Nil .
Les pays riverains mettent les dernières touches à l’accord
de gestion et de répartition de l’eau du fleuve. Il reste à
régler les problèmes locaux : le gaspillage et la pollution.
La guerre de l’eau à l’horizon 2025 ?
Les
changements climatiques, notamment le réchauffement
planétaire, c’est la question qui préoccupe le plus le monde
actuellement. Les différents scénarios prévoient maintes
catastrophes naturelles telles que les inondations, la
sécheresse ou encore les pénuries d’eau. En effet, ce sont
ces dernières qui nous concernent le plus en Egypte. Les
Egyptiens vivent déjà sous le seuil de pauvreté en eau (le
seuil de pauvreté est de 1 000 m3/an/personne), avec une
part de 750 m3/an/personne. Pire encore, la part de l’Egypte
dans l’eau du Nil est la même depuis 1959, à savoir 55,5
milliards de m3 par an, alors que la population a triplé
entre-temps. Cela veut dire que même avant de subir les
conséquences du changement climatique, l’Egypte a déjà un
grave problème d’eau.
Les experts internationaux l’ont révélé l’année dernière en
assurant qu’à l’horizon 2025, trois pays du bassin du Nil
(l’Egypte, le Soudan et le Kenya) souffriront de pénurie
d’eau douce. Selon l’expert international égyptien
Moustapha Kamal
Tolba, ancien directeur exécutif
du Programme des Nations-Unies
pour l’Environnement (PNUE), les derniers rapports mondiaux
ont révélé qu’à cause des changements climatiques, le niveau
de l’eau du Nil diminuera de 40 à 70 %. « Si cela arrive, ce
sera une vraie catastrophe pour l’Egypte et sans doute
sera-t-on obligé de déclarer la guerre de l’eau. L’Egypte,
comme tous les pays du bassin du Nil, n’a pas fait les
calculs nécessaires pour savoir les quantités d’eau du Nil
qui diminueront comme résultat du changement climatique.
Nous devons prendre connaissance des dimensions du problème
pour préparer les plans nécessaires », explique le Dr
Tolba. Malgré le manque d’eau
douce dont souffre l’Egypte, l’agriculture à elle seule
consomme 85 % de l’eau du Nil, contre 10 % pour l’Industrie
et 5 % pour les particuliers, selon les chiffres du Dr
Hussein Al-Atfi, porte-parole
officiel du ministre de l’Irrigation et des Ressources
hydrauliques.
« Les modes d’irrigation de l’agriculture égyptienne n’ont
jamais changé, les réseaux d’irrigation sont là depuis
des dizaines d’années. En Egypte, il n’y a pas moyen
d’élever l’eau grâce à l’électricité, c’est pourquoi nous
avons recours à l’irrigation au sol de certaines cultures,
comme le riz, qui demande une grande quantité d’eau »,
explique le Dr Tolba. Il ajoute
que pour changer ces modes d’irrigation, cela coûterait à l’Etat
des milliards de L.E. qu’il ne peut assumer, même en
envisageant la tarification de l’eau.
Les comportements mis en cause
Si la quantité de l’eau est un problème que l’on n’a pas
occasionné et que l’on ne pourra certainement pas juguler à
100 %, celui de la qualité de l’eau du Nil est le résultat
de nos méconnaissances et de notre manque de respect pour ce
fleuve vénéré dans des temps plus anciens.
Les sources de la pollution du Nil sont multiples, mais la
pollution par le drainage sanitaire et l’eau des égouts
figure en haut de liste des polluants
du fleuve. Selon le Dr Mahmoud
Abou-Zeid, ministre de l’Irrigation et des Ressources
hydrauliques, seuls 60 % des villes et 4 % des villages
jouissent d’un réseau d’égouts tandis que tous les autres se
débarrassent de leurs eaux usées directement dans le Nil. «
Le gouvernement a étendu des réseaux d’eau potable à
certaines agglomérations sans élargir en conséquence le
réseau des égouts, ce qui n’a fait qu’augmenter les
quantités d’eau usées déversées dans le Nil à travers les
canaux qui sont répandus dans les villages », déplore le Dr
Abou-Zeid. Le ministre a de même
ajouté que le comportement des citoyens aggrave le problème,
car outre l’eau usée, ils jettent toutes sortes de déchets
dans les cours d’eau. La situation est grave et les chiffres
le montrent : le volume du tout-à-l’égout brut ou traité
partiellement qui se déverse dans le Nil atteint 1,8
milliard de m3 par an.
Et les citoyens ne sont pas seuls responsables, les
industries déversent aussi des déchets en tout genre dans le
Nil. Selon le ministre de l’Environnement,
Magued Georges, le fleuve reçoit
chaque année 549 millions de m3 de déchets industriels. «
Notre ministère a pu aider 34 industries à opérer une
reconversion de leurs méthodes. Elles représentent un volume
de 100 millions de m3 », précise le ministre de
l’Environnement. Mais les 449 millions de m3 restants de
déchets industriels liquides sont toujours déversés dans le
Nil. Selon les rapports du ministère de l’Environnement,
l’industrie alimentaire et l’industrie chimique sont les
premiers coupables en matière de déchets industriels. Autre
source de pollution qu’il ne faut pas oublier : le drainage
agricole déversé directement dans le Nil et qui s’élève à
12,2 milliards de m3 par an. Outre les quelque 919 bateaux
de pêche sur lesquels travaillent 7 643 pêcheurs, et qui se
débarrassent de leurs déchets dans l’eau du fleuve.
Pour parer à l’ampleur du problème, les ministères
concernés ont mis au point des plans de travail consécutifs,
dont les résultats peinent à se faire sentir. Quant à la
quantité de l’eau du Nil due à l’Egypte, elle sera à
négocier à travers le nouvel accord qui sera signé
prochainement par les pays du bassin du Nil. Le ministre de
l’Irrigation et des Ressources hydrauliques s’est contenté
de déclarer que 95 % de ses dispositions ont été acceptées
par les pays riverains et que des experts sont en train de
mettre les dernières touches aux 5 % restants. « Ce nouvel
accord est supposé organiser et répartir l’eau du Nil d’une
façon qui respecte les droits des 10 pays riverains » l
Dalia
Abdel-Salam