Archéologie .
Une équipe du Conseil suprême des antiquités a
découvert en bordure du Sinaï la plus grande forteresse
datant du Nouvel Empire.
Un bouclier contre les envahisseurs de l’Est
L’histoire
a ses raisons. Ses faits changent parfois peu. C’est
toujours une question de géopolitique. C’est généralement de
l’Est que viennent les problèmes. La preuve en est cette
découverte annoncée par le ministre de la Culture, Farouk
Hosni, dimanche. En bordure du Sinaï, la plus grande
construction de défense militaire de l’époque pharaonique
ainsi que deux autres forts qui s’intégraient dans un
ensemble de fortifications allant jusqu’à l’actuelle bande
de Gaza ont été révélés. Le lieu c’est Tell Héboua ou
Tharou (qui s’étend sur trois kilomètres), au Sinaï et à
l’est du Canal de Suez. Là, la mission du Conseil Suprême
des Antiquités égyptiennes (CSA), sous la direction du Dr
Mohamad Abdel-Maqsoud, a mis au jour les vestiges d’un grand
fort pharaonique. Il s’agit d’une immense forteresse
militaire dont les murs sont construits en terre cuite et
dont on peut bien distinguer l’entrée principale.
Chose intéressante, des indices concernant cette forteresse
se trouvent dans un bas-relief du temple de Karnak. « Des
inscriptions portant sur le roi Séthi 1er (la XIXe dynastie,
1315 au 1201 avant J.-C.) et qui se trouvent sur l’un des
murs de ce temple à Louqsor donnent quelques détails de
cette forteresse », indique le Dr Mohamad Abdel-Maqsoud,
également directeur de l’Administration centrale des
antiquités égyptiennes. L’ouvrage militaire qui vient d’être
mis au jour est en effet l’entrée orientale de la ville
antique de Tharou qui était considérée comme l’un des
principaux points de départ des armées égyptiennes pour
assurer la sécurité des frontières Est du pays à l’époque du
Nouvel Empire (1569-1081 avant J.-C.).
Tharou était donc le siège du commandement militaire de la
défense orientale de l’Egypte. D’où l’importance de cette
découverte confirmant le rôle central de la cité. Les murs
du bâtiment sont longs de 500 mètres sur une largeur de 250.
Ils font 13 mètres d’épaisseur. La forteresse regroupait,
entre autres, vingt-quatre énormes tours de défense. « La
forteresse était entourée d’un fossé rempli d’eau. Des
temples, des pièces utilisées pour le stockage, des
bâtiments administratifs ont été mis au jour aux environs »,
ajoute le Dr Mohamad Abdel-Maqsoud qui a annoncé aussi que
la mission du CSA a trouvé autour des murs de la forteresse
les restes des squelettes de chevaux et des ossements
humains.
Deux autres forteresses ont également été mises au jour.
L’une dite Arine Al-Assad (littéralement l’antre du lion,
pour désigner Ramsès II) a été découverte par une équipe
américaine à dix kilomètres à l’est du Canal de Suez dans la
région de Tell Al-Borg. Le troisième fort, dit la forteresse
Magdoul du roi Séthi 1er, a été découvert par une mission
française dans la région de Tell Al-Herr, à 25 kilomètres du
Canal de Suez.
« Les trois forts font partie d’une série de 11 châteaux et
forteresses formant les défenses militaires sur la route
militaire d’Horus qui allait de Suez, près de la ville
Al-Qantara, en passant par Arich jusqu’à la frontière de la
ville de Rafah l’égyptienne, sur la frontière entre l’Egypte
et les territoires palestiniens », a indiqué le Dr Zahi
Hawas, secrétaire général du Conseil suprême des antiquités
égyptiennes. « Ces trois forts datent en fait des XVIIIe et
XIXe dynasties qui s’étendent de 1560 au 1081 avant J.-C. »,
a-t-il précisé.
La route d’Horus ou la route du nord, rattachait l’Egypte à
la Palestine à travers le Sinaï. Elle fut considérée, depuis
l’Antiquité, comme celle des conquêtes et aussi de toutes
les invasions. C’était également celle par laquelle
passaient les échanges commerciaux. Au cours des siècles,
les pharaons l’avaient empruntée pour élargir leur empire au
Proche-Orient. Et vice-versa, les armées des pays étrangers
qui ont conquis l’Egypte l’ont utilisée à leur tour. Ainsi,
depuis l’aube de l’Histoire, cette région stratégique
était-elle surveillée militairement pour empêcher toutes
invasions et menaces venant de l’Est. Au XIIIe siècle av.
J.-C., les Hittites furent cet ennemi. Par la suite le pays
fut conquis par les Assyriens, les Perses et les
Macédoniens. C’est à travers cette route qu’Alexandre Le
Grand a conquis l’Egypte en 333 av. J.-C.
La stratégie de défense du Nouvel Empire
« L’importance de cette nouvelle découverte réside dans le
fait qu’elle représente un panorama de l’histoire militaire
de l’Egypte ancienne ainsi que de l’histoire de ses
constructions militaires, ce qui aide à dessiner une carte
topographique unique pour les frontières est de l’Egypte qui
s’étendent de Qantara à Rafah », explique le Dr Mohamad
Abdel-Maqsoud. Cette nouvelle découverte démontre, d’autre
part, l’étendue des défenses militaires pendant la XVIIIe et
la XIXe dynastie qui étaient destinées à la fortification de
la cité du célèbre pharaon Ramsès II, Pi-Ramsès (ou
Per-Ramsès), située dans le gouvernorat de Charqiya au
nord-est du Delta du Nil et qui fut la capitale de l’Egypte
sous les XIXe et XXe dynasties.
Les pharaons du Nouvel Empire multiplièrent les forteresses
de tous genres sur les frontières où étaient cantonnées les
garnisons ainsi que sur les routes stratégiques. Dès la
Haute Epoque, la prise d’une forteresse égyptienne n’était
pas une chose aisée : les momies de soldats qui furent
inhumés vers 2050 av. J.-C. portaient presque toutes
d’horribles blessures sur le haut du crâne, on suppose à
juste titre que ces Thébains tombèrent en masse sous les
murs d’une forteresse.
L’équipe du CSA en partenariat avec les membres des missions
étrangères opèrent toujours sur le site. Ils effectuent
actuellement des travaux de restauration et de conservation
pour l’ensemble des fortifications mises au jour .
Amira
Samir