Fransesco
Frangialli,
secrétaire général de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT),
évoque les obstacles qui entravent l’expansion de
l’industrie du tourisme, notamment au Moyen-Orient.
« Malgré les conflits, le tourisme est en augmentation au
Moyen-Orient »
Al-Ahram
Hebdo : Quelle est la mission exacte de l’OMT
?
Fransisco
Frangelli : L’OMT est la
première organisation internationale dans le domaine du
tourisme. Institution spécialisée des
Nations-Unies, elle joue un rôle essentiel dans
l’encouragement du tourisme responsable, durable et
accessible à tous en veillant tout particulièrement aux
intérêts des pays en développement.
— L’expansion du tourisme rencontre plusieurs défis comme la
pauvreté et la préservation de l’environnement ... Comment y
faire face ?
— Ces toutes dernières années, les dirigeants de la planète
ont recensé une série de défis de dimension vraiment
mondiale, l’extrême pauvreté et le changement climatique
étant les problèmes les plus clairs qui imposent un
changement de comportement et des innovations pour trouver
des remèdes efficaces avec le temps. Le tourisme peut et
doit jouer son rôle pour résoudre l’un et l’autre. Les
gouvernements et le secteur privé doivent accorder une
importance accrue à ces facteurs dans les stratégies de mise
en valeur touristique et dans les stratégies en matière de
climat et de pauvreté. Cela exige une croissance plus
responsable. Le tourisme est devenu à la fois victime et
facteur du changement climatique. Notre secteur doit réduire
ses émissions. On a aussi une crise provisoire ces jours-ci,
qui est la crainte de la propagation d’une pandémie de
grippe aviaire. Ça sera un grand choc pour le tourisme parce
que les frontières seront fermées. Certaines zones seront
complètement isolées.
— Qu’est-ce que l’OMT a envisagé
pour faire face à cette épidémie ?
— Nous conseillons à chacun dans le secteur du tourisme de
suivre les recommandations de l’OMT
comme celles de l’OMS et de se tenir en permanence sur ses
gardes. Si jamais les choses prennent un tour plus sérieux,
nous serons prêts, en coopération avec les autorités
sanitaires et d’autres organisations du secteur, à diffuser
de nouvelles recommandations et de nouveaux principes
directeurs. Grâce à nos contacts avec l’OMS et avec d’autres
organisations s’occupant du tourisme, nous surveillons
continuellement la situation pour que la communauté
touristique soit parfaitement prête en cas de plus grande
propagation de l’épidémie. Le secteur du tourisme s’est
engagé à être tout à fait prêt dans le cas d’une pandémie.
Il a été lancé un portail spécial,
www.sos.travel, pour aider les voyageurs et les
professionnels dans l’hypothèse de pareille urgence. Une
bonne planification, un dispositif de communication sans
ambiguïté entre direction et personnel, des travailleurs
parfaitement préparés et une marche à suivre claire pour
assurer la sécurité des clients et du lieu de travail sont
les clés de la protection des intérêts des voyageurs, des
entreprises et de l’ensemble du secteur. Notre objectif est
d’être utile aux voyageurs et à l’économie mondiale, dans
laquelle le tourisme pèse beaucoup, afin de prévenir ou, du
moins, d’atténuer les répercussions de ce qui reste à ce
jour une épidémie limitée.
— Ces problèmes affectent-ils la croissance du tourisme
mondial ?
— Le tourisme a été victime de chocs extérieurs très
nombreux comme le terrorisme, les conflits militaires, les
épidémies comme le Sras, les
crises naturelles, comme le Tsunami, mais il est de plus en
plus résistant, les consommateurs, les organisations, et les
entreprises s’adaptent et réagissent mieux. Donc, l’ensemble
de l’industrie du tourisme va bien, elle a connu une
croissance de 4 % l’année dernière avec 842 millions de
touristes internationaux. La croissance du tourisme devrait
être de 4,5 % en 2007. Le tourisme mondial est entré depuis
trois ans dans une nouvelle phase de croissance plus solide
et plus responsable.
— Comment l’OMT aide-t-elle les
différents pays à surmonter leurs crises ?
— Nous avons beaucoup d’activités dans ce domaine-là, nous
avons un comité de crise et des programmes spéciaux pour
cela et nous préparons par exemple un plan de travail pour
confronter la pandémie de la grippe aviaire en coopération
avec l’OMS et le coordinateur de l’Onu. On présente aux pays
membres des aides techniques comme des séances de formation
et de stimulation ainsi que des manuels pour se préparer à
confronter n’importe quelle crise et ensuite apprendre à
bien réagir. Dans certains cas flagrants, on accorde des
aides matérielles comme ce qui s’est passé avec l’Indonésie
après le Tsunami.
— Comment l’OMT prévoit-elle les
plans de développement de l’industrie du tourisme au niveau
mondial ?
— La résistance aux crises que j’ai déjà mentionnées a pour
conséquence que nous sommes sur une pente ascendante. Nous
prévoyons 1,1 milliard de touristes internationaux en 2010
et 1,6 milliard en 2020. C’est impressionnant, mais en même
temps, c’est un défi pour tout le monde.
— Quels sont les pays qui connaissent la plus grande
augmentation de fréquentation touristique ?
— Il y en a beaucoup parce qu’en fait, le tourisme se
globalise. Jusqu’à maintenant, c’était l’Asie pacifique qui
augmentait le plus vite. Il y a quelques années, il y a eu
de très bonnes nouvelles pour l’Afrique qui a augmenté
beaucoup plus vite que d’autres régions mais naturellement,
l’Inde a été témoin d’une croissance exceptionnelle de 14 %
avec 4 millions de touristes et la Chine de 7 % avec 40
millions d’arrivées.
— Quelle est exactement la situation de l’Afrique ?
— L’Afrique représente 3 % des recettes et 4 % des arrivées
dans le tourisme mondial. C’est vrai que ce sont de petits
chiffres mais il existe quand même des signes encourageants
à partir de ces petits chiffres, puisque le taux de
croissance est assez bon, y compris dans l’Afrique
subsaharienne surtout avec les projets du ST-EP concernant
le développement durable du tourisme dans les pays démunis
desquels profitent plus de 47 pays dont la moitié est en
Afrique.
— Quelle est l’influence des conflits au Moyen-Orient sur le
développement touristique dans la région ?
— Malgré les guerres et les conflits au Moyen-Orient, le
nombre de touristes dans cette région est en augmentation.
Il a augmenté de 3,9 % l’année dernière. Ce qui est bien.
Mais il faut noter que l’un des facteurs importants, c’est
que la clientèle régionale reste dans la région c’est-à-dire
que les voyageurs de l’Arabie saoudite et du Golfe sont
allés au Liban, avant les dernières perturbations, à Doubaï
ou bien ils se sont rendus à Charm
Al-Cheikh et sur les côtes de la
mer Rouge. Donc, cette clientèle
intra-régionale était un facteur de stabilité et de
solidité du secteur tourisme au Moyen-Orient.
— Comment faire pour surmonter ce genre de crises ?
— Nous ne pouvons malheureusement pas empêcher les guerres,
mais le tourisme peut faciliter la compréhension entre les
peuples et également lorsqu’un conflit arrive à trouver sa
solution, le tourisme facilite ensuite la consolidation
après le conflit. Que les gens se connaissent, travaillent
ensemble, gagnent de l’argent ensemble, naturellement
l’incitation à se battre est moins grande.
— Le tourisme peut donc jouer un rôle dans le dialogue des
civilisations et des religions ?
— Certainement. Le tourisme a tout à fait sa place puisque
quand on se rend dans un pays quelconque et qu’on est en
contact direct avec sa population, il est difficile après
cela d’exprimer une hostilité envers ces gens. A ce même
sujet, on a consacré une conférence qui aura lieu à Cordoba
en Espagne au mois d’octobre et dont le thème principal sera
l’impact du tourisme sur la réconciliation entre les
civilisations et les religions.
— Comment évaluez-vous l’expérience égyptienne en matière du
tourisme ?
— Nous avons une coopération très forte avec l’Egypte. C’est
un pays qui joue un rôle important à l’OMT.
Elle a réussi à diversifier son produit touristique et à
l’améliorer encore plus. C’est vrai que l’Egypte a été
victime de plusieurs attaques terroristes qui lui ont causé
beaucoup de difficultés. Elle a réussi à les surmonter
rapidement. D’ailleurs, après certaines de ces attaques,
celle qui a eu lieu au Sinaï en 2002, nous avons apporté une
aide technique au gouvernement égyptien. Cette aide était
sous forme de stages de formation des cadres pour leur
apprendre par exemple comment communiquer avec les touristes
et les grands tour-opérateurs dans le monde en temps de
crises ou quand est-ce qu’ils doivent appliquer un profil
bas dans telle ou telle situation. Nous travaillons
actuellement avec le côté égyptien qui nous a demandé notre
appui technique pour redéfinir son plan de développement
stratégique et s’orienter vers le développement plus
durable. C’est ce que nous sommes en train de commencer
maintenant avec le côté égyptien.
— Existe-t-il un code d’éthique du tourisme?
— En 2001, on a pu élaborer un Code d’éthique du tourisme (CMET).
Ce code mondial est un ensemble complet de principes ayant
pour but de proposer des orientations générales aux parties
prenantes au développement du tourisme, à savoir aux
gouvernements centraux et aux pouvoirs publics locaux, aux
communautés locales, au secteur du tourisme et à ses
professionnels, et aux visiteurs, qu’ils soient
internationaux ou internes. Ceci dit, le code mondial
d’éthique du tourisme constitue un cadre de référence pour
le développement rationnel et durable du tourisme mondial à
l’aube du nouveau millénaire. Il s’inspire de nombreux codes
professionnels et déclarations analogues qui l’ont précédé
et il y ajoute de nouvelles idées qui reflètent notre
société en mutation. Le tourisme international devant
presque tripler, selon les prévisions, au cours des vingt
prochaines années, les membres de l’OMT
sont convaincus que le code mondial d’éthique du tourisme
est nécessaire pour essayer de réduire au minimum les effets
négatifs du tourisme sur l’environnement et le patrimoine
culturel et, en même temps, d’en maximiser les avantages
pour les habitants des destinations touristiques l
Propos recueillis par
Dalia
Farouk