Secrétaire général du comité exécutif de l’OLP,
Yasser Abd-Rabbo
évalue les chances de réussite de la conférence
internationale de paix qui doit se tenir en automne por
régler le conflit palestino-israélien.
« La conférence de paix
doit être basée sur l’initiative arabe »
Al-Ahram
Hebdo : Comment voyez-vous les chances de réussite de la
conférence internationale de paix à laquelle avait invité le
président américain George W. Bush, et qui doit avoir lieu
en automne prochain ?
Yasser Abd-Rabbo :
Nous accueillons favorablement l’invitation du président
américain à tenir une conférence internationale de paix,
tout en réclamant que l’objectif principal de la conférence
soit d’établir un Etat palestinien indépendant avec
Jérusalem pour capitale. Et ce, dans un délai déterminé par
la conférence. L’invitation de Bush a des chances égales de
succès et d’échec. Il est important que la partie
palestinienne et arabe n’assume pas seule la responsabilité
de l’échec. Ceci signifie que nous devons adopter une
position positive envers la conférence que les Arabes ont
longuement réclamée.
Il faut insister sur les conditions de réussite de la
conférence. Ces conditions consistent à ce que la conférence
soit tenue sur le principe de l’initiative arabe de paix, où
existent tous les éléments légitimes et internationaux d’une
solution globale de la cause palestinienne, y compris les
questions des réfugiés et de l’établissement d’un Etat
palestinien, avec Jérusalem pour capitale, dans les
frontières de 1967. L’objectif est de ne pas aller à la
conférence avec une « Déclaration de principes »
obscure, faible et inférieure à l’initiative arabe de paix.
L’initiative arabe de paix, lancée lors du sommet de
Beyrouth en 2002, stipule une normalisation arabe globale
avec Israël en contrepartie d’un retrait israélien de tous
les territoires arabes occupés et d’un règlement de la
question des réfugiés palestiniens conformément à la
résolution 194 des Nations-Unies.
— Mais comment assurer concrètement la réussite de la
conférence ?
— Nous réclamons à Israël et aux Etats-Unis d’entamer
immédiatement des négociations palestino-israéliennes pour
arriver à un accord détaillé autour des différentes
questions du statut définitif, y compris l’établissement
d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, avec
Jérusalem pour capitale, ainsi que le règlement de la
question des réfugiés selon la résolution 194 de l’Onu.
Cette solution détaillée doit être accompagnée d’un
calendrier précis d’application et de garanties
internationales pour protéger cette solution et son
application.
— Pensez-vous que l’Etat hébreu soit disposé à parvenir à
une telle solution ?
— La position israélienne continue jusqu’à aujourd’hui à
entraver les négociations sur le statut final des
territoires palestiniens. Israël veut séparer la question de
l’établissement d’un Etat palestinien des questions du
statut final, de la Feuille de route et des réfugiés
palestiniens. C’est-à-dire instaurer un Etat palestinien sur
le reste des territoires qui constituent une partie de la
Cisjordanie et qui sont séparés les uns des autres, comme
des cantons. Cette situation mènera à la destruction de
l’unité du peuple palestinien et de son économie. Un
phénomène qui est d’autant plus accentué par la situation
actuelle dans la bande de Gaza après le coup de force du
Hamas. Les ambitions israéliennes doivent être affrontées
par une position palestinienne commune et non par la
passivité ou par des positions pessimistes qui prédisent à
l’avance que les négociations échoueront.
— Comment surmonter justement la situation née de la
séparation de fait de la bande de Gaza, désormais sous le
contrôle du mouvement de la résistance islamique (le Hamas)
et qui fait qu’il y a aujourd’hui deux interlocuteurs du
peuple palestinien : l’Autorité d’autonomie, sous la
domination du Fatah de Mahmoud Abbass, et les islamistes du
Hamas ?
— Malheureusement, des courants extrémistes palestiniens et
arabes veulent donner à Israël l’occasion de faire échouer
cette solution, tout en faisant assumer la responsabilité de
cet échec à l’Autorité palestinienne et ce en adoptant une
position qui prédit l’échec à l’avance et par conséquent
sape toute action politique positive.
L’unique représentant légitime du peuple palestinien est
l’OLP. Il faut ici se rappeler la division qui avait eu lieu
il y a 25 ans à l’intérieur du Fatah et qui avait été
appuyée par certains pays arabes. On entendait alors dire
qu’il ne fallait pas inviter les Palestiniens à toute
conférence à cause de cette division. Or, la direction
palestinienne s’était opposée à tous les défis et à toutes
les tentatives d’ingérence dans les affaires intérieures
palestiniennes.
L’OLP a été fondée en 1973, c’est-à-dire 15 ans avant la
naissance du Hamas. Des dizaines de milliers de martyrs ont
protégé cette représentation unique contre des Etats, des
forces et des courants régionaux qui ont tenté d’accaparer
la représentation du peuple palestinien pour renforcer leurs
assises ou leurs régimes. Les parties israéliennes
extrémistes de droite, en plus de certaines parties
internationales qui s’opposent aux droits palestiniens,
prennent pour prétexte le coup de force perpétré par le
Hamas pour prétendre que les Palestiniens ne sont pas unis.
Le coup de force du Hamas dans la bande de Gaza est un
incident unique dont l’effet diminue jour après jour. Nous
continuerons à l’OLP à porter le drapeau unique du peuple
palestinien avec tous ses courants sans aucune exception.
C’est parce que nous tenons à la pluralité politique que
nous avons réussi à protéger cette unité. Les partisans du
Hamas qui ont effectué ce coup de force tentent aujourd’hui
d’éliminer cette pluralité en instaurant un émirat islamiste
du Hamas d’une seule couleur sur une partie de la terre de
la Palestine. Le Hamas a ainsi prouvé que son attachement à
la démocratie ne tient que lorsqu’il en profite.
— Les circonstances de la tenue de la conférence restent
cependant confuses, notamment sa date, son ordre du jour
ainsi que les parties qui doivent y participer ...
— Toutes les parties concernées doivent assister à cette
conférence sans aucune condition qui limiterait leur
participation.
— Pensez-vous que les Etats-Unis soient vraiment sérieux à
exercer des pressions sur l’Etat juif pour qu’il vienne et
accepte une solution durable de la question palestinienne ?
— C’est difficile à prédire. Après l’échec américain dans
différentes régions du Proche-Orient, les Etats-Unis
cherchent à changer leur image, d’où peut-être leur appel à
la tenue d’une conférence internationale sur le conflit
israélo-palestinien. Mais aujourd’hui personne au monde, en
particulier les petits peuples, ne peuvent se laisser
entraîner par de telles analyses pessimistes, qui les
feraient abandonner les opportunités qui se présentent à
eux, même si ces opportunités sont minimes. Le peuple
palestinien ainsi que tous les peuples sous occupation ont
besoin de tout espoir quelles que soient ses chances de
réussite.
— Les médias israéliens ont indiqué que le premier ministre
israélien, Ehud Olmert, envisage de restituer 90 % des
villes palestiniennes en Cisjordanie. Pensez-vous que cette
proposition puisse constituer un terrain d’entente entre
Palestiniens et Israéliens ?
— Le retrait des seules villes palestiniennes ne constitue
pas la solution finale que nous désirons négocier. C’est un
pas qui s’inscrit dans le contexte de l’exécution des
engagements pris par Israël. L’objectif est de mettre fin au
blocus des villes et des régions palestiniennes, d’arrêter
les assassinats des personnalités palestiniennes et la
construction du mur de sécurité et ce dans le contexte de ce
qu’on appelle l’instauration de la confiance entre
Palestiniens et Israéliens. Cette proposition ne signifie
pas mettre fin à l’occupation alors que ce que nous voulons
négocier c’est l’évacuation complète de tous les territoires
palestiniens, c’est-à-dire d’établir un Etat palestinien
indépendant sur toute la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Propos recueillis par
Achraf Aboul-Hol