Iran.
Le président Bush ne semble pas avoir réussi à convaincre
Riyad et les autres monarchies du Golfe de rallier le projet
américain d’isoler la République islamique, celles-ci
craignant une nouvelle escalade militaire dans la région.
Réticences arabes
Le
président américain George W. Bush a achevé mardi sa
première visite en Arabie saoudite, principal allié des
Etats-Unis dans le Golfe, apparemment sans convaincre son
hôte le roi Abdallah de rallier l’allié saoudien à ses
efforts pour contenir l’Iran. Pour parvenir à ses fins, M.
Bush est arrivé lundi porteur d’une bonne nouvelle : son
gouvernement a informé le Congrès américain de son intention
de vendre pour quelque 120 millions de dollars d’armement à
Riyad. Cette vente s’inscrit dans une opération, annoncée en
juillet, d’un montant total de 20 milliards de dollars en
faveur de l’Arabie saoudite et de plusieurs Etats du Golfe.
En l’occurrence, ce sont 900 bombes JDAM (Joint Direct
Attack Munition), des engins de haute technologie à guidage
satellitaire, qui seraient livrées à l’Arabie saoudite. Un
responsable américain n’a pas nié que l’annonce avait été
prévue pour coïncider avec l’arrivée de M. Bush à Riyad.
Ce projet a alarmé le gouvernement israélien et de nombreux
parlementaires américains, qui craignent que les armes ne
soient utilisées contre Israël ou réduisent son avance
technologique sur les autres Etats arabes de la région. Le
gouvernement américain s’est employé à apaiser les uns et
les autres avec l’annonce, l’an dernier, d’un pacte
d’assistance militaire avec Israël à hauteur de 30 milliards
de dollars sur 10 ans, une augmentation considérable de
l’aide consentie jusqu’alors à l’Etat hébreu.
Il a surtout fait valoir que cette vente était nécessaire
pour contrer ce que M. Bush appelle la « menace » iranienne.
Le président américain aimerait que l’Arabie saoudite et les
Etats du Golfe coopèrent à son entreprise d’isolement de la
République islamique, sa bête noire. Mais rien ne permettait
de dire que M. Bush a réussi à convaincre le roi Abdallah,
ou les autres monarchies du Golfe qu’il a visitées, d’aider
à isoler la République islamique. « L’Arabie saoudite est un
voisin de l’Iran dans le Golfe, qui est un petit lac, et
nous souhaitons que l’harmonie et la paix prévalent entre
les pays de la région », avait déclaré le chef de la
diplomatie saoudienne, le prince Saoud Al-Fayçal, après
qu’un incident militaire entre les marines américaine et
iranienne dans le détroit stratégique d’Ormuz eut rappelé
les dangers d’une escalade dans les eaux pétrolifères du
Golfe.
Faire face au « danger » iranien « avant qu’il ne soit trop
tard ». Tel était le but affiché de la tournée du président
Bush dans les pays du Golfe. En effet, si l’Arabie saoudite
sunnite, comme les autres Etats arabes (Koweït, Bahreïn,
Emirats arabes unis) que M. Bush a visités cette semaine,
considère avec anxiété la montée en puissance de l’Iran
chiite, elle s’inquiète peut-être plus encore d’une nouvelle
guerre américaine, après celle en Iraq, qui a déjà servi les
intérêts iraniens. Les pays arabes semblent concéder
l’existence d’un péril iranien, mais répugnent à s’aliéner
la République islamique et à paraître prendre le parti
israélien.
Du côté iranien, l’heure est à la plus grande précaution. Le
chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, a
estimé dimanche que le président américain George W. Bush
tentait « en vain de nuire aux relations » de Téhéran avec
ses voisins, estimant que la tournée du président américain
était « un échec ». Pour M. Mottaki, la République islamique
et les monarchies pétrolières du Golfe, liées par des
mécanismes de « coopération et de négociation politique »,
étaient « parvenues à une phase de coopération en matière de
sécurité ». Sur le même ton, le porte-parole de la
diplomatie iranienne a minimisé la portée des attaques du
président américain sur une « menace iranienne », en les
mettant sur le compte d’un « désespoir » face à l’échec de
sa politique « au cours des derniers mois de sa présidence
», a dit Mohammad Ali Hosseini. Selon ce dernier, les
déclarations de M. Bush sont une manœuvre de « diversion »
du président américain pour masquer le fait qu’il a échoué,
selon lui, « à obtenir le consentement des pays musulmans et
arabes sur sa politique unilatérale de soutien au régime
sioniste».
Délai de quatre semaines
La tournée de Bush dans le Golfe intervient alors que le
dossier nucléaire est loin d’être résolu, malgré la visite
en Iran du directeur général de l’Agence Internationle de l’Energie
Atomique (AIEA), Mohamed Al-Baradei. L’AIEA a annoncé
dimanche qu’elle s’était mise d’accord avec l’Iran sur un
délai de quatre semaines pour régler tous les problèmes en
suspens sur son programme nucléaire. Or, il est difficile de
croire que quatre semaines seront suffisantes pour régler un
litige vieux de plusieurs années. Les Occidentaux se
montrent sceptiques, et les positions restent pour l’heure
inconciliables. En effet, les Etats-Unis ont réagi le jour
même à cette annonce, estimant que l’accord ne constituait
qu’« un pas » et que la République islamique devait toujours
suspendre ses activités atomiques les plus sensibles. Des
diplomates occidentaux, sceptiques eux aussi, ont insisté,
comme Washington, sur la nécessité d’une suspension de
l’enrichissement d’uranium par l’Iran, dont il n’est pas
fait mention dans le communiqué de l’AIEA.
Au cours d’entretiens à Téhéran vendredi et samedi, le
directeur général de l’AIEA, Mohamed Al-Baradei, le guide
suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, et le président
Mahmoud Ahmadinejad se sont mis d’accord sur le « document
de travail » destiné à clarifier toutes les questions en
suspens dans les semaines à venir.
En Iran, le vice-président de l’Organisation Iranienne de l’Energie
Atomique (OIEA), Mohammad Saïdi, a confirmé l’accord avec
l’AIEA, expliquant que son pays « répondra dans un délai de
quatre semaines aux questions qui restent pour que l’AIEA
puisse faire un rapport transparent à propos du programme
nucléaire iranien ». « La République islamique d’Iran n’a
rien à cacher, c’est pourquoi elle n’a aucune crainte pour
répondre aux questions qui restent ».
Le « document de travail » est le fruit d’un accord passé
entre M. Baradei et Téhéran l’an dernier pour clarifier
toutes les questions en suspens concernant le programme
nucléaire iranien.
L’AIEA y exige des explications, notamment sur les
expériences passées avec le plutonium et le polonium 210,
l’utilisation de centrifugeuses de type P1 et P2 pour
produire de l’uranium enrichi, la gestion de la mine
d’uranium de Ghachine, située dans le sud de l’Iran, des
traces de contamination d’uranium hautement enrichi
découvertes à l’Université technique de Téhéran, et surtout
sur des études supposées liées à un programme nucléaire
militaire. A l’origine, le document de travail envisageait
que toutes les questions soient clarifiées d’ici à la fin
2007, mais ce délai n’a été respecté par aucune des parties.
Reste à savoir si les quatre mois supplémentaires seront
suffisants.
Abir
Taleb