Palestine . Déterminé à en finir avec le Hamas, le Fatah du président palestinien se redresse et cherche à briser le joug de la faction islamiste.

L’étau se resserre autour du Hamas

Nouvel épisode dans l’affrontement entre le Fatah et le Hamas. Le président palestinien a dit, dimanche, avoir promulgué une nouvelle loi électorale qui présidera aux prochaines législatives où s’opposeront le Fatah, son mouvement majoritaire en Cisjordanie, et le Hamas qui a pris le contrôle de la bande de Gaza. Le chef de cabinet du président, Rafiq Al-Husseini, a précisé à l’AFP que « le décret avait été signé auparavant mais que sa publication officielle a été faite dimanche ». Cette loi s’inscrit dans l’optique d’élections législatives anticipées souhaitées par le président Abbass. Le 19 juillet, le Conseil Central de l’OLP (CCOLP) a chargé M. Abbass d’organiser des élections législatives anticipées et de fixer la date d’un éventuel scrutin.

La nouvelle loi électorale, présentée avec le représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère, Javier Solana, impose à tout candidat de « respecter le programme de l’OLP » et les accords signés avec Israël. Un point que refuse de faire le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza.

Par ailleurs, aux termes de la nouvelle loi, les Palestiniens voteraient sur la base de listes de partis nationales au lieu de voter à la fois aux niveaux national et local — ce qui pourrait se révéler défavorable au Hamas, qui avait écrasé le Fatah aux législatives de janvier 2006. « La loi que nous avons promulguée a simplement consisté à amener (le processus) électoral de façon à ce qu’il soit exclusivement fondé sur des listes de partis nationales et non plus sur deux listes », a dit Abbass aux journalistes à Ramallah.

Bien avant cette annonce, des responsables palestiniens ont dit que les conseillers de Abbass étudiaient des options pour l’organisation de nouvelles élections qui permettraient d’écarter le Hamas du pouvoir.

Ceci dit, l’organisation islamiste n’a pas tardé de refuser ladite loi. Le porte-parole du Hamas à Gaza, Faouzi Barhoum, a rejeté l’initiative de Abbass en accusant ce dernier de servir les intérêts américains et israéliens. Quant à Sami Abou-Zouhri, il a souligné que le président palestinien « n’a pas le droit d’apporter des modifications à la loi palestinienne et n’a pas le droit d’organiser des élections sans un accord du Hamas ». « Cette décision est illégale et sera rejetée. Le Hamas est contre des élections anticipées et sans son accord elles n’auraient aucun sens », a-t-il souligné.

Ce qui augure une nouvelle crise inter-palestinienne. « Pour que les élections s’organisent, il faut qu’elles soient acceptées de toutes les parties. Etant donné que le Hamas rejette la nouvelle loi, on peut s’attendre à ce que les élections n’aient pas lieu à Gaza, ou qu’elles soient organisées en vertu de l’ancienne loi, une consécration de la rupture entre la bande et la Cisjordanie. La nouvelle loi constitue en soi l’objet de controverse, les Palestiniens sont divisés à son égard, c’est un nouveau facteur de tension entre eux », souligne le Dr Emad Gad, rédacteur en chef d’Israeli Digests. Depuis la prise de pouvoir de la bande de Gaza par le Hamas le 15 juin, le président prend des décisions qui ont force de loi sans qu’elles ne soient nécessairement votées par le Parlement qui a cessé de fonctionner depuis la mi-juin. Abbass a dissous un gouvernement dominé par le mouvement islamiste et formé un cabinet soutenu par les pays occidentaux en Cisjordanie après l’éviction du Fatah de la bande de Gaza par le Hamas en juin dernier.

Le président palestinien refuse de discuter avec le Hamas avant qu’il ne rende le pouvoir dans la bande de Gaza et ne s’excuse auprès du peuple palestinien.

 

Montée de fièvre

Pour venir à bout du Hamas, le Fatah du président de l’Autorité palestinienne mobilise également à son profit les Palestiniens. Plus de 10 000 partisans du Fatah et d’autres mouvements palestiniens ont défié vendredi le Hamas à Gaza en priant et manifestant dans les rues, lors des plus importantes protestations depuis la prise de contrôle de Gaza par le mouvement islamiste. Ces mouvements accusent le mouvement islamiste de se livrer à des « provocations » et « d’exploiter les mosquées pour enflammer les tensions entre factions ».

Ces protestations ont été réprimées par les membres de la Force exécutive, la police du Hamas. Douze personnes ont été légèrement blessées dans ces heurts, dont deux journalistes français de la télévision franco-allemande Arte. Selon des témoins, la police du Hamas a battu des manifestants avec des crosses de fusils ou à coups de bâton et procédé à des arrestations.

« Ce qui s’est passé à Gaza prouve une fois de plus que le Hamas applique son projet putschiste, dont le but est d’imposer une dictature aveugle et une idéologie extrémiste », a affirmé dans un communiqué le bureau de M. Abbass à Ramallah, en Cisjordanie.

A Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, près de 5 000 personnes se sont également rassemblées pour la prière. Dix personnes ont été légèrement blessées par des grenades assourdissantes, lancées par la Force exécutive qui ripostait à des jets de pierres, selon une source médicale et des témoins.

« Il n’y a pas eu d’arrestation en raison du déroulement de la prière dans la rue, mais à cause des émeutes et des infractions à la loi », s’est défendu Ihab Al-Ghassine, porte-parole de la Force exécutive lors d’une conférence de presse. Dans la matinée, des habitants de Gaza avaient reçu des avertissements sur leur téléphone portable. « Ta présence à la prière avec le Fatah te causera beaucoup de problèmes et nous te conseillons de prier ailleurs. Tu ne mérites pas d’être frappé, arrêté ou tué en raison d’une bande de corrompus que tu connais bien », indiquait le texte, reçu par des dizaines de personnes .

Rania Adel