Mariout . Ce lac qui a
longtemps souffert de plusieurs maux, dont la sécheresse et surtout la
pollution industrielle, a été enfin visé par la deuxième phase du projet de
contrôle de la pollution industrielle.
Un lac à la dérive
Cinquante
mille feddans. Telle était la surface du lac Mariout dans le gouvernorat
d’Alexandrie en 1889. Jadis, l’eau du lac était douce et pure, ce dernier
s’étendait sur 80 km au long de la côte nord, à l’ouest d’Alexandrie. Aujourd’hui,
l’image a changé. Le lac Mariout ne couvre que 15 000 feddans. Plus encore, son
eau est considérée comme la plus polluée des lacs égyptiens. La pollution s’est
montrée intense en 1986, quand le lac a commencé à devenir le réservoir
accueillant le drainage agricole des gouvernorats de Béheira et d’Alexandrie. «
C’est depuis les années 1960 que ce lac a commencé à perdre son équilibre
biologique à cause de la pollution intensive. Cette pollution provient
essentiellement des évacuations des eaux usées, des déchets industriels et des
drains agricoles qui sont crachés quotidiennement dans le lac, sans aucun
traitement », explique le Dr Massoud Abdel-Rahmane, ancien président du département
des sciences des mers à la faculté des sciences de l’Université d’Alexandrie.
Les
analyses effectuées sur des échantillons tirés du lac en 2004 ont révélé que le
lac contient des matières solides complètes et d’autres en suspension qui
dépassent de loin les normes désignées par la loi sur l’environnement, tant et
si bien que la nature de l’eau du lac a subi des changements chimiques et
biologiques brusques. Cette étude, effectuée par un groupe d’experts du secteur
de l’environnement dépendant du ministère de la Santé à Alexandrie ainsi que
par les experts du Centre de monitorage environnemental et des études de
l’environnement du travail à Imbaba, au Caire, est venue tirer la sonnette
d’alarme.
A vrai
dire, le groupe d’experts a dressé un bilan plutôt noir. Les chiffres étaient
trop alarmants. Pour débuter, l’étude a avoué qu’il y a quelque 130 industries
qui se débarrassent des eaux usées à l’état brut dans l’eau du lac, notamment
la Compagnie des pétrochimiques. En ce qui concerne les analyses chimiques, 36
à 68 % des échantillons dépassaient de loin les normes désignées par la loi
numéro 4 sur l’environnement de l’année 1994, ce qui veut dire que la qualité
de l’eau du lac est de loin inférieure au niveau désigné par la loi. Quant à
l’analyse bactériologique, 76 % des échantillons pris du lac n’étaient pas
conformes aux normes désignées par la loi 48 de l’année 1982, surtout en ce qui
concerne la matière 66 relative à l’évacuation des déchets liquides dans les
lacs ou les cours d’eau en général.
Les
métaux lourds ont également figuré parmi les éléments qui ont été suivis par
les analyses. 25 échantillons de 12 métaux ont été analysés et la plupart des
résultats dépassaient les normes.
Cette
lourde pollution a eu sans doute ses effets négatifs sur les richesses
piscicoles du lac Mariout. Les analyses des poissons ont révélé que le taux des
métaux lourds dans les poissons est élevé. Le plomb existe dans tous les
échantillons des poissons, alors que le cadmium n’en existe que dans 65 %
seulement.
Les
données viennent donc confirmer que ce qui se passe dans le lac Mariout est un
crime environnemental au vrai sens du mot, et les responsables sont demeurés
sourds-muets et aveugles pendant de longues années.
Mais
l’affaire a dépassé toutes les limites. La détérioration de la qualité de l’eau
et des poissons menace la vie des citoyens qui vivent sur les rives du lac et
dont toutes les activités en dépendent. Les citoyens risquent de perdre leur
gagne-pain. La pêche, qui est l’activité essentielle, doit cesser, car les
poissons du lac ne sont pas propres à la consommation humaine. Plus encore, les
citoyens risquent de tomber malades et d’avoir des problèmes de santé car ils
sont exposés au quotidien à maints dangers à cause de la grave pollution dont
souffre le lac. Ce qui rend l’affaire encore plus compliquée, c’est qu’un
dessèchement complet du lac affectera brusquement l’équilibre écologique et la
diversité biologique, même si le lac est grièvement pollué.
Mais
heureusement, désormais, l’image, qui était trop sombre en 2004, ne le sera
plus. Le ministre de l’Environnement, Magued Georges, a déclaré en 2007, le
début de la deuxième phase du projet de contrôle de la pollution industrielle
qui visera la dépollution du lac Mariout ainsi que celle de deux autres points
chauds.
Lutte contre la pollution industrielle
Pour
sortir du cercle vicieux, le gouvernement égyptien en coopération avec la
Banque mondiale et divers autres bailleurs de fonds, comme la Banque japonaise
pour la coopération internationale, la Banque européenne d’investissement,
l’Agence française de développement et le gouvernement finlandais se sont mis
d’accord sur une enveloppe financière de 165 millions de dollars pour un
programme destiné à réduire la pollution industrielle au niveau de différents «
points chauds » identifiés sur le territoire égyptien. C’est ainsi que le
Conseil des administrateurs de la Banque mondiale a approuvé en mars 2006, à
titre de cofinancement, un prêt de 20 millions de dollars.
Cet
apport permet d’étendre l’effort précédemment consenti par la banque et le
gouvernement finlandais pour financer la lutte contre la pollution en Egypte. Dans
le cadre de cette phase initiale, qui se chiffrait à 35 millions de dollars, 25
projets antipollution ont été financés au niveau de 21 entreprises entre 1997
et 2005. Cette phase initiale a été connue en Egypte sous le nom de Projet du
contrôle de la pollution industrielle.
L’un
des points chauds en question et qui sera visé par la deuxième phase du projet
de contrôle de la pollution industrielle est le lac Mariout. La pollution du
lac, qui aboutit à l’heure actuelle dans la mer Méditerranée à Alexandrie, fera
l’objet d’un effort ciblé au moyen d’un apport du Fonds pour l’Environnement
Mondial (FEM) estimé à 7,5 millions de dollars, dans le cadre d’un projet dont
la préparation doit débuter prochainement. Le financement du FEM ira à des
activités de conservation, de protection et de mise en valeur du lac Mariout,
l’objectif étant de réduire la pollution qui se déverse dans la mer
Méditerranée.
En
effet, même si l’objectif de ce projet est de dépolluer la Méditerranée, il
n’est pas à douter que le lac Mariout et les Egyptiens qui vivent sur ses rives
vont bénéficier. Mais la question qui cherche une réponse est : Jusqu’à quand
doit-on attendre les aides étrangères pour venir résoudre nos problèmes locaux
et comment résoudre les problèmes des huit autres lacs égyptiens qui souffrent
également de pollution et qui risquent de devenir des lacs morts dans les
années à venir ? .
Dalia Abdel-Salam