Iraq-Turquie .
Ankara menace d’une intervention transfrontalière pour
contrer la rébellion kurde. Bagdad met en garde contre les
ingérences mais rassure ses voisins.
Le casse-tête kurde refait surface
Alors que la violence confessionnelle et les attentats
visant les forces de la coalition continuent de faire rage
en Iraq, le gouvernement s’est trouvé cette semaine face à
une autre crise, non moins importante, suscitée par les
velléités turques d’intervention contre les rebelles kurdes
installés en territoire iraqien. Selon Massoud Barzani, le
président de la région iraqienne du Kurdistan, l’armée
turque aurait d’ores et déjà pilonné dimanche dernier un
bastion des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan
(PKK) dans les montagnes du nord de l’Iraq. « Il y a eu des
attaques des forces turques dans des secteurs proches de la
frontière, mais, pour le moment pas d’invasion du territoire
kurde en Iraq », a déclaré M. Barzani. Assez tout de même
pour susciter l’inquiétude des autorités iraqiennes, déjà
empêtrées dans la lutte contre la violence qui, jusqu’à
présent, n’a donné aucun résultat tangible.
La menace se faisait déjà sentir depuis plusieurs jours, la
Turquie ayant massé ses troupes près de la frontière
iraqienne pour préparer l’assaut dès la semaine dernière. Ce
qui n’a pas manqué de provoquer la colère de Bagdad. Le
président iraqien Djalal Talabani, lui-même Kurde, a
souligné que l’Iraq n’accepterait « aucune ingérence dans
ses affaires intérieures ». Partageant le même avis, le
premier ministre iraqien a affirmé que son pays ne devait
pas servir de base d’opérations contre ses voisins et mis en
garde contre toute ingérence, alors que les liens sont
tendus avec Ankara. « La terre iraqienne doit être respectée
et ne pas être transformée en champ d’opérations, nous ne
voulons pas blesser nos voisins, nous ne voulons pas non
plus qu’ils interfèrent en Iraq, en pénétrant dans le pays
et y combattant qui que ce soit », a déclaré Nouri Al-Maliki,
au cours d’une conférence de presse à Erbil, au Kurdistan. «
Il n’y a aucun doute parmi nos frères, au sein du
gouvernement régional du Kurdistan ou du gouvernement
d’union nationale iraqien, sur le fait que l’Iraq ne peut
pas être le point de départ d’attaques contre les pays
voisins », a-t-il poursuivi. M. Maliki a toutefois prévenu
que « s’il y a le moindre problème, nous ne devons pas
recourir à la violence, car cela ne fera qu’accroître
l’intensité du problème ».
Modération
Le gouvernement régional du Kurdistan, qui comprend les
provinces d’Erbil, de Souleimaniyeh et de Dohouk, est
autonome depuis la fin de la guerre du Golfe de 1991. Son
président, Massoud Barzani, a joué la modération. « Je ne
veux pas utiliser le langage de la menace, la guerre ne
résout pas les problèmes. Nous voulons discuter avec eux en
toute amitié », a-t-il déclaré, en référence aux autorités
turques, mais sans les nommer.
De l’avis de l’analyse Gamal Zahrane, professeur à la
faculté de sciences politiques et économiques à l’Université
du Canal de Suez, la question kurde étant compliquée et
mêlant les intérêts de plusieurs pays à la fois, elle ne
peut être réglée que par le biais des négociations qui
englobent toutes les parties et qui prennent en
considération leurs revendications légitimes.
Or, la mise en place d’un gouvernement régional du Kurdistan
en Iraq ne manque pas de susciter l’inquiétude d’Ankara, qui
craint que cela n’alimente la rébellion kurde dans son
territoire, et qui estime que des milliers de rebelles du
PKK utilisent le nord de l’Iraq comme base arrière pour
leurs opérations dans le sud-est anatolien où la population
est en majorité kurde. D’autant plus que l’armée américaine
a transféré le 30 mai la responsabilité de la sécurité des
trois provinces kurdes d’Iraq au gouvernement régional du
Kurdistan.
La crise peut donc éclater à tout moment. Le chef de
l’état-major turc, le général Yasar Buyukanit, a rappelé que
l’armée était favorable à une incursion pour déloger les
militants du PKK de leurs camps dans le nord de l’Iraq, mais
qu’il incombait au gouvernement de prendre la décision. De
leur côté, les autorités iraqiennes, tout en mettant en
garde contre des ingérences, jouent la modération en raison
de la complexité de la donne intérieure.
Maha
Salem