Alexandrie.
L’article sur la Nostalgie d’Alexandrie publié dans Al-Ahram
Hebdo n°673 continue à faire couler de l’encre. Un de nos
lecteurs présente un contrepoint à l’article d’Amira Doss.
La nostalgie alexandrine
L’image nostalgique d’une Alexandrie cosmopolite, qui était
là et qui n’est plus, fait couler beaucoup d’encre depuis un
nombre d’années. Il faut pourtant se méfier. La nostalgie
est du domaine des émotions ; elle ne rend jamais justice à
la réalité. Elle se réfère aux souvenirs roses de l’enfance
ou de l’adolescence. Elle exprime la souffrance de ceux qui
ont été soudainement arrachés à leur ville et obligés de
partir vers d’autres rivages. Garder un attachement, c’est
bien ; mais embellir des souvenirs souvent assez flous ne
peut que trahir une réalité toujours très différente. Pour
saisir cette réalité, il faudrait quand même appliquer le
froid scalpel de la raison.
Une Alexandrie habitée par une grande minorité de non
Egyptiens a bien sûr existé. On la décrit comme cosmopolite
parce que des Grecs, Italiens, juifs, Maltais, arméniens,
chawam (levantins), et bien d’autres se côtoyaient. On
parlait plusieurs langues, chacun la sienne dans sa
communauté ; le français (lingua franca de l’époque) ou un
arabe élémentaire en dehors de sa communauté.
Le cosmopolitisme alexandrin excluait les Egyptiens qui
constituaient pourtant la majorité de la population de la
ville (entre 75 % et 90 % selon les époques). Comme Naguib
Mahfouz le disait dans une interview avec Mohamed Salmawy
ayant décrit la belle ville européenne et tout ce qu’elle
offrait : « Tout cela était pour les étrangers. Nous ne
pouvions que l’observer de l’extérieur ». Et principalement
pour cette raison, le cosmopolitisme était dépourvu de
substance. Il lui manquait la profondeur qu’apporte
l’intégration. Les liens entre les diverses communautés non
égyptiennes et le monde égyptien existaient dans le travail
et les affaires mais étaient rares dans d’autres domaines.
Pour assurer la paix et éviter des frictions
intercommunautaires, parler de religion ou de politique (en
dehors de sa communauté) était tabou. L’exogamie n’était pas
fréquente et était en général mal vue. La langue est
l’instrument essentiel de l’intégration sociale et de la
fécondation culturelle. Mais la plupart des non Egyptiens —
à l’exception d’une partie des chawam — ne parlaient pas un
arabe convenable et très peu savaient bien l’écrire.
On ne saurait trouver une symbiose entre la culture arabe et
celles, nombreuses, des divers cosmopolites. Le
cosmopolitisme alexandrin n’a pas produit une culture
spécifique parce qu’il ne pouvait pas se dégager de sa
superficialité.
Les nostalgiques d’aujourd’hui essaient de suppléer à cette
déficience en réclamant pour Alexandrie la gloire littéraire
de Ungaretti, Cavafis, Durrell, Tsirkas et Cialente.
Alexandrie a certainement inspiré la poésie d’Ungaretti
comme l’a montré la professeur Férial Ghazoul. Les thèmes de
l’Alexandrie antique dominent la poésie de Cavafis. Durrell
a imprimé dans l’imaginaire occidental une Alexandrie
re-créée au-delà de toute réalité par son propre imaginaire.
Par contraste, l’Alexandrie de Tsirkas et de Cialente est
très proche de sa réalité. Alexandrie est thème et influence
chez tous ces écrivains et bien d’autres ; mais ont-ils
influencé ou aidé à créer une culture alexandrine ?
Alexandrie a beaucoup donné mais a très peu absorbé. Elle ne
le pouvait pas car chaque auteur écrivait dans sa langue ce
qui limitait son audience à un groupe restreint, et dans ces
groupes mêmes il ou elle était largement méconnu.
Bien qu’on ne puisse pas parler d’une culture commune et de
valeur chez les cosmopolites alexandrins, il faut
reconnaître qu’un esprit alexandrin existe et qu’il a
beaucoup enrichi notre vie là où nous avons atterri de par
le monde. Un ensemble d’humour que nous devons à l’Egypte,
d’hospitalité que nous devons à l’Orient, d’hédonisme
méditerranéen et l’accoutumance à la diversité.
Un autre concept décrit mieux la réalité de cette Alexandrie
cosmopolite. Depuis le début de son existence dans les
années 1860 ou 1870 jusqu’à la fin de la seconde guerre
mondiale, nous avions affaire à une société coloniale. Les
étrangers jouissaient des privilèges des capitulations et de
la juridiction des tribunaux mixtes. Ils étaient protégés
par la présence depuis 1882 de l’armée britannique ; et ce
rôle assumé par le gouvernement de Sa Majesté était
mentionné comme nécessitant des garanties dans toutes les
négociations pour l’indépendance et l’évacuation de l’Egypte
tenues avec les Anglais entre 1920 et 1947. On méprisait les
Egyptiens appelés péjorativement « arabes », indigènes ou «
barbarin ». Le racisme, heureusement pas généralisé, était
quand même présent comme attitude plutôt qu’agression. On le
trouve en filigrane dans l’ouvrage pourtant tardif d’André
Aciman Out of Egypt. Jusqu’aux années 1930 ou 40, la
mentalité était proche de celle des « petits Blancs ».
La nostalgie alexandrine méconnaît des aspects importants de
l’Histoire. Elle imagine un monde cosmopolite harmonieux où
tout le monde était libre et heureux. Harmonieux ? Il y
avait des tensions entre Grecs et Italiens ; une méfiance
énorme des chrétiens orthodoxes à l’égard des juifs ; une
arrogance et une distance chez les Anglais heureusement peu
nombreux.
Libre ? Oublie-t-on toutes les contraintes sociales et
morales qui limitaient les champs de l’action, du discours
et des relations ?
Heureux ? On oublie que la majorité des non Egyptiens
faisaient partie des petites classes moyennes, et que
beaucoup étaient pauvres. La lutte pour survivre avec des
petits salaires causait bien des souffrances.
L’histoire d’Alexandrie est celle d’une dynamique qui depuis
1882, ou même avant, a voulu récupérer l’enclave étrangère à
l’Egypte. Alexandrie a joué un grand rôle dans la lutte pour
l’indépendance en 1882, 1919, 1921/2 et en 1947. Mais toutes
les émeutes et manifestations étaient aussi dirigées contre
les étrangers. De manière plus pacifique, la population
égyptienne, très lentement d’abord mais à un rythme de plus
en plus élevé dès les années 1940, a pénétré l’enclave
cosmopolite au centre-ville et à Ramleh. La migration rurale
fait partie de cette dynamique dans sa dimension
démographique. Il ne faut pas oublier que la résurrection
d’Alexandrie par Mohamad Ali a causé une émigration
ininterrompue du Delta et de la Haute-Egypte vers
Alexandrie. Ce sont ces ruraux qui ont creusé les mains nues
le canal de Mahmoudiya, construit l’infrastructure de la
ville et ont travaillé au port, dans les usines, le secteur
des services et la construction. Ce sont eux qui ont souvent
exécuté les tâches les plus ardues.
Alexandrie n’est plus ad Aegyptum, ni en Egypte comme le
serait un corps étranger importé là. Elle est égyptienne,
part intégrale de l’Egypte avec tout ce qu’on y aime et tout
ce qu’on déplore. Est-elle défigurée ? Les jardins de
Bulkeley, les plus beaux d’Alexandrie d’après E. M. Forster,
ont disparu. Les villas ont émigré le long de la côte ouest
au-delà de Agami comme elles avaient émigré au XIXe siècle
de la ville turque aux bords du canal de Mahmoudiya, et plus
tard du canal à Moharram Bey et enfin à Ramleh. Elle est en
mouvance au même rythme que l’Egypte. Nouvelles figures,
différentes mais avec plusieurs continuités.
Ce qui faisait la beauté d’Alexandrie, c’était bien
l’ouverture sur la mer. Le reste était parfois délabré comme
en témoignent beaucoup d’anciennes cartes postales. La mer
et la corniche sont toujours là. Ceux qui aiment l’Egypte ne
peuvent pas ne pas aimer Alexandrie dans sa nouvelle figure
qui n’est que l’extension géographique et sociale d’une
Alexandrie qui a toujours existé mais que la plupart des
nostalgiques ne connaissaient pas.
Robert Mabro,Alexandrin 1934-1960,
Fellow de St Antony’s College et de St Catherine’s College à
l’Université d’Oxford.
Ramsès, où es-tu ?
C’est une question que je me pose depuis un an, où est la
statue de Ramsès ? Et où est le grand Musée égyptien promis
par les autorités ? Je sais que la statue a été transférée
du côté des pyramides, là où devrait se trouver le nouveau
musée, et j’ai de la chance de pouvoir le voir car c’est sur
la route de mon travail (Village intelligent). Je crois
qu’il est temps de rejoindre le train des pays civilisés qui
protègent leurs patrimoines et leurs antiquités. Ce, afin
d’améliorer notre place parmi les grands pays touristiques
comme la Turquie, le Mexique et la Jordanie. Je profite de
cette occasion pour joindre ma voix à celle de l’écrivain et
rédacteur en chef d’Al-Ahram Hebdo, Mohamed Salmawy,
concernant l’imprimerie de Amiriya, sa valeur historique et
son rôle dans la création de l’identité égyptienne.
Ahmad Helmy,Le Caire.
Ne vous méprenez pas !
J’ai lu récemment un article écrit par Mahmoud Attiya dans
le quotidien Al-Akhbar et j’aimerai vous faire part de sa
remarque pertinente. A travers cet article, le Dr Mahmoud se
demande simplement pourquoi est-ce qu’on attribue le succès
des élèves de la sanawiya amma (Bac) aux écoles en disant
par exemple que le premier de la sanawiya amma est de
l’école X et que le deuxième est de l’école Z, tout en
oubliant que le rôle des écoles n’est plus ce qu’il était et
qu’il a laissé le champ libre aux cours particuliers et à
leurs professeurs ? Donc, il serait plus logique, selon
Attiya, et plus honnête d’attribuer le succès de ces élèves
aux professeurs particuliers, mais aussi aux parents qui
déboursent des sommes énormes pour voir leur progéniture
réussir.
May Mansour,Alexandrie.
Instaurer des cours d’éducation sexuelle
Pour essayer de résoudre nos problèmes de vie conjugale, ou
même de vie avant le mariage, je pense que notre société
devrait changer de mentalité. Pourquoi tant d’agressions
sexuelles ? Pourquoi tant de couples découvrent-ils très tôt
après le mariage que leur vie ensemble est impossible ?
Pourquoi nos enfants ne bénéficient-ils pas à l’école d’une
éducation sexuelle ? Je pense que si on apprenait à nos
enfants un minimum d’informations sur cette question à
l’école, les malheurs seront peut-être moins grands. La
culture sexuelle ne doit pas être un tabou. Nous devrions
instaurer des cours d’éducation sexuelle, avec toute la
pédagogie que cela suppose, comme c’est le cas pour les
autres matières.
Nadine Samer,Le Caire.