Al-Ahram Hebdo, Idées | Assaad Abou-Khalil,« Les Etats-Unis cherchent à affaiblir l’idée même de résistance »
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 Semaine du 8 au 14 août, numéro 674

 

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Idées

Politique. Un an après la guerre contre le Liban en juillet-août 2006, l’unité autour de la résistance face à l’agression israélienne semble mise à mal dans une société déchirée par le confessionnalisme. Assaad Abou-Khalil, politologue, analyse les enjeux de la situation.

« Les Etats-Unis cherchent à affaiblir l’idée même de résistance »

Al-Ahram Hebdo : La société libanaise connaît aujourd’hui de violentes tensions. Malgré la victoire face à l’attaque israélienne de 2006, l’idée même de résistance aurait-elle été défaite ?

Assaad Abou-Khalil : Je n’ai jamais dit ça. La question dépasse en effet aujourd’hui le cadre strictement libanais. Les Etats-Unis, secondés en cela par les gouvernements qui sont leurs alliés, entre autres par les Etats arabes regroupés au sein de la Ligue arabe, cherchent à affaiblir l’idée même de résistance. Cela consiste pour eux, entre autres, à semer une fitna, une discorde entre sunnites et chiites. Jusqu’à présent, ces tentatives n’ont pas encore réussi. J’ai été ces derniers temps au Pakistan pour y donner une série de conférences, et j’ai pu me rendre compte que la personne de Hassan Nasrallah y rencontre une grande sympathie, ainsi que la résistance libanaise. Aujourd’hui, il est des thèmes nationaux qui dépassent la capacité des Etats à les contenir. Au-delà des divergences entre telle confession ou telle autre, il y a par exemple une unanimité — relevée par un institut de sondage américain au sein des confessions chrétiennes et sunnites — qu’Israël constitue le danger le plus important pour le Liban.

— Vous avez récemment analysé la généralisation de l’idéologie phalangiste dans la société libanaise qui s’exprime par la haine du Palestinien et du Syrien et la théorie de « supériorité des Libanais ». Comment se fait-il que les victoires de la résistance en 2000 et 2006 n’aient pas au contraire affaibli cette idéologie ?

— Cette question m’a beaucoup préoccupé ces dernières années. Comment le Parti des phalangistes a-t-il réussi à imposer sa propagande soutenue par Israël, et à réaliser ainsi des victoires tout au long des années qui ont suivi la guerre civile ? L’idéologie phalangiste est organisée autour de l’allégeance au « modèle libanais », autour du mépris des Arabes, de l’idée que les Libanais ne sont pas des Arabes, mais des Européens. Leur idéologie s’appuie sur des concepts imaginaires et fantaisistes. Les Phalangistes ont exploité les faiblesses de cette nation, qui n’a jamais réussi à réaliser une unité autour d’un symbole national. Les Phalangistes ont donc transmis leurs idées à d’autres confessions, alors même que celles-ci ne sympathisaient pas a priori avec eux. Ils se sont appuyés sur la psychologie des masses : le fait de mépriser l’Arabe, le Palestinien permettait de donner au peuple libanais une meilleure « idée de soi ». Cela s’exprime par le soutien généralisé au bombardement d’un camp de civils palestiniens, Nahr Al-Bared. Le discours dominant aujourd’hui au Liban ne diffère guère du discours phalangiste qui accompagnait l’attaque contre les camps palestiniens dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Amin Gemayel se vantait ainsi récemment d’avoir dirigé l’attaque sur le camp de Tell Al-Zaatar.

— Les scènes politiques libanaises, iraqiennes et palestiniennes sont actuellement le théâtre de tensions internes extrêmement violentes. Pourquoi la victoire de 2006 n’a-t-elle pas impulsé l’unité face à l’occupation ?

— Nombreux sont ceux qui ironisent sur les théories du complot. Or, moi je pense sérieusement que ce qui est à l’œuvre aujourd’hui se rapproche d’un complot. Dans une situation où l’idéologie de Bush est mise à mal en Iraq, l’Administration américaine tente de restructurer la région selon ses intérêts, soutenue en cela par des régimes dictatoriaux qui nous oppriment depuis des années. Pour tromper l’opinion publique arabe, cette Administration tente de gagner des points en provoquant des tensions entre sunnites et chiites. Il faut reconnaître qu’elle a réussi au Liban, en Iraq, et même en Palestine, où, dans le nord en Galilée, les bandes de Mohamad Dahlan ont lancé de la propagande contre certains petits groupements de chiites. Le fait qu’il y ait eu des ventes d’armes pour plus de 2 milliards de dollars cette année, contredit clairement tous les discours mielleux de Bush sur la démocratie dans la région. Pour atteindre ses desseins, l’Administration américaine s’appuie aujourd’hui sur ses agents dans la région — le gouvernement de Musharraf, la famille Hariri, les bandes de Mohamad Dahlan.

— Vous avez fait allusion au fait qu’aucune personnalité ou symbole n’avait réussi à rassembler toute la nation au Liban. Cela n’a-t-il cependant pas été le cas de Hassan Nasrallah à un moment donné ?

— Nasrallah a sans aucun doute formé un point de consensus au sein de l’ensemble des confessions libanaises, y compris chrétiennes, à un moment donné. Mais cela a changé après l’assassinat de Rafiq Al-Hariri. Les questions sont devenues plus étriquées dans leur confessionnalisme. C’est quelque chose qui a influencé le discours du Hezbollah, qui craint beaucoup la fitna sunnite/chiite, que le clan Hariri attise actuellement, pour y entraîner le Hezbollah.

— En guise de conclusion, comment voyez-vous l’avenir ?

— La situation est très sombre aujourd’hui au Liban. Il semblerait qu’on aille vers un affrontement civil. Mais est-ce un hasard que tous les pays qui se sont retrouvés d’une manière ou d’une autre aux mains de l’idéologie de Bush se retrouvent aujourd’hui au bord de la guerre civile ? Le Liban a une propension, une facilité à entrer en guerre civile. Il est effrayant aujourd’hui de constater que le clan de Hariri n’a aucun scrupule à pousser la situation vers cette option. Mais il y a également des Libanais qui tentent de mettre un coup d’arrêt au danger de la guerre civile, conscients que la mobilisation confessionnelle est telle aujourd’hui qu’elle est susceptible de conduire à une confrontation militaire.

Propos recueillis par Dina Heshmat

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