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Irrigation.
Ingénieurs et experts des pays du Bassin du Nil ont assisté
au Caire à un atelier organisé par l’Initiative du Bassin du
Nil (IBN). L’objectif était de faire connaître de nouvelles
techniques plus respectueuses du fleuve.
Ensemble, préservons
notre eau !
L’Association
internationale d’irrigation et de drainage vient d’achever
un atelier de six semaines au Caire, sous les auspices de
l’Initiative du Bassin du Nil (IBN). Les participants, au
nombre de 40 venant des pays du Bassin du Nil (Burundi,
République démocratique du Congo, Egypte, Ethiopie, Kenya,
Ouganda, Rwanda, Soudan, Tanzanie), étaient pour la plupart
des ingénieurs et des experts dans le domaine de l’eau et de
l’environnement.
Le but de cet atelier, organisé une fois par an en Egypte et
considéré unique en son genre au Proche-Orient, est de
promouvoir la coopération régionale, consolider les
relations, échanger les idées et les expériences en vue de
mieux gérer les ressources du Nil, augmenter son débit et
réduire les pertes et les gaspillages. « En fait, le
changement climatique est aujourd’hui en tête de l’agenda
international. Préserver les ressources partagées est
crucial. Non seulement pour la qualité de notre
environnement et de notre santé, mais aussi pour maintenir
la stabilité et la paix entre les nations », commente le Dr
Hassan Amer, vice-président de l’Association internationale
d’irrigation et de drainage et conseiller du ministre
égyptien de l’Environnement.
Chaque pays membre de l’IBN, lancée en 1999, est chargé d’un
domaine de formation. Ainsi, l’Egypte s’occupe-t-elle de la
formation des cadres et des spécialistes, et le Kenya est en
charge de la qualité des eaux, etc. Ces formations « de très
courte durée », comme les qualifient la plupart des
étudiants venant des pays du Bassin du Nil, sont financées
par le ministère des Affaires étrangères, le ministère des
Ressources hydrauliques et de l’Irrigation, l’Agence
internationale japonaise pour le développement (JICA) et le
Projet de formation africain. Le coût de ces formations
s’élève à deux millions de L.E., comprenant les billets
d’avion, le séjour, les excursions scientifiques, ainsi que
la rémunération des enseignants.
Les participants assistent pendant les trois premières
semaines à des cours théoriques au siège du Centre régional
pour les études aquatiques et de formation, situé dans la
zone du 6 Octobre, près du Caire. « Les cours traitent de
planification, de résolution, d’exécution, de préservation
agricole des champs et des fermes », précise le Dr Hassan
Amer. Au théorique se mêle le pratique avec des visites sur
le terrain, par exemple dans les environs de Marsa Matrouh,
pour appliquer, entre autres, un système de récupération des
eaux de pluie pour former un bassin. Ce système a beaucoup
intéressé un participant tanzanien. « Le problème, chez
nous, est que la pluie tombe sur une courte durée, une ou
deux fois par an, mais avec un système d’irrigation égyptien
développé et bien contrôlé, on peut cultiver même pendant la
saison sèche, puisqu’on a de l’eau dans les réservoirs »,
note Valery P.M. Ng’atigwa, professeur d’université.
La méthode d’irrigation par aspersion et le système
d’irrigation au goutte-à-goutte utilisés en Egypte
n’existent pas non plus au Rwanda. « Pourtant, ils sont très
intéressants dans les zones où il n’existe pas beaucoup de
pluie au Rwanda, à savoir Unmtara et Bugesera. Dans notre
pays, il existe le système d’irrigation par gravité. Donc,
ce qu’on apprend ici nous permettra de développer ce système
dans nos régions », avance Ndagano Jean Claude, ingénieur
agronome au ministère de l’Agriculture rwandais.
Ces formations ont été efficaces pour les étudiants
riverains. « Grâce à cette formation, nous allons améliorer
nos techniques d’irrigation au Congo. Chez nous, le
développement est basé sur la gestion des bassins versants.
Nous allons conserver cette méthode en y faisant des ajouts
», note Mangaa Ma Mbenza Joachim, ingénieur en génie rural
en République démocratique du Congo.
Les cours ont également abordé le sujet du drainage. « Le
système est très avancé en Egypte, parce qu’il est plus
mécanisé : les appareils, les instruments et les machines
creusent les canaux et enterrent directement les tuyaux de
drainage. Et à côté, il y a des appareils électroniques qui
contrôlent le fonctionnement des machines ... c’est très
utile pour nous », ajoute l’un des Congolais.
Après ce succès, les responsables ont décidé d’organiser un
atelier pour tout le continent africain durant les mois de
novembre et décembre 2007 .
Manar
Attiya
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Le Dr Mahmoud Medany,
expert auprès des Nations-Unies en agriculture et changement
climatique, explique comment le réchauffement
planétaire
touche
aussi l’agriculture.
« La seule solution est de tirer profit de chaque goutte
d’eau »
Al-Ahram Hebdo : L’agriculture est-elle touchée par les
changements climatiques ?
Dr Mahmoud Medany :
Oui, bien sûr. Le phénomène du changement climatique n’est
pas nouveau, mais les différentes activités de l’homme,
surtout industrielles, ont fait que le rythme de ces
changements s’accélère. Je peux dire que toutes les
activités ont des effets négatifs sur l’atmosphère et donc
aussi l’agriculture. Les conditions atmosphériques
affectent, augmentent ou protègent l’agriculture.
— Quelles peuvent être les conséquences sur l’Egypte ?
— Le premier effet est celui de la pénurie d’eau. Le
réchauffement, la sécheresse et le raccourcissement des
saisons de pluie font que les ressources du Nil diminuent.
Les quartiers résidentiels ne sont pas les seuls pointés du
doigt, puisque dans les campagnes, les gaspillages en eau
sont également énormes avec l’agriculture. Celle-ci est, en
fait, le premier consommateur d’eau douce du pays, et
utilise plus de 85 % de ses ressources. L’agriculture
représente à elle seule 65 % de la consommation totale
d’eau. Si l’on ne gère pas l’eau avec plus de sagesse, la
sécheresse deviendra chronique et les hommes en souffriront,
d’autant plus que l’eau nécessaire à d’autres besoins, comme
boire, se laver et cuisiner, viendra à manquer. Notre eau
est limitée. Nous la tirons du Nil que nous partageons avec
neuf autres pays, et la part de l’Egypte dans l’eau du Nil
n’a pas changé depuis 1959, à savoir 55,5 milliards de m3
par an. Alors que la population a triplé entre-temps !
— Certaines cultures seront-elles plus affectées que
d’autres ?
— Les récoltes d’hiver seront plus affectées par le
changement climatique que celles d’été. Les pommes de terre,
les laitues, les choux-fleurs ne supportent ni la haute
température ni la salinité. Le blé, le maïs et le riz
souffrent de la chaleur et ont besoin d’énormément d’eau,
donc avec la diminution de la quantité d’eau, la production
diminue, au lieu de produire 10 tonnes par feddan (0,42 ha),
on ne produit que 7 feddans seulement. La culture du coton
n’est pas affectée par le réchauffement, car elle a besoin
de haute température. Tandis qu’avec la culture du riz,
l’environnement est affecté deux fois : la première quand on
plante, puisque la terre doit être recouverte d’eau, ce qui
implique une consommation énorme. Or si on diminue
l’irrigation, la production en riz diminue elle aussi. Et la
deuxième, par l’incinération en plein air de quantités
énormes de pailles de riz en automne, qui provoque un épais
nuage noir au-dessus du Caire, depuis maintenant 8 ans. Mais
le ministère de l’Agriculture déploie d’importants efforts
pour élever différentes espèces végétales qui pourront
supporter la salinité, l’humidité, la haute température et
demander une faible quantité d’eau, tout en maintenant une
bonne production.
— Comment l’Egypte peut-elle éviter ces dégâts ?
— Nous sommes face à un vrai et gros problème. La seule
solution est de tirer profit de chaque goutte d’eau, en
améliorant la qualité des services. Les agriculteurs ont
commencé à changer l’époque des moissons, c’est-à-dire qu’au
lieu de cultiver telles ou telles plantes au mois d’août, on
les plante en septembre et la culture du mois de mars sera
plantée en février pour qu’elle puisse supporter le
changement climatique. On a commencé aussi à changer les
cultures de lieu géographique. C’est-à-dire qu’au lieu de
cultiver en Haute-Egypte, on plante au Fayoum où la
température est aussi élevée. Tandis que les cultures du
Fayoum sont transposées dans le Delta ou à Ménoufiya car
elles ont besoin d’une température plus fraîche.
La technologie moderne doit de même aider à réduire les
dégâts. Aujourd’hui, les agriculteurs ont commencé à
utiliser les machines laser pour aplatir les terres, qui
permettent de diminuer la quantité d’eau utilisée. Il y a
aussi l’irrigation au goutte-à-goutte. Mais reste un mot à
dire : sans volonté politique publique, les efforts
individuels sont vains .
Propos recueillis par M. A.
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