Diplomatie.
Reçu ce mercredi par le président Moubarak à Charm Al-Cheikh,
George Bush déclenche une vague de propos très hostiles à sa
venue au sein de l’opposition et de la société civile.
Bush déchaîne la critique
«
George Bush, retourne d’où tu es venu », « Pas de bienvenue
pour les meurtriers » : si sur le plan officiel, la visite
de George Bush a été accueillie avec pragmatisme par les
responsables égyptiens, elle a en revanche soulevé de vives
critiques dans les rangs de l’opposition et de la société
civile.
Lundi, devant le Syndicat des journalistes, ils étaient
plusieurs dizaines de militants du mouvement d’opposition
Kéfaya et des journalistes à manifester contre la venue en
Egypte du chef de la Maison Blanche. « Bush n’est pas venu
pour la bonne cause comme il veut bien nous le faire croire.
Il n’est pas venu pour la paix, mais pour mobiliser les pays
de la région contre l’Iran. Qu’il s’en aille. Il n’est pas
le bienvenu », clamaient les militants.
Arrivé mardi dans la station balnéaire de Charm Al-Cheikh
après une tournée en Israël, dans les territoires
palestiniens et dans les pays du Golfe, le chef de
l’exécutif américain doit être reçu ce mercredi par le
président Moubarak. Il s’agit de la première « mission de
paix » au Proche-Orient du président américain depuis son
arrivée au pouvoir en janvier 2001. Bush a déclaré que
l’objectif de cette mission est de « mettre fin au conflit
israélo-palestinien et de mettre en application la Feuille
de route d’ici la fin de l’année ». Des propos qui semblent
loin de convaincre la classe politique et la société civile
qui dénoncent la politique d’hégémonie pratiquée par les
Etats-Unis et l’occupation américaine de l’Iraq. « George
Bush est un criminel de guerre qui doit être jugé pour ses
crimes contre le peuple iraqien », déclare Georges Isaaq,
coordinateur du mouvement Kéfaya. Pour lui, cette visite de
Bush vise seulement à soutenir les dirigeants arabes qui ont
appliqué sa politique dans la région. Outre le Syndicat des
journalistes et le mouvement Kéfaya, le parti du
Rassemblement a organisé une marche de protestation contre
la visite de George Bush. Et des manifestations ont éclaté à
Al-Azhar pour dénoncer cette visite. Mais la réaction la
plus virulente est venue du côté des Frères musulmans qui,
dans un communiqué, qualifient George Bush de « meurtrier ».
« Nous disons à Bush Junior dont les mains ne sont pas
seulement tachées de notre sang mais y baignent, que ni toi
ni tes adjoints de l’Administration américaine ne sont les
bienvenus sur notre terre ou sous nos cieux », affirme le
communiqué de la confrérie. Et d’ajouter : « La destruction
et la dévastation frappent là où vous allez. La destruction
de l’Afghanistan, l’occupation de l’Iraq, l’appui à
l’occupation sioniste raciste, l’incitation de l’Ethiopie à
occuper la Somalie et le fait d’attiser les différends entre
les protagonistes libanais sont autant d’actes dont M. Bush
est responsable et qui en font un invité inopportun ».
Scepticisme partagé
La visite de George Bush fait suite à une décision du
Congrès américain de conditionner l’allocation à l’Egypte de
100 millions de dollars de l’aide américaine au progrès
réalisé dans le domaine des droits de l’homme. Washington a
par ailleurs critiqué l’Egypte dans l’affaire des tunnels à
la frontière avec les territoires palestiniens et par
lesquels transite le trafic d’armes vers les territoires
selon Tel-Aviv. La visite de Bush a été précédée par celle
de plusieurs membres du Congrès qui se sont rendus dans le
Sinaï pour voir sur le terrain les efforts déployés par l’Egypte.
Or, ces faits ont exaspéré l’opinion publique. « Les
Etats-Unis doivent cesser d’agir comme le gendarme du monde
», lance Réfaat Al-Saïd, président du parti du Rassemblement
unioniste progressiste (UPI), gauche. Selon lui, Washington
n’a rien à donner sur le plan de la paix. « Pendant sept
ans, l’Administration américaine n’a rien fait pour le
processus de paix. Et maintenant, ils veulent nous faire
croire qu’ils vont régler le conflit israélo-palestinien et
tous les problèmes qui s’y rapportent comme Jérusalem,
l’eau, les réfugiés et les frontières », estime Al-Saïd.
Selon lui, l’Iran et l’Iraq sont les dossiers prioritaires
de George Bush. Ce scepticisme est partagé par l’ensemble de
la classe politique qui doute de la capacité de Bush à
influer sur les négociations israélo-palestiniennes. En
effet, la date butoir fixée par George Bush, fin 2008, pour
parvenir à un accord n’apparaît pas réaliste.
Ainsi, malgré les efforts déployés par l’Administration
américaine pour améliorer son image dans la région, celle-ci
reste négative. « Les rapports que les Etats-Unis publient
sur les droits de l’homme en Egypte, la réduction des aides
et surtout la politique des deux poids, deux mesures sont
autant de facteurs qui ont propagé une image négative des
États-Unis en Egypte », analyse Abdel-Aziz Chadi, professeur
de sciences politiques à l’Université du Caire. Bush est
considéré par l’opinion en Egypte comme le pire président de
l’histoire des Etats-Unis. « Bush ne peut pas être comparé
aux ex-présidents américains comme Bill Clinton et Jimmy
Carter qui ont laissé une empreinte dans les négociations
israélo-palestiniennes. Le véritable enjeu de sa visite, ce
sont l’Iraq et l’Iran. Il veut un soutien des pays arabes
sur ces dossiers, car il n’a rien à déployer au niveau du
processus de paix », déclare Chadi.
Sur le plan officiel, on est plus optimiste. Une source
diplomatique qui a requis l’anonymat affirme que pour Le
Caire, la visite de Bush est une opportunité qu’il faut
saisir si l’on veut relancer le processus de paix. « Si l’on
ne discute pas du conflit israélo-arabe avec les Américains,
la cause palestinienne va mourir », explique la source. Et
d’ajouter que Le Caire veut inciter les Américains à donner
plus de priorité à la paix. « On a expliqué aux Américains
que si le conflit israélo-arabe est réglé, tous les
problèmes comme l’Iraq et l’Iran vont être réglés », déclare
la source. Selon Abdel-Aziz Chadi, l’Autorité palestinienne
est divisée entre le Fatah et le Hamas. « Alors, la tournée
de Bush est fragile. Personne ne peut garantir une solution
entre Israéliens et Palestiniens tant que les problèmes
existeront au sein de l’Autorité palestinienne », a-t-il
conclu.
Chérif Ahmed