Palestine.
Israël intensifie ses efforts visant à isoler le Hamas,
tirant profit de la tension persistante entre le mouvement
islamiste et le Fatah.
Sur la corde raide
Les
territoires palestiniens offrent depuis plusieurs mois le
même scénario : en Cisjordanie, les sympathisants du Hamas
sont la cible des arrestations alors que ceux du Fatah
subissent des coups de filet et des répressions dans la
bande de Gaza. Chaque clan voulant prouver sa suprématie aux
partisans de l’autre, de quoi éloigner les perspectives d’un
prochain dialogue inter-palestinien. L’un des membres les
plus influents du Hamas en Cisjordanie a été interpellé
cette semaine à Naplouse par les forces palestiniennes.
Cheikh Maher Kharas, surnommé le « Lion blanc » par ses
partisans, a été interpellé par des responsables des
renseignements palestiniens alors qu’il circulait à
Naplouse, selon un porte-parole du Hamas. Naplouse est
considéré comme un fief du Hamas en Cisjordanie. Un
responsable de la sécurité palestinienne, Abdullah Kumail, a
accusé l’imam d’inciter les fidèles à la violence et a
précisé qu’il serait détenu le temps de son interrogatoire.
Le premier ministre palestinien Salam Fayyad, nommé par le
président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbass en juin
dernier, avait averti qu’il ne tolérerait pas d’appels à la
violence lors des sermons.
L’Autorité palestinienne avait démis Maher Kharas de ses
fonctions d’imam en 1996 lors d’une répression contre les
militants islamistes après une série d’attentats suicide en
Israël. L’an dernier, après la victoire du Hamas aux
législatives de janvier, il avait été remis en place par le
mouvement de la résistance islamique. Selon le Hamas, 700 de
ses membres ont été interpellés depuis juin, et 150 sont
toujours en détention sans avoir été inculpés d’aucun chef.
Par ailleurs, des centaines de partisanes du Hamas, dont
certaines entièrement voilées, ont manifesté pour exiger la
libération de membres du groupe islamiste retenus dans les
prisons palestiniennes. C’est la première manifestation de
loyalistes du Hamas depuis le début du mois sacré du Ramadan
en Cisjordanie, administrée par le Fatah rival. Les
précédentes manifestations de soutien au Hamas se sont
terminées dans la violence.
La police palestinienne a formé une chaîne pour empêcher les
femmes de se rassembler sur la place principale de Ramallah,
où les manifestations convergent traditionnellement. Des
groupes palestiniens de défense des droits de l’homme ont
confirmé que certains partisans du Hamas étaient violemment
battus lors des arrestations. Ashraf Ajrami, ministre dans
le gouvernement pro-Fatah de Cisjordanie, a assuré que le
nombre de personnes arrêtées était « exagéré », mais il a
refusé de donner des chiffres plus précis.
Preuve de la rupture totale entre les deux parties, le
mouvement de résistance islamique du Hamas a déclaré ne pas
considérer que les accords passés entre le président
palestinien Mahmoud Abbass et le gouvernement israélien
l’engagent.
« Le Hamas retire le pouvoir accordé préalablement à Abbass
pour les négociations », a déclaré aux journalistes Saïd
Siam, haut membre du Hamas à Gaza. Au temps du gouvernement
de coalition, le Hamas avait autorisé le président Abbass à
représenter le gouvernement lors des négociations politiques
avec Israël. Mahmoud Abbass a depuis rencontré à plusieurs
reprises le premier ministre israélien Ehud Olmert, et les
deux hommes devraient conclure des accords avant la tenue de
la conférence sur la paix organisée par les Etats-Unis en
novembre à Washington.
M. Siam a également écarté toute reprise de dialogue
national entre le Hamas et le Fatah avant cette conférence.
En ce qui concerne les dialogues éventuels post-conférence,
M. Siam a déclaré que le dialogue devra être inconditionnel
et basé sur « l’unité des deux branches : la bande de Gaza
et la Cisjordanie ». Le président Abbass refuse quant à lui
de renouer le dialogue avec le Hamas, à moins que ce dernier
ne fasse en sorte que la situation ne revienne comme elle
était avant le coup d’Etat.
Une libération en trompe-l’œil
Mais au moment où les Hamasis sont visés, les partisans du
Fatah profitent de certaines mesures israéliennes, notamment
la libération de prisonniers. Le gouvernement israélien a
voté dimanche la prochaine libération de 90 prisonniers
palestiniens, en majorité du parti Fatah. « La plupart de
ces détenus font partie du Fatah, les autres appartiennent à
d’autres organisations à l’exception du Hamas et du Djihad
islamique », a précisé la porte-parole de M. Olmert, Miri
Eisin. Selon elle, ces libérations devraient intervenir dans
les premiers jours d’octobre. L’Etat hébreu avait déjà, fin
juin, libéré plus de 250 détenus palestiniens appartenant au
Fatah afin de tenter de marginaliser le Hamas, seul maître
de la bande de Gaza depuis la mi-juin.
Toutefois, les Palestiniens sont loin de se sentir vraiment
rassurés. Tous considèrent ces libérations comme de la
poudre aux yeux au regard des 11 000 prisonniers restant
détenus dans les geôles israéliennes. Des responsables
palestiniens, tout en se félicitant de la libération des
détenus, ont souligné que l’armée israélienne poursuivait
ses opérations d’arrestation en Cisjordanie, si bien que le
nombre de prisonniers ne diminue pas.
Ils ont également critiqué l’absence de gestes d’Israël pour
supprimer certains des quelque 500 barrages israéliens
disséminés en Cisjordanie qui empêchent la libre circulation
des Palestiniens. Israël affirme de son côté que ces
barrages permettent de limiter le nombre d’attentats sur son
territoire. Dans de telles conditions, pourrait-on penser
que le processus de paix puisse être ranimé ? Côté
israélien, on a d’ores et déjà prévenu qu’à défaut d’un
calendrier précis à l’issue de la conférence, une simple «
déclaration de principes » fera l’affaire. Alors que
pour les Palestiniens, la réunion devrait donner le coup
d’envoi à de sérieuses négociations aboutissant à la fin de
l’occupation israélienne et les efforts devront se
concentrer sur un accord cadre (avec Israël) sur les
questions du statut final : les frontières, Jérusalem, les
réfugiés, la colonisation et l’eau, les Etats-Unis estiment
que « l’objectif est de faire progresser le processus
jusqu’à un document qui aidera à jeter les fondations de
négociations sérieuses sur la création d’un Etat palestinien
dès que possible ».
Selon les analystes, il est peu probable que cette
conférence aboutisse à quelque chose et ce non seulement à
cause de l’imprécision de son agenda, mais aussi parce que
les Etats-Unis n’ont pris l’initiative de l’organiser que
pour détourner l’attention de la communauté internationale
de ce qui se passe en Iraq et de ce qui se passera en Iran .
Rania
Adel