Palestine.
Le duel engagé entre le Fatah et le Hamas est loin de
prendre fin. Les dissensions politiques se traduisent
désormais par une séparation de facto sur le terrain entre
les régions sous l’influence du Fatah et celles sous
l’emprise des islamistes.
Rupture consommée
Le
bras de fer se poursuit entre le président de l’Autorité
palestinienne, Mahmoud Abbass, soutenu par les instances
suprêmes de l’Organisation de Libération de la Palestine
(OLP), et le mouvement islamiste du Hamas, avec lequel il a
rompu tout contact depuis la domination par la force des
armes de ce mouvement sur l’ensemble de la bande de Gaza, le
15 juin. Déterminé à confirmer cette rupture, le mouvement
islamiste a annoncé la création d’un « comité juridique »
spécial pour administrer la justice dans la bande de Gaza. «
Nous avons constitué un comité juridique pour pallier la
paralysie du système judiciaire », a annoncé Islam Shahwan,
porte-parole de la Force exécutive du Hamas, chargée de la
police à Gaza depuis le coup de force de la mi-juin. Ce
comité sera dirigé par le commandant Amin Nowfal et
comprendra le chef de l’administration pénitentiaire à Gaza,
Abou Al-Abed Hamid, a-t-il précisé. Selon lui, la création
de ce comité a été rendue nécessaire du fait de la «
consigne donnée par le président de la Cour suprême de
stopper le travail du Parquet et des juges » après la prise
de contrôle du Hamas. « Chaque jour, nous recevons entre 50
et 60 plaintes » restées sans suite du fait de la paralysie
des tribunaux, a assuré Islam Shahwan. Il a souligné que le
comité se chargerait de toutes les questions en litige.
C’est la première fois que le Hamas prend une telle mesure,
qui lui permet d’étendre son contrôle sur le système
judiciaire. Cette procédure a été dénoncée par le ministre
de la Justice de l’Autorité palestinienne, Ali Khachan, qui
l’a jugée illégale et qui a assuré que la justice devait «
rester indépendante ». Le directeur du centre Al-Dhamir de
défense des droits de l’homme à Gaza, Khalil Abu-Shammaleh,
a lui aussi fait part de son opposition. Il a affirmé que la
mise en place d’une telle mesure serait un « sévère recul »
et a demandé aux juges de reprendre leur travail au plus
tôt.
Le gouvernement Fayyad piétine
Mais au moment où le Hamas s’emploie à confirmer sa
légitimité, le premier ministre palestinien Salam Fayyad a
dû renoncer dimanche à soumettre son gouvernement à un vote
de confiance au Conseil législatif (Parlement), ses
partisans ayant décidé de boycotter la séance. « Je voulais
présenter mon gouvernement au Parlement, comme le requiert
la loi, mais apparemment l’institution a failli à son devoir
constitutionnel », a déclaré Fayyad, évoquant la défection
des députés.
Grands vainqueurs des élections législatives de janvier
2006, les partisans de Haniyeh rejettent le cabinet de crise
nommé par Abbass en juin et mettent en avant leur légitimité
à gouverner, acquise dans les urnes. Le Hamas a déjà empêché
à plusieurs reprises le gouvernement Fayyad de poser la
question de confiance au Conseil législatif mais cette
fois-ci, ce sont les partisans du Fatah et d’autres partis
favorables à Abbass qui ont décidé de boycotter la séance,
en signe de protestation et de lassitude.
Un des chefs du Hamas, Ahmed Bahar, a accusé dimanche le
président de violer la loi fondamentale palestinienne,
rappelant que Haniyeh demeurait le premier ministre légitime
et que, selon la législation, Abbass devait remplacer Fayyad
dans un délai de deux semaines.
En revanche, le ministre de l’Information, Ryad Al-Maliki, a
pris la défense de son chef de gouvernement en rejetant la
faute sur le Hamas, expliquant que son boycott systématique
des sessions parlementaires censées introniser le cabinet
Fayyad était la source de ces problèmes constitutionnels.
Les constitutionnalistes, qui ont inspiré les principes de
la loi fondamentale palestinienne, ont estimé il y a
plusieurs semaines que Abbass avait dépassé le cadre légal
de son action en nommant Fayyad dans l’urgence. Ils ont
insisté sur le fait que le nouveau cabinet devait absolument
obtenir la confiance du Conseil législatif pour devenir
légitime.
Soucieux de sortir de cette impasse politique, Abbass a
annoncé l’organisation d’élections législatives et
présidentielle anticipées, une initiative aussitôt décriée
par le Hamas. Aucun calendrier n’a pour le moment été fixé
et ces élections ne devraient pas se tenir avant un an, ont
dit cette semaine des proches du président.
A l’issue d’une réunion de deux jours à Ramallah, les 115
membres du Comité Central de l’Organisation de Libération de
la Palestine (CCOLP) ont décidé à l’unanimité de soutenir le
projet d’élections anticipées du président Abbass, qui
prévoit également un passage au mode de scrutin
proportionnel. Par ailleurs, le CCOLP a décidé la prochaine
tenue d’une réunion du Conseil national palestinien, le
Parlement de l’OLP, qui compte environ 500 membres de
Cisjordanie, de la bande de Gaza et de la diaspora
palestinienne. La date de cette réunion doit être également
fixée par Mahmoud Abbass.
Or, les islamistes du Hamas sont loin d’admettre le projet
d’élections anticipées de Mahmoud Abbass. « Les élections
anticipées sont une tentative de contourner la volonté du
peuple palestinien et cette tentative est vouée à l’échec.
Elle échouera. Nous, le peuple palestinien, la ferons
échouer », a déclaré, lors d’une conférence de presse à
Gaza, l’un des principaux chefs du mouvement islamiste,
Mahmoud Zahar. « Le peuple palestinien, dont le Hamas fait
partie, n’acceptera pas des élections anticipées destinées à
satisfaire l’Amérique. Nous sommes à 100 % sûrs que ces
élections seront truquées », a-t-il ajouté. En outre, M.
Zahar n’a pas manqué d’accuser Mahmoud Abbass de comploter
avec Israël. « Il complote avec l’ennemi pour faire
assassiner les chefs du Hamas en affirmant que ceux-ci
creusent leur propre tombe. Il existe un plan israélien pour
pénétrer dans la bande de Gaza avec l’accord d’Abou-Mazen ».
Selon lui, « Abbass a perdu toute crédibilité en tant que
président du peuple palestinien ». D’ailleurs, ce dernier
refuse de dialoguer avec le Hamas « alors qu’il salue Ehud
Olmert avec accolades et baisers ».
Notons que le mouvement islamiste est suffisamment fort à
Gaza pour y prévenir tout scrutin qui n’aurait pas son aval.
A Gaza, Sami Abou-Zouhri, porte-parole du Hamas, a prédit
que Abbass « ne serait pas en mesure d’organiser un
quelconque scrutin sur le terrain sans un accord national »
et estimé que les décrets-lois pris par Abbass pour
convoquer les électeurs aux urnes ne « seraient que des
chiffons de papier ».
Rania
Adel