de ne pas la remplacer par une loi alternative restreignant les libertés. Il exige la libération d’Aymane Nour, ancien candidat aux élections présidentielles de 2005 (actuellement emprisonné dans une affaire de fraude de documents liés à la création de son parti d’Al-Ghad), et demande au gouvernement égyptien de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance de la justice et le respect des libertés. Enfin, le document évoque le sujet épineux de la torture et des discriminations religieuses. « Un terme doit être mis à tous types d’actes de torture et de mauvais traitements », précise la résolution considérant que « les coptes, les bahaïs, les chiites, les coranistes et les membres d’autres minorités religieuses demeurent regrettablement ostracisés pour des raisons sectaires », précise la résolution. Le vote de la résolution a provoqué la colère des milieux officiels en Egypte. Outre Fathi Sourour, le ministre des Affaires étrangères, Ahmad Aboul-Gheit, est monté au créneau pour dénoncer « l’arrogance » du Parlement européen. Dans un communiqué publié après le vote de la résolution, le chef de la diplomatie estime que Le Caire « rejette totalement les tentatives de ceux qui se croient autorisés à enquêter sur les droits de l’homme en Egypte ». Aboul-Gheit a estimé en outre que « l’Egypte n’a de leçon à recevoir de personne, en particulier si ceux qui les donnent se montrent arrogants et ignorants » et que « la résolution montre l’ignorance du Parlement européen quant à la situation en Egypte ainsi que son ignorance quant aux réformes politiques, économiques et sociales mises en œuvre en Egypte ces dernières années ». En guise de riposte, Le Caire a convoqué les ambassadeurs des 27 pays de l’Union européenne et a annoncé sa non participation à une réunion euro-méditérranéenne cette semaine à Bruxelles. De même, le gouvernement a annulé une réunion bilatérale avec une délégation de la Commission européenne qui devait avoir lieu ce mercredi au Caire dans le cadre du récent accord de voisinage avec l’UE.

Le Caire s’est employé à minimiser l’impact de la résolution  affirmant qu’elle avait été prise par une minorité de députés. La résolution avait été adoptée avec une majorité de 52 voix et 7 abstentions (59 députés présents sur 784). « Cette résolution a été prise par une minorité de députés qui ont des intérêts bien compris. C’est une décision politique qui vise uniquement à intimider l’Egypte et à créer une tension entre elle et l’Union européenne », lance Abdel-Ahad Gamaleddine, chef de la majorité parlementaire du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir). Un complot contre Le Caire ? Pourquoi et pour le compte de qui ? Abdel-Ahad Gamaleddine pointe Israël du doigt. Pour lui, l’allusion à la question des tunnels incluse dans la résolution soulève beaucoup de doutes quant aux motifs qui ont inspiré certains parlementaires européens et aux liens qui les unissent à ceux qui bénéficient de l’exagération constante de cette question. La résolution encourage en effet « toutes les parties à intensifier la lutte contre la contrebande d’armes réalisée au moyen de tunnels débouchant dans la bande de Gaza », un sujet sensible à propos duquel Israël accuse Le Caire de ne pas déployer assez d’efforts. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hossam Zaki, exprime lui aussi cette hypothèse en affirmant qu’« il y a des doutes sur les raisons qui ont motivé certains parlementaires européens à soutenir cette résolution ». Quant à Ahmad Haggag, du Conseil national des droits de l’homme, il déplore que « la résolution n’ait pas reconnu les progrès réalisés par l’Egypte dans le domaine des droits de l’homme. Pourquoi le parlement européen n’a-t-il pas critiqué les atteintes aux droits de l’homme commises par Israël ».

Réaction disproportionnée

Des diplomates de la Commission européenne en poste au Caire contactés par Al-Ahram Hebdo nient totalement ces hypothèses. « Il n’y a absolument aucun complot contre l’Egypte. Le Parlement européen discute la situation des droits de l’homme dans divers pays et non seulement en Egypte. Par exemple, le Parlement a évoqué la situation au Congo. Il a adopté nombre de résolutions condamnant les violations des droits de l’homme à Guantanamo, au Tibet, au Cachemire, en Birmanie, au Sahara occidental et en Tunisie. Le but est simplement de dire qu’il y a en Egypte des choses qui nous préoccupent », affirme un diplomate sous le couvert de l’anonymat. Il s’étonne de la réaction disproportionnée de l’Egypte face à une question qui doit faire l’objet d’un dialogue. « Si le gouvernement égyptien veut apporter des éclaircissements sur certaines questions, il peut le faire par le dialogue. Or, le gouvernement a annulé la réunion qui devait avoir lieu les 23 et 24 janvier au Caire qui aurait pu donner lieu à un dialogue entre les deux parties », ajoute le diplomate affirmant que le Parlement européen s’emploie à étoffer les clauses des droits de l’homme contenues dans les accords d’association conclus entre l’Union européenne et les pays tiers. L’accord d’association signé entre l’Egypte et l’Union européenne en 2004 comprend des clauses sur l’amélioration des droits de l’homme dans les pays associés. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que l’Egypte est critiquée quant au dossier des droits de l’homme par le Parlement européen. Cependant, selon Ahmad Sabet, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, la récente période a vu une multiplication des rapports faisant état d’une régression des droits de l’homme en Egypte. « La torture dans les commissariats, la crise des juges, la multiplication des manifestations associées à une croissance du flot migratoire clandestin vers les pays européens ont placé l’Egypte sous le feu des projecteurs », analyse Sabet. La résolution du Parlement européen a fait suite aux critiques américaines sur le dossier des droits de l’homme en Egypte. Le Congrès américain a décidé récemment de conditionner la fourniture de 100 millions de dollars de l’aide américaine à l’Egypte aux progrès réalisés dans le domaine des droits de l’homme. « La concordance de la résolution européenne avec cette campagne de critiques américaines a visiblement exaspéré Le Caire », estime Ahmad Sabet. Et d’expliquer que l’Egypte a des intérêts économiques et commerciaux importants avec l’Union européenne. « L’Egypte craint que cette résolution n’ait un impact sur les gouvernements de l’Union. D’où cet excès de susceptibilité avec laquelle elle a réagi », explique l’analyste qui écarte toute hypothèse d’implication israélienne : « Le lobby juif n’est pas puissant au sein du Parlement européen. De plus, la résolution ne critique pas l’Egypte sur la question des tunnels. Au contraire, elle l’encourage à poursuivre les efforts ».

Au-delà de la polémique, la réaction du ministère des Affaires étrangères est au centre de critiques. Hussein Abdel-Razeq, secrétaire général du parti du Rassemblement unioniste progressiste (UPI), gauche, explique : « Cette résolution du Parlement européen était en préparation depuis déjà quelque temps et personne n’a bougé au ministère des Affaires étrangères. Et une fois le vote effectué, on réagit dans la précipitation ». Affirmant que Le Caire aurait dû agir avec calme et retenue et créer des mécanismes diplomatiques qui lui permettent de faire face à ce genre de situation. « Le ministère des Affaires étrangères s’est rendu ridicule en critiquant la situation des minorités religieuses et ethniques et des immigrés sur le continent européen et le phénomène de la xénophobie et de discrimination à l’encontre des musulmans dans différentes parties de l’Europe », conclut Abdel-Razeq.

Ola Hamdi

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