Soudan.
Des groupes rebelles du Darfour se sont réunis à Arusha
(Tanzanie), sous l’égide de l’UA et de l’Onu. Un pas vers
l’unification de leurs positions avant la tenue de
négociations de paix avec le gouvernement de Khartoum.
Un pas de plus vers la paix
Quelques jours après l’acceptation par le régime soudanais
de la résolution de l’Onu stipulant le déploiement d’une
force hybride, plusieurs factions rebelles du Darfour se
sont assises à la même table de pourparlers pour la première
fois depuis plus d’un an, à Arusha, avec pour objectif de
présenter un front commun lors des futures négociations de
paix avec le gouvernement soudanais.
Ces pourparlers cruciaux, qui ont débuté vendredi dernier et
pris fin lundi, ont réuni à huis clos dans le nord de la
Tanzanie des leaders politiques et militaires des différents
mouvements rebelles de cette région de l’ouest du Soudan,
ravagée par la guerre civile depuis 2003. A la fin de leurs
pourparlers, les factions rebelles se sont accordées pour
présenter des revendications communes en vue de négociations
de paix avec le gouvernement de Khartoum.
Ces groupes « ont présenté une plate-forme commune sur le
partage du pouvoir, le partage des richesses, les
arrangements sécuritaires, les problèmes liés à la terre et
aux questions humanitaires, en vue de négociations finales
». « Ils ont aussi recommandé que les discussions finales se
tiennent d’ici deux ou trois mois » avec le gouvernement
soudanais, ajoute le texte de leur communiqué. En marge de
la réunion, l’émissaire de l’Onu au Darfour, Jan Eliasson,
et son homologue de l’UA, Salim Ahmad Salim, se sont
entretenus avec des représentants du Tchad, d’Erythrée, d’Egypte
et de Libye afin de les convaincre d’user de leur influence
sur les factions soutenues par leurs pays respectifs.
En effet, la complexité du dossier du Darfour émane de la
multiplication des parties antagonistes, de la divergence de
leur agenda, de la différence de leurs intérêts et
finalement de l’intervention de parties étrangères. Si la
rébellion avait été lancée en 2003 par deux principaux
groupes rebelles, le Mouvement/Armée de libération du Soudan
(SLM/A) et le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM),
l’accord de paix d’Abuja (Nigeria) de 2006 n’a été signé que
par un seul mouvement rebelle, la faction du SLM de Minni
Minawi.
Depuis, les autres factions ont éclaté en petits groupes, la
violence a augmenté et de nouvelles factions sont apparues.
Selon les analystes, il aurait fallu relancer depuis des
années les pourparlers entre les rebelles ou en d’autres
termes le volet politique et faire pression sur les parties
régionales qui les financent, avant que la situation ne se
dégrade. Mais malheureusement ces réunions ont tardé, ce qui
a donné lieu à de multiples dissensions et a compliqué
davantage le dossier du Darfour. La guerre civile au Darfour
a fait depuis 2003 quelque 200 000 morts — chiffre contesté
par Khartoum — et plus de 2,1 millions de déplacés sur une
population de six millions d’âmes.
Boycott de Abdel-Wahed Nour
Toutefois, la réunion d’Arusha a été ternie par l’absence de
plusieurs figures importantes de ces factions notamment
celle de Abdel-Wahed Nour.
Le fondateur du SLM/A et actuel chef d’une faction SLM,
Abdel-Wahed Mohamad Nour a décidé de boycotter la rencontre,
estimant que la situation sécuritaire au Darfour n’était pas
« propice » à cette réunion. Il avait subordonné sa venue à
Arusha à la mise en place d’un programme « pétrole contre
nourriture » et à l’interdiction de survol du Darfour. « Les
négociations de paix ont besoin d’un environnement propice,
mais le gouvernement du Soudan continue à tuer des gens, des
milliers sont toujours déplacés », a dénoncé samedi le
leader rebelle, joint par l’AFP par téléphone à Paris. «
Reconnaître de nouvelles factions sera sans fin, les
rebelles se diviseront de plus en plus, on verra de plus en
plus de (création) de mouvements », relève-t-il.
Nour ne dispose que de peu de combattants, mais, en tant que
représentant de l’ethnie Four, majoritaire au Darfour, il
jouit d’un large soutien dans la population, notamment parmi
les 2,5 millions de réfugiés.
Selon les analystes, un accord de paix ne saurait se passer
de sa bénédiction. Face au boycott de Nour, le Soudan a
accusé la France de ne pas avoir suffisamment encouragé Nour.
A Karthoum, l’ambassadeur de France a été convoqué samedi
afin d’expliquer pourquoi Paris n’avait pas davantage
encouragé Nour à participer à la rencontre.
Quoi qu’il en soit, la relance du processus politique est
d’autant plus urgente que le Conseil de sécurité vient de
donner le feu vert au déploiement de 26 000 hommes au
Darfour. Cette force hybride Onu-Union africaine est la plus
grosse mission de maintien de la paix jamais envisagée. La
plus coûteuse aussi : 2 milliards de dollars pour la
première année. Mais la réunion d’Arusha et la résolution
onusienne augurent-elles la solution de la crise du Darfour
? Beaucoup en doutent. Déjà au lendemain de son adoption à
l’unanimité par le Conseil de sécurité, des divergences
d’interprétation de la résolution apparaissent plus que
jamais entre les pays occidentaux et Khartoum, risquant de
compromettre sa mise en œuvre. La résolution invoque le
chapitre 7 de la charte de l’Onu autorisant le recours à la
force en cas de légitime défense, pour assurer la libre
circulation des travailleurs humanitaires et pour protéger
des civils attaqués, mais elle reconnaît la souveraineté du
Soudan. Elle a néanmoins été édulcorée à plusieurs reprises
et elle n’autorise plus le recours à la force pour
confisquer et détruire des armes illégales, se contentant de
prévoir une surveillance de ces armes. Les Occidentaux
soutiennent que le principal objectif de cette force sera de
protéger des civils innocents, tandis que le Soudan
maintient que la responsabilité ultime continuera de lui
incomber. De quoi susciter de nouvelles craintes d’un retour
à la case départ.
Rania
Adel