Madagascar.
Le parti au pouvoir est largement favori des législatives
anticipées tenues dimanche dernier. Elles devraient apporter
le soutien nécessaire au programme économique du président
Ravalomanana.
Le président réussit son pari
Les
électeurs malgaches ont voté dimanche dans le calme aux
élections législatives anticipées provoquées par la
dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le
président Marc Ravalomanana et dont le parti est le grand
favori du scrutin. Aucun incident n’avait été signalé par
les autorités dans la Grande Ile. Dans plusieurs bureaux de
vote de la capitale, la participation semblait inférieure
aux précédents scrutins.
637 candidats se disputent les 127 sièges à pourvoir.
Cependant, de nombreux candidats n’ont pu déposer leurs
bulletins de vote à temps. La Haute Cour Constitutionnelle (HCC)
aura vingt jours après la réception du dernier pli électoral
pour proclamer l’ensemble des résultats de ce scrutin
majoritaire à un tour. C’est la troisième fois en moins d’un
an que les Malgaches sont appelés aux urnes pour un scrutin
national. Le 3 décembre 2006, M. Ravalomanana avait été
réélu au premier tour à la présidentielle (54,79 % des
suffrages). Le 4 avril, une révision constitutionnelle
lancée à l’initiative du pouvoir a été approuvée par
référendum par 75,38 % des électeurs.
Le TIM (j’aime Madagascar), parti fondé par M. Ravalomanana
à la veille du scrutin législatif de 2002, est largement
favori. En 2002, il avait emporté 108 sièges sur 160.
Depuis, de nombreux députés ou leaders politiques ont
toutefois pris leur distance avec le pouvoir, comme l’ancien
président de l’Assemblée nationale Jean Lahiniriko, arrivé
deuxième à l’élection présidentielle de décembre 2006, et
candidat à sa réélection à Betioky (1 100 km au sud-ouest
d’Antananarivo). En outre, la direction du parti subit les
pressions ces dernières semaines d’une frange réformatrice,
qui présente ses propres candidats sous une bannière
indépendante malgré un soutien affiché au chef de l’Etat. «
Nos visites sur le terrain montrent que la population est
avec nous, ils (les dissidents du TIM) ne représentent pas
un réel contrepoids », a jugé cependant Razoarimihaja
Solofonantenaina, président du TIM et candidat à
Antananarivo. « Nous n’avons qu’une vingtaine d’anciens
députés TIM qui se représentent sous cette étiquette »,
a-t-il dit.
Le scrutin a été provoqué par la dissolution de l’Assemblée
nationale le 24 juillet. M. Ravalomanana, qui disposait
d’une large majorité dans l’assemblée sortante, avait
justifié cette dissolution par « le besoin de cadrer avec
les impératifs de développement du pays » et d’assurer la
cohérence entre le Parlement et les objectifs de son «
Madagascar Action Plan » (MAP). Le MAP est un ambitieux
programme de développement quinquennal (2007-2012) du pays,
l’un des plus pauvres du monde, dont la future assemblée
devra voter le budget.
Face au parti présidentiel, l’opposition a formé une
plate-forme électorale qui présente des candidatures
communes dans certaines circonscriptions, et a reproché à
l’administration de faire obstruction à ses candidats. «
Nous rencontrons des difficultés pour défendre nos chances
car l’administration a reçu des consignes pour faire
obstacle à l’opposition », affirme Pierre Houlder,
secrétaire national de l’Arema (Avant-garde pour la
rénovation de Madagascar, qui présente des candidats sans
l’agrément de son fondateur, l’ancien président Didier
Ratsiraka). Ces griefs à l’encontre du pouvoir ont animé la
campagne de l’opposition, qui dispose de peu de moyens
financiers et qui ne propose pas d’idées très différentes de
celles du pouvoir. « Dans les pays sous-développés, il ne
peut pas y avoir de grandes différences entre les
programmes, ce sont les pratiques et les méthodes qui font
la différence », reconnaît M. Houlder. Sa volonté de mettre
en place une politique de développement en relation avec les
bailleurs de fonds et de favoriser un « certain libéralisme
économique » se rapproche de l’action du président
Ravalomanana.
L’opposition a également critiqué le président, ce «
self-made-man », devenu l’un des hommes les plus riches du
pays, pour avoir profité de sa position pour consolider son
assise commerciale et industrielle. « Il a mis le pays et
les marchés de l’agroalimentaire, de la publicité et des
médias sous sa coupe économique », selon le père Sylvain
Urfer, membre de l’Observatoire de vie publique malgache (SE-FA-FI).
Issu d’une famille paysanne, l’ancien livreur de lait a créé
à partir du yaourt un empire agroalimentaire sans
concurrence à Madagascar. Ses détracteurs le qualifient
d’ailleurs de « Berlusconi malgache »,
critiquant notamment MBS, sa télé privée est la seule à
émettre le plus largement dans le pays et a été monopolisée
pour relayer sa campagne électorale. S’il est toujours
apprécié pour son « énergie », sa motivation et son esprit
d’entreprise, M. Ravalomanana et son parti ont cependant
déçu en ne tenant pas leur promesse de faire décoller
économiquement Madagascar, où plus de 70 % de la population
vit encore en dessous du seuil de pauvreté. Les observateurs
soulignent cependant qu’il n’a connu aucun échec politique,
qu’il a maintenu le pays dans la stabilité et qu’un certain
nombre de réalisations — notamment en terme
d’infrastructures et de construction de routes — est à son
actif.
Hicham Mourad