Al-Ahram Hebdo, Littérature | Ibrahim Badi
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 15 au 21 août 2007, numéro 675

 

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Littérature

Le roman du Saoudien Ibrahim Badi, 20 ans, fait couler beaucoup d’encre dans les milieux littéraires arabes pour son audace dans la critique de la société. Extrait de Hob fil Saoudiya qui dévoile le non-dit et dépasse les tabous de sexualité et même de politique.

Amour en Arabie saoudite

Je revins à l’université. J’étais aux nues. Je me souvenais de tout dans les plus menus détails. Comment avais-je tendu la main, comment l’avais-je touchée ? Comment s’était-elle courbée … ?

J’aime cela. J’aime ressasser ce que nous avons fait après chaque fois.

Je pénétrai dans la salle de conférences. Je regardai les visages de mes collègues. Je souriais.

Pouvaient-ils le pratiquer en voiture ? En plein rue Al-Riyad ?! ...

Ils craindraient d’être pris en flagrant délit dans un lieu isolé non légal. Ils ne pouvaient imaginer ce qui en découlerait. Mieux vaut peser leurs actes cent fois avant de s’y aventurer …

Même s’ils ont la tête brûlée, ils n’auront pas la chance de rencontrer une folle comme elle. Qui pourrait accepter de faire ce que nous faisons ? Que dirait-elle à son père si l’Institution de mise en examen la faisait arrêter ? Que dirait-elle s’ils venaient à la prendre à la maison des jeunes filles en lui donnant à lire le procès-verbal où tout est noté dans les menus détails, comme s’ils écrivaient les chapitres d’un roman pornographique ? ...

Je chassai toutes ces idées. Je concentrai mes pensées sur elle, à l’endroit où je la prendrai après le cours. Lorsque je la raccompagnerai de la société jusque chez elle. Dans l’un de ces restaurants que nous avons fréquentés, mais lequel ? Dans lequel pourrons-nous jouir d’un plaisir plus long ? Son père sait qu’elle est en réunion et il ne sera pas inquiet de son retard.

Je me l’imaginai les jambes nues, étendue sur ma cuisse en voiture alors que le professeur indien débitait sa conférence. Je ne comprenais pas ce qu’il disait à cause de son mauvais anglais. Mais ai-je écouté un mot de sa conférence ? Je tournai les pages du cours et je l’imaginai, elle.

Chaque nouvelle fois efface les fois précédentes. Toujours. Aucune de celles que j’ai connues avant elle ne me frôle l’esprit. J’essayai de revenir avec ma mémoire en arrière. Je compris alors que c’était sa volupté à elle qui me faisait sentir ma virilité et me faisait oublier toutes les femmes précédentes.

Après la conférence qui dura une heure, je me dirigeai rapidement vers ma chambre dans le foyer des étudiants.

L’étudiant qui partageait ma chambre n’était pas là. J’ouvris un tiroir que je gardai en général fermé à clé. J’y gardai des sous-vêtements de grande valeur. J’avais honte que mes amis s’en aperçoivent. J’avais honte surtout d’une culotte en soie rouge munie de deux fermetures éclair. Je pensai déjà à la remarque que j’allais entendre, si mon collègue avait vent de cette culotte en particulier, il penserait que je n’étais qu’un demi-homme.

J’écartai la rouge. Je la cachai au fond du tiroir. Je la reportai pour une occasion meilleure. J’en choisis une imprimée sur laquelle étaient dessinés des cœurs rouges.

Je la portai. J’imaginai son visage lorsqu’elle la verrait. Je pensais avec plaisir au compliment qu’elle me ferait pour mon goût.

J’ouvris mon armoire. Je sortis le parfum Dunhill Desire. Elle m’avait dit une fois : « Il n’y a aucune relation entre mon amour pour ce parfum et le sens du mot Desire. J’aime son odeur comme j’aime ton désir passionné ».

Le moment du rendez-vous se faisait plus proche. Je conduisais ma voiture vers le siège de la société. Je sentais un drôle de sentiment. Mon pouls se faisait plus rapide. Je tremblais. Je claquai des dents. Je n’arrivais pas à me maîtriser. J’avais froid, bien que le thermomètre signalât 36 degrés. Je me souvins du climatiseur de l’auto. Je l’éteignais. Je revoyais les faits.

Je n’avais pas pu sortir avec celles qui l’avaient précédée, souvent. Elles n’avaient pas accepté d’appliquer mes folles suggestions. Même celle qui avait consenti, sa terreur avait tué l’instant du plaisir. Sa peur de voir pénétrer les imposeurs de la loi à n’importe quel instant à l’intérieur du restaurant, lui faisait oublier tout plaisir.

Les visages des autres jeunes filles disparaissent en bribes dans mon imagination avant mon arrivée au siège de la société.

 

J’attendais dans l’auto. J’éteignis le moteur et j’attendais.

Celui qui était en réunion avec elle pouvait-il la considérer comme une séductrice ? Elle découvre son visage et montre des mèches de ses cheveux. Elle se maquille …

Pourquoi me préoccuperais-je de la manière dont ils la perçoivent ? Je suis heureux de sa volupté. Même si ce n’est qu’une déchue à leurs yeux, à eux tous …

Comment cela ne me faisait-il rien ? Comment accepter d’épouser une femme que l’on considère déchue ? …

Pourquoi est-elle ainsi ? Parce qu’elle découvre son visage, s’installe avec eux, se maquille et montre des mèches de ses cheveux ? Qu’y a-t-il de mal à cela ? ...

Les Saoudiennes ne font pas cela. Elles se couvrent de la tête aux pieds.

Mais elle est saoudienne également. Quel mal y a-t-il à ce que son travail requiert qu’elle voie des hommes ? …

A leurs yeux, c’est une femme métissée. Son père est saoudien et sa mère est libanaise. Ma mère également n’est pas saoudienne, mais égyptienne ! Sommes-nous des fils de chien parce que nos mères ne sont pas saoudiennes ?

Je passais d’une question à une autre. Je reprenais les mêmes questions et les mêmes réponses. Comme si je posais les questions et y répondais pour la première fois. Je ne connaissais pas la vérité à ce moment. Je justifiais toute chose. Je me persuadais qu’elle n’avait fait cela avec personne auparavant. Plus tard, je découvrirai ses mensonges. Je comprendrai qu’elle m’avait caché la vérité et que j’étais un imbécile lorsque j’avais imaginé que son expérience, sa folie et son audace étaient spontanées. Elle fera la connaissance d’un autre jeune homme, un jour, elle fera avec lui tout ce qu’elle faisait avec moi.

 

******

Ihab se mit à faire des reproches à Fatma à cause de sa manière de marcher. Il s’était contenté de la distance entre la voiture et la porte de la société pour élaborer son jugement : « Tu te dandines ».

Elle lui fit remarquer qu’il l’humiliait lorsqu’il utilisait des mots comme : « Tu te dandines en marchant, tu fais du charme en parlant, tu badines dans ta manière d’être ». Elle demanda à haute voix : « Tu penses que je fais exprès ? ».

Il ne répondit pas. Il demanda comment s’était passée la réunion ? Il hurla lorsqu’il apprit qu’elle s’était réunie, seule avec le directeur. Elle avait dit : « Même le secrétaire est sorti lorsque je suis entrée dans la pièce du directeur ».

— Comment acceptes-tu ? Pourquoi ne lui as-tu pas dit que tu ne pouvais pas t’isoler avec lui ou avec un autre ? Tu es saoudienne. Tu as le droit de ne pas t’installer seule avec quelqu’un ? Utilise cela pour ne pas t’installer seule avec quelqu’un, dans un lieu fermé. Ils doivent comprendre que la nature de ton travail ne nécessite pas qu’ils s’isolent avec toi.

Elle ne répondit pas. Il la regardait alors qu’elle regardait de l’autre côté. Il se reprit : « A moins que tu ne désires cela ? ».

Elle se tut un moment puis hurla : « Je suis une séductrice, je me dandine, je fais du charme et je badine. Et ce que je fais avec toi, je le fais avec d’autres. Cherche une jeune fille toute neuve. Fais-moi grâce et fais-toi grâce de tout ce mauvais sang ».

Elle lui disait à ces moments-là : « Tu adores te faire du mauvais sang comme un drogué, tu ne rates aucune occasion sans faire régner la mauvaise humeur ». Puis elle se reprenait : « Je sais que tu as bon cœur et que tu oublies vite ».

Elle était habituée à ce genre de situations. Il lui dira dans une occasion semblable : « Ce n’est pas la première fois que tu acceptes de t’isoler avec un directeur ».

Elle appelait cela : Ouvrir les anciens dossiers.

***

A cet instant, en auto, je m’aperçus de son silence. Je lui fis mes excuses. Je justifiais ma colère en prétextant la jalousie. Elle sourit. Elle décida de changer une situation maussade qu’elle avait instaurée elle-même. Elle n’était pas du genre à reconnaître ses erreurs. Mais elle sentit un désir passionné vers moi. Comme à son habitude, elle souhaitait sauter dans mes bras depuis qu’elle m’avait vu dans la voiture en train de l’attendre.

Je savais cela, car elle avait proposé qu’on aille dans un restaurant de fast-food. Elle prétendait qu’elle mourait de faim. Et ce n’était pas vrai. Elle mourait de désir. Elle voulait vivre le plaisir. Elle voulait comme d’habitude que cela arrive de manière non concertée. Elle ne voulait pas que je sache qu’elle était sensuelle. Elle voulait que je propose, bien que ce soit elle qui proposait en réalité ; aller dans un restaurant ou que je l’accompagne !

Combien j’étais imbécile ! Je la croyais toujours. Je pensais que c’était moi qui la menais.

Je me posais plusieurs questions, lorsqu’elle étendait son corps sur la banquette, me tenait la main. Je pensais : Combien de fois l’avons-nous fait dans les restaurants de fast-food ? Je ne sais plus. Si je me mariais avec elle, continuerais-je à le faire dans les restaurants ?

Je me souviens comment je l’avais convaincue la première fois et avais calmé sa peur de nous faire attraper. J’avais dit : « Ils pensent que les jeunes gens et les jeunes filles se rencontrent dans les restaurants chers pour avoir un plus grand laps de temps. Dans les restaurants 5 étoiles, la jeune fille et le jeune homme profitent du temps de l’attente de la nourriture qui se prépare à feux doux. C’est comme ça qu’ils réfléchissent. Ils ne pensent jamais aux restaurants de plats rapides. (Je ne savais pas qu’elle ne craignait rien, qu’elle faisait semblant de me résister. Elle voulait que je prenne toujours les devants et que je joue le rôle de celui qui convainc et qui prend l’initiative) ».

Notre relation est devenue plus intime dans les restaurants des plats rapides. Nous n’avions besoin ni de beaucoup de temps ni de préparation. On partait rapidement sachant pertinemment bien que personne ne douterait que nous avions fait quelque chose en 10 minutes. On apprit à ne pas avoir peur et à ne pas s’en faire. Un rideau en tissu et une petite pièce nous suffisaient.

Traduction de Soheir Fahmi

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