Pakistan .
En proie à toute une série de pressions à l’intérieur et à
l’extérieur du pays, le président
Musharraf se trouve en bien mauvaise posture.
Le régime commence-t-il à chavirer ?
Depuis l’assaut contre la Mosquée rouge, les ennuis tombent
dur sur la tête du président pakistanais
Pervez
Musharraf : une vague sans précédent d’attentats
faisant 200 morts en une semaine pour venger les islamistes
péris à la Mosquée, spectre d’une guerre civile sans merci,
graves pressions américaines l’incitant à déployer plus
d’efforts pour éradiquer le terrorisme. Dernier coup adressé
à Musharraf : la réinstallation,
cette semaine, dans ses fonctions du juge
Iftikhar
Chaudhry, par la Cour suprême du Pakistan, en
déclarant illégale sa suspension le 9 mars dernier par le
chef de l’Etat, qui essuie là un revers majeur. Se pliant à
la décision de la Cour pour en finir avec cette crise et se
consacrer à sa guerre avec les islamistes, le président
Musharraf a déclaré aussitôt : «
Le jugement de la Cour suprême sera honoré, respecté et
chacun devra s’y plier ».
Selon les analystes, Chaudhry
est devenu, malgré lui, le héros et l’un des porte-drapeaux
de l’opposition, qu’il s’agisse des partis séculiers ou
confessionnels, dont les militants se massaient à chacune
des manifestations de soutien au magistrat. Et même sur le
plan du droit, le rétablissement de ce juge, fort d’un tel
soutien populaire, semble compromettre une éventuelle
réélection de M. Musharraf,
selon les experts. A plusieurs reprises avant le 9 mars, le
magistrat avait laissé entendre que la Constitution ne
permettait pas au chef de l’Etat sortant de se représenter
avant les législatives, la loi fondamentale imposant qu’il
abandonne avant la fin 2007 sa casquette de chef des armées,
que le général Musharraf cumule
avec celle de président depuis son coup d’Etat sans effusion
de sang du 12 octobre 1999.
M. Musharraf n’a jamais fait
mystère de son intention de briguer un nouveau mandat devant
le Parlement sortant, qui lui est acquis, avant les
législatives prévues pour fin 2007-début 2008, tout en
conservant la direction de l’armée, un élément-clé du
pouvoir dans ce pays. « Les ennuis
ont commencé pour Musharraf le 9
mars suite à l’affaire du juge. L’assaut contre la Mosquée
rouge n’a fait donc que mettre de l’huile sur le feu et
exacerber l’opposition qui persiste dans ses revendications,
dont la permission à Benazir Bhutto, ancien premier ministre
évincée, de regagner le pays et donner plus de liberté à son
parti et la renonciation de Musharraf
au commandement de l’armée », explique Mohamad
Fayez
Farahat, analyste politique. Dimanche, Mme Bhutto a
déclaré depuis Londres qu’elle pourrait revenir dans son
pays dès septembre, éventuellement dans le cadre d’un accord
avec l’actuel président Pervez
Musharraf, posant comme
conditions nécessaires des élections justes et un équilibre
des pouvoirs entre le président et le Parlement.
Washington critique
Outre les critiques intérieures,
Musharraf était cette semaine en butte à de graves
critiques de la part de ses alliés, les Américains.
Dimanche, le ton est monté entre le Pakistan et les
Etats-Unis qui affirment que le numéro un d’Al-Qaëda,
Ossama bin
Laden, se trouve au Pakistan et menacent ouvertement de
mener une action militaire sur des cibles liées au
terrorisme dans ce pays. Menaçant, le directeur des
renseignements américain, Mike
McConnell, a ouvertement reproché au gouvernement
pakistanais d’avoir laissé Al-Qaëda
se reformer dans les zones tribales frontalières. Un rapport
des renseignements américains a indiqué qu’Al-Qaëda
s’est reconstituée dans une « zone sanctuaire » au Pakistan
et qu’elle est déterminée à infliger des pertes massives par
de nouvelles attaques aux Etats-Unis.
Furieux, Islamabad a réagi à ces remarques et au refus
récent de la Maison Blanche d’exclure des frappes au
Pakistan, qualifiant d’irresponsables et de dangereuses les
intentions américaines : « Ossama
bin Laden n’est pas présent au
Pakistan », a indiqué le ministre de l’Intérieur
pakistanais, Aftab
Sherpao. De sa part, l’armée
pakistanaise a affirmé que les forces pakistanaises sont
tout à fait capables de « conduire une opération contre des
activistes sur son territoire et est seule autorisée à le
faire », selon son porte-parole, le général
Waheed
Arshad. Analysant cette tension que traversent les
relations actuelles entre Islamabad et Washington, M.
Farahat estime : « Malgré cette
tension, les deux pays ont en fin de compte le même objectif
: combattre le terrorisme. Leurs intérêts se rejoignent. En
anéantissant les militants d’Al-Qaëda,
Islamabad cherche à protéger son régime et Washington
cherche à empêcher de nouvelles attaques à son encontre.
Mais, Washington s’impatiente et pousse toujours
Musharraf à faire plus ». Cela
n’empêche que Musharraf, en
tentant de protéger son régime de la sorte, suscite en fait
de plus en plus de mécontentement parmi son peuple, et
risque gros.
M.
Ch.