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 Semaine du 4 au 10 Juillet 2007, numéro 669

 

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Prix . L’écrivain égyptien Alaa Al-Aswani vient d’obtenir la prestigieuse distinction littéraire italienne Grinzane Cavour, pour L’Immeuble Yacoubian. Entretien.

« La littérature ne change pas les choses, c’est plutôt l’action politique »

Aïcha Abdel-Ghaffar

Turin,
De notre envoyée spéciale,

Al-Ahram Hebdo : Quelle est pour vous la signification de ce prix ?

Alaa Al-Aswani : Il s’agit d’un prix prestigieux en Italie, bénéficiant de plusieurs branches dans plusieurs pays, dont la France. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que ce prix est une porte d’entrée pour la littérature arabe en Occident.

— L’Immeuble Yacoubian a connu un grand succès ...

— Oui, le roman est traduit en dix-neuf langues. En France, il a bénéficié d’une traduction excellente, celle de Gilles Gauthier, et a été distribué à plus de 150 000 exemplaires. L’immeuble Yacoubian est ma première grande rencontre avec le public italien ; plus de 70 000 exemplaires ont été distribués en Italie. Je suis heureux que Chicago sera traduit par la plus grande maison d’édition italienne indépendante en Italie, Feltrinelli. Elle sera publiée en janvier prochain. Au Caire, Chicago vend d’ores et déjà le double de L’immeuble Yacoubian.

— Comment est née votre vocation d’écrivain ?

— Encore enfant, dès l’âge de onze ans, mon seul rêve était de devenir écrivain. J’ai étudié la médecine dentaire à l’Université d’Illinoy, et j’aurais pu vivre à Chicago, mais j’ai préféré rentrer au Caire pour ma vocation d’écrivain. Je connais Chicago comme Le Caire, ruelle par ruelle, et j’ai écrit en fonction de mon expérience humaine à Chicago.

— Quelle relation entretenez-vous avec celui qui est considéré comme le père de la littérature égyptienne, Naguib Mahfouz ?

— Je ressens une grande vénération pour cet écrivain qui a posé les bases du roman arabe moderne et qui a développé ce roman sur une période de quarante ans. Mahfouz était un ami de mon père, et j’ai également eu l’occasion de discuter avec lui trois heures de suite dans un café au bord de la mer à Glim à Alexandrie, et cela a eu un grand impact sur ma conception de la littérature. Mahfouz disait qu’il ne serait pas arrivé à ce qu’il est devenu s’il ne s’était consolidé depuis le début et s’il n’avait compris que l’écriture est à la fois un devoir et un acte de délivrance. Devoir à accomplir sans attendre de retour ; délivrance parce que l’écriture lui permettait d’oublier tout ce qui l’attristait dans ce monde. L’écriture l’apaisait et le réconfortait. Mais je me suis également inspiré de Tewfiq Al-Hakim, Gamal Al-Ghitani, Bahaa Taher et Alaa Al-Dib, ainsi que Galal Amin.

— Quel rapport entretenez-vous avec le patrimoine arabe aussi bien que français ?

— Je suis imprégné de littérature française depuis mon passage comme élève au Lycée français. Cette littérature m’a beaucoup influencé ainsi que ses grands classiques, La Fontaine, Molière, Rousseau, La Bruyère, ainsi que Balzac et Victor Hugo. Quant à l’époque moderne, c’est Albert Camus qui m’a le plus marqué. En ce qui concerne la littérature arabe, j’ai lu le patrimoine littéraire arabe grâce à mon père. J’ai été influencé par Al-Jahez, et son chef-d’œuvre Les avares, ainsi que par Abou-Nawwas et Aboul-Farag Al-Asfahani. J’ai beaucoup apprécié la littérature russe. J’ai ensuite appris l’espagnol pour lire la littérature d’Amérique latine. J’apprécie la pensée d’un Garcia Marquez et sa philosophie quant à l’engagement, notamment pendant l’expansion du socialisme lorsqu’il a dit que le premier devoir révolutionnaire de l’écrivain c’est d’écrire un bon roman. La littérature ne change pas les choses, c’est plutôt l’action politique qui change les circonstances.

— Comment avez-vous vécu la réception de votre œuvre par les publics français et italien ?

— La France et l’Italie bénéficient du plus grand nombre de lecteurs en Europe, et aussi d’une tradition très enracinée dans la critique littéraire. Cela se manifeste dans le prix Grinzane Cavour et le prix que j’ai récemment reçu à Toulouse. Je vous rappelle que nos grands peintres égyptiens ont appris la peinture dans les ateliers des maîtres italiens à Alexandrie, et la plupart de nos grands penseurs ont étudié à Paris comme Tewfiq Al-Hakim, Taha Hussein, Zaki Moubarak, Réfaa Al-Tahtawi et Mohamad Abdou. Nous ne commençons donc pas à zéro et nous devons être conscients de l’impact et de la grandeur culturelle de l’Egypte.

De plus, j’ai une grande admiration pour les écrivains italiens comme Moravia et Pirandello qui a changé le théâtre moderne.

— Le jury a particulièrement fait l’éloge de L’Immeuble Yacoubian, roman qui a fait du lieu un personnage en chair et en os ...

— J’ai un penchant pour le roman qui donne toute son importance au lieu. C’est pour cela que j’admire l’écrivain yougoslave Ivon Drich, et Laurence Durell pour son Quatuor d’Alexandrie. Le temps joue indubitablement un rôle important dans le roman parce que l’histoire humaine est étendue et la capacité de l’écrivain consiste à découvrir les sensations et sentiments de l’homme en général .


 

Diversité et renouveau

Fondé en 1982, le prix Grinzane Cavour se veut novateur : il prend en compte le vote d’étudiants et prône la diversité culturelle. Les lauréats 2007, en plus d’Aswani, sont Amitav Ghosh et Yasmine Ghata.

C’est lors d’une cérémonie organisée dans le château Grinzane Cavour, au cœur des Langhe, que le prix est attribué. L’événement est organisé par l’Association Premio Grinzane Cavour, fondée et dirigée par Guiliano Soria. Professeur de littérature espagnole, ce dernier précise que le prix Cavour vient de créer un jury formé d’étudiants au Caire pour désigner leur super star. La présence d’Aswani à Turin symbolise ce centre de lecture de jeunes qui travaillent au Caire, car les lauréats qui gagnent le prix Cavour sont les auteurs qui ont aussi été élus par les jeunes et non seulement par le jury officiel. Pour Soria, « Aswani représente le futur de la culture arabe. J’appelle le monde arabe à ne pas se refermer sur lui-même ; le monde arabe est la base de la culture, et Cordoue était la capitale de l’Empire arabe au VIIe siècle. Donc, vive les pays arabes, vive le brassage des cultures, que ce soit chez Gamal Al-Ghitani, Taher Ben Jelloun, ou Alaa Al-Aswani. Deux Egyptiens ont gagné le prix Cavour, nous en voulons dix. La culture égyptienne est une grande culture dans laquelle nous devons puiser les connaissances ». Lors d’éditions précédentes, ce prix avait été attribué à Daniel Pennac, Doris Lessing, ou encore Luis Sepùlveda.

En plus de Alaa Al-Aswani, d’autres lauréats ont été honorés par l’édition 2007. Amitav Ghosh est ainsi lauréat du prix international. Ghosh a vécu en Egypte, à Manchiyet Hamour, près de Damanhour, où il faisait des recherches d’anthropologie sur les villageois égyptiens, envoyé par l’Université d’Oxford, où il préparait son doctorat. La majeure partie de son œuvre traite de l’Inde, son pays natal, ainsi que des problèmes du Bengale. Pendant son passage en Egypte, il a écrit un livre sur ce pays, intitulé Dans le terroir antique. Pour lui, les liens entre l’Inde et l’Egypte étaient très puissants, surtout entre Saad Zaghloul et Ghandi, qui avaient une influence réciproque l’un sur l’autre.

Lauréate du prix Grinzane Cavour pour les nouveaux écrivains, Yasmine Ghata exprime sa joie, tout en précisant que son roman La nuit des Calligraphes se déroule autour de la vie de sa grand-mère paternelle. C’est ainsi qu’elle a pu raconter le sort des calligraphes, dont sa grand-mère, qui ne pouvaient plus exercer la calligraphie quand l’alphabet arabe a été remplacé par le latin. Elle ajoute qu’il s’agit d’une biographie fictive, basée en partie sur la vie de sa grand-mère, qu’elle n’a rencontrée qu’une fois à l’âge de 12 ans, et imaginée pour le reste. « Ce livre est une manière de m’approprier l’héritage qui m’est venu par elle. J’étais tombée par hasard sur une calligraphie à l’exposition Sakib Sabanchi, un industriel turc qui avait acheté les calligraphies ottomanes et a fait voyager sa collection à Paris ». Fière d’appartenir à un double héritage, elle raconte avoir été marquée à la fois par les calligraphies de sa grand-mère et par l’écriture de sa mère Venus Khoury Ghata, écrivaine libanaise, auteur du roman à succès Sept pierres pour une femme adultère, aux éditions Mercure de France. La jeune Ghata, qui se prépare pour un nouveau roman qui paraîtra en septembre La tare de mon père, affirme que l’écriture lui permet de jouir d’une vie parallèle. Ainsi, c’est en écrivant Les calligraphes de la nuit qu’elle a vaincu la disparition de sa grand-mère. « J’avais envie de l’approcher sous un angle différent, mais le roman m’a permis de la créer après avoir réuni une importante documentation sur mon héritage » .

A. Gh.

 




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