Egypte-Suisse.
La visite du président de la Confédération helvétique,
Pascal Couchepin, a été marquée par la signature d’une
déclaration d’intention entre les deux pays, pour lutter
contre le vol et le trafic illicite de biens culturels. Et
par une visite des chantiers de l’Institut suisse dont
l’activité est concentrée sur Assouan.
Histoire de la fleur de Thèbes
Sainte
Véréna l’une des saintes les plus vénérées et les plus
populaires de Suisse est une Egyptienne qui s’est rendue
dans ce pays au IVe siècle avec une légion thébaine et prit
la défense de la foi chrétienne encore persécutée. Un prénom
qui la prédestinait sans doute : Véréna vient de l’ancien
égyptien et veut dire un bon fruit ou « fruit de Thèbes ».
Parce que la bonté et le don de soi étaient sa vocation.
Elle s’intéressait à l’artisanat pour aider les pauvres.
Elle leur donnait ses revenus de ce travail et elle est
ainsi devenue un exemple à suivre pour de nombreuses jeunes
filles. Son histoire paraît étrange si l’on y songe. On a
bien entendu parler d’Européens se rendant en Afrique au
cours des premiers siècles de l’ère chrétienne pour
différents buts, mais on connaît très peu ceux qui du Sud
sont allés au cœur de l’Europe, la Suisse en l’occurrence
pour poursuivre un noble objectif. Et c’est ce que fit
Véréna. L’Egypte était sous la houlette de l’empire romain
encore hostile au christianisme et aux chrétiens. Et comme
les soldats égyptiens étaient connus pour leur courage et
leur intégrité, ils furent ordonnés par Dioclétien (284-305)
d’aller mater la rébellion que représentait alors les
chrétiens en Europe. Deux légions furent levées, de Thèbes
et de Garagos, en Haute-Egypte. La légion thébaine était
commandée par un certain Maurice connu pour sa force et son
courage. La population n’a pas admis ce départ pour l’Europe
occidentale de ses soldats.
Il
s’agissait en fait d’Egyptiens ayant la foi chrétienne, d’où
la crainte d’une double persécution.
La jeune
Véréna accompagnait la légion. Elle aurait été la sœur du
commandant. Comme chez les Egyptiens les liens familiaux
sont traditionnellement extrêmement forts, il était d’usage
de voir les principaux officiers accompagnés de leur proche
parenté féminine qui leur prodiguait paix et aide morale (ils
étaient 6 600 soldats égyptiens sous le commandement de
Maurice à s’en aller en guerre avec une période de formation
à Rome). La légion thébaine se dirigea ensuite vers le nord
de la Suisse. Les Egyptiens furent sous le choc de voir les
préparatifs se dérouler sous la houlette du paganisme.
Sont-ils venus ici pour perdre leur foi chrétienne ? Ni le
commandant Maurice ni ses soldats n’acceptèrent d’obéir. Les
Romains voulant donner l’exemple tuèrent certains d’entre
eux dans l’espoir de terroriser les autres. Mais ils ne
suscitèrent que plus de courage et de disposition au
sacrifice. Le massacre fut horrible, des dizaines de
décapités. En fait, il n’y a pas eu de survivants. Même le
commandant Maurice s’était sacrifié pour encourager les
autres à maintenir leur foi.
Ceci a
eu lieu à Agon, dans la province du Valais, au sud-ouest de
la Suisse, où se trouve Saint-Maurice, du nom de ce
courageux commandant égyptien. Véréna, elle, continua à se
déplacer d’un lieu à un autre ; suivant la légion, sur son
vrai chemin de Croix. Elle soignait les soldats, allégeant
leur douleur.
Elle
poursuivit ensuite sa route au-delà du fleuve Aar pour
arriver près du fort de Salodurum (aujourd’hui Soleure), où
elle séjourna chez un fugitif thébain, passant nuit et jour
à prier, à jeûner et à louer Dieu.
Dans son
grand désir d’être sauvée, elle se retira peu après dans une
grotte et y mena une vie austère, toute d’ascèse, en vue de
sauver son âme. Là, elle vécut du revenu de menus travaux
manuels, qu’une vieille voisine chrétienne se chargeait de
vendre pour elle. Elle pouvait accomplir beaucoup de
miracles, guérir les possédés, et rendre la vue aux aveugles.
Ceci eut pour conséquence la conversion d’un grand nombre
d’Alamans au christianisme, et la réputation de Véréna se
répandit rapidement dans toute la région.
Après un
certain temps, elle arriva à Tenedo (Zurzach), où elle reçut
la tâche de s’occuper de la paroisse de l’église locale qui
était consacrée à la Mère de Dieu.
En outre,
elle continuait à aider les pauvres et à soigner les lépreux
du voisinage qu’elle avait l’habitude de laver et de
frictionner tous les jours. Victime d’une intrigue, elle fut
acquittée. Elle mena sept années de vie très austère, et
guérissait les paralysés et les aveugles qui venaient lui
demander aide. Le jour de son départ pour le ciel, la Mère
de Dieu lui apparut avec l’annonce d’éternelles
réjouissances. Le corps de la sainte est enchâssé dans la
crypte de l’église érigée à cet endroit et qui depuis lors a
toujours été considérée comme un des lieux de pèlerinage
parmi les plus vénérés en Europe centrale.
Si le
culte de Véréna est très répandu en Europe, ce n’est qu’à
l’époque contemporaine qu’il a commencé à se développer en
Egypte : en 1986, une partie des reliques de la sainte a été
remise par l’évêque du canton de Zurich à une délégation
copte pour être transférée en Egypte.
En 1989,
une association intitulée La Famille de sainte Véréna,
dépendante du patriarcat copte orthodoxe, a été créée en vue
du service spirituel, social et sanitaire des personnes les
plus défavorisées des quartiers populaires d’Egypte. Le 22
février 1994, le pape Chénouda III a consacré une église du
complexe patriarcal d’Anba Roweiss au Caire à saint Maurice
et sainte Véréna.
Samir
M. Gayed