Al-Ahram Hebdo, Visages | Ossama Al-Ghazali Harb, L’idéologue pluriel
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 Semaine du 20 au 26 Juin 2007, numéro 667

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Visages

Ossama Al-Ghazali Harb, rédacteur en chef de la revue Al-Siyassa al-dawliya (politique internationale), a un parcours semé de virevoltes d’opinions. Il est aujourd’hui l’une des figures emblématiques d’un nouveau parti, Le Front démocratique. 

L’idéologue pluriel 

Il a cette manière de se familiariser avec les gens qui fait tomber les barrières. En entrant dans son bureau de la revue Al-Siyassa al-dawliya (politique internationale), partie du groupe de presse Al-Ahram, il engage une conversation affable avec les journalistes qui l’entourent. En dépit de ses postes et fonctions multiples, il préserve son sarcasme comme un homme sans soucis. Il s’adresse à son secrétaire : « Nasser, s’il te plaît, n’interromps pas l’entretien et dis que je parle en direct à la radio ou à la télévision ! Ou bien que je tourne un film ! ». Ce rédacteur en chef d’Al-Siyassa al-dawliya vient de fonder un nouveau parti politique, Le Front démocratique. Il continue cependant à remplir ses fonctions de parlementaire en tant que membre du Conseil consultatif. Il est aussi conseiller auprès du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram et publie régulièrement ses écrits dans la presse arabe. Un temps, il a aussi enseigné les sciences politiques à l’Université du Canal de Suez.

A 60 ans, il reste aussi polémique qu’à ses débuts. Car l’homme n’a cessé de changer d’idéologie politique son parcours durant. Enfant et adolescent, il se rangeait du côté nassérien, influencé par l’ère du temps. Ensuite, étudiant à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire, il a de plus en plus viré à gauche, au gré des transformations du pays dans les années 1960, rejoignant l’Organisation de la jeunesse socialiste. Avant de revenir vers une position plus libérale vers la moitié des années 1980.

Un itinéraire qui se reflète sur son parcours professionnel. Au début des années 1990, il a fondé avec l’économiste Saïd Al-Naggar l’assemblée libérale d’Al-Nidaa al-gadid. Puis, il a été membre du Comité des politiques, présidé par Gamal Moubarak, au sein du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir). Mais il en a claqué la porte en 2005, en signe de protestation contre l’amendement constitutionnel et notamment celui de l’article 76 sur l’élection présidentielle. « Au départ, j’étais optimiste sur ce comité au sein du PND regroupant près de 30 personnalités éminentes œuvrant à la réforme », explique ce politicien et analyste issu de la classe moyenne.

Lorsqu’il raconte sa vie, c’est comme pour justifier ses horizons diversifiés. Choubra, son quartier cairote natal, abritait autant de musulmans que de chrétiens. Son père, professeur d’arabe, diplômé d’Al-Azhar (la plus haute instance sunnite), était de tendance libérale mais a quand même écrit La femme dans l’islam, considéré aujourd’hui comme un ouvrage de référence. « J’avais 7 ans lorsqu’un matin mon père est parti prononcer le sermon du vendredi à la mosquée et n’est jamais rentré », dit-il.

Le jeune Ossama, toujours premier de sa classe, entend dire que son père aurait tourné Nasser en dérision pendant son sermon, ce qui lui valait six mois de prison. « C’était le premier incident politique de ma vie. J’ai alors compris ce que voulait dire une arrestation politique », ajoute-t-il.

A 9 ans, il vit l’agression tripartite de 1956. Un an plus tard, lors d’une excursion à Port-Saïd avec des camarades de classe, il est frappé par la destruction de la ville. Une image qui reste à jamais gravée dans sa mémoire, peut-être responsable de son choix pour les sciences politiques, contrairement à la volonté de son père qui le voyait plutôt médecin.

Dès le début de ses études, il est témoin des vagues d’arrestations de Frères musulmans en 1965, qui ont abouti à l’exécution de Sayed Qotb, le théoricien de cette mouvance religieuse. Près de 18 000 personnes sont arrêtées en une seule nuit, dont le père d’Ossama Al-Ghazali Harb. Un père âgé, à la santé précaire, et qui n’avait pas de rapport avec les Frères musulmans, selon le fils. Cet été-là, il est en camp organisé par les jeunes socialistes dans la banlieue de Hélouan, alors que son père est détenu à quelques kilomètres, dans la prison de Torah. « Cette situation a influencé mon activité dans l’organisation des jeunes socialistes. J’avais un discours très différent comparé à celui de mes collègues. J’insistais plus qu’eux sur la liberté, la démocratie et les droits de l’homme », se souvient Ossama Al-Ghazali Harb, qui continue à prôner les mêmes valeurs. Même si parfois on le taxe de beau parleur, désireux d’être toujours sous les feux de la rampe.

Un autre incident le marque, lorsqu’il pose sa candidature à une bourse en Turquie, délivrée par l’organisation des jeunes socialistes : son nom est rejeté in extremis sous prétexte que son père fait partie des Frères musulmans. Le monde était-il une série d’injustices ?

La défaite de 1967 est un tournant. « La population, sous l’effet de la désinformation, pensait qu’on était vainqueur ! Le choc a été indescriptible ! Je me suis éloigné de mon père pour pleurer, par honte de fondre en larmes devant lui », se rappelle-t-il, affirmant qu’à l’époque, il était convaincu que le système corrompu était à l’origine de la catastrophe. « J’ai pensé que le régime n’était pas assez socialiste, contrairement à ce qu’il proclamait. Alors j’ai plongé dans une lecture approfondie des références marxistes et socialistes », dit-il. Cette recherche poussée de la vérité n’est pas étrangère au choix de sa profession : journaliste. De nouveau, il déçoit son père, qui attendait de lui une carrière de diplomate.

Ossama Al-Ghazali Harb a d’abord rejoint le journal d’Al-Gomhouriya (la République) en 1972. Cette même année, il est arrêté lors des émeutes organisées notamment par les étudiants marxistes, sous Sadate. Le président était accusé d’avoir manqué à ses promesses d’avant-guerre et le pays était en ébullition. Ossama Al-Ghazali Harb passe 15 jours en prison, et par conséquent a été renvoyé de l’armée avant de terminer ses 3 ans de service militaire. « Jusqu’à présent, il est mentionné sur mes papiers officiels que mon service militaire a été interrompu pour causes sécuritaires », ironise-t-il.

Sa deuxième expérience sous les verrous remonte au mois de janvier 1975. Les ouvriers et les Marxistes organisaient alors des manifestations, toujours sous Sadate. Il n’y participe pas, mais ses liens avec Zaki Mourad, alors président du Parti socialiste, sont suspects. « L’expérience a été très intéressante avec Mourad. Six mois durant j’ai connu de près les têtes pensantes du mouvement socialiste », ajoute-t-il sur l’air innocent de celui pris la main dans le sac.

C’est aussi un enchaînement de coïncidences qui l’amène à repenser ses idées socialistes. D’abord, il y a eu cette bourse en Union soviétique à la fin des années 1960, accordée par l’organisation des jeunes socialistes. Optimiste et joyeux sur le départ, il rentre déçu et désabusé. « La rencontre avec les cadres socialistes en prison et la fréquentation des journalistes de gauche au journal d’Al-Gomhouriya ont fait que j’ai décidé de ne plus adhérer à cette réflexion. On y insistait trop sur la loyauté envers l’Union soviétique ».

La ferveur marxiste perd progressivement de son éclat, Al-Ghazali Harb intègre alors la fondation d’Al-Ahram fin 1975. Une nouvelle phase semble commencer. Deux ans plus tard, il est titularisé au Centre des recherches stratégiques d’Al-Ahram et publie son premier livre sur la stratégie israélienne et la résistance dans les territoires occupés. Ses lectures s’opèrent désormais de manière différente. Et le chercheur s’inscrit en thèse, refusant de partir à l’étranger pour obtenir son doctorat. C’est là un autre tournant. « J’étais persuadé que ni le nassérisme ni le socialisme, ni l’islamisme ne me convenaient. J’ai donc décidé d’opter pour le libéralisme ».

A l’époque, il multiplie ses publications et œuvre, dit-on, à changer les orientations du centre de recherche, annexé à Al-Ahram. Celui-ci avait plutôt une réputation socialiste, sous la présidence de l’expert en sociologie politique Al-Sayed Yassine. Au bout de quelques années, Al-Ghazali Harb le remplace. Plus tard, il succède à Boutros Boutros-Gahli, parti aux Nations-Unies, au poste de rédacteur en chef de la revue Al-Siyassa al-dawliya (politique internationale) en 1991. « Je suis incapable de rester figé. On ne peut avoir qu’une seule directive dans la vie. Chaque étape renferme ses propres convictions. Je fais preuve d’une grande flexibilité pour me montrer confiant et convaincu de l’idéologie que j’adopte », explique-t-il.

Ce ne sont pas uniquement ces volte-face qui lui attirent les foudres. Il y a aussi ses diverses et régulières déclarations, sources de vives polémiques. Comme celles sur son soutien à la normalisation avec Israël, conséquence inéluctable de la signature des accords de Camp David. Il en est de même pour ses déclarations, dans la presse, appuyant l’invasion de l’Iraq par les Etats-Unis afin de le libérer du régime corrompu de Saddam Hussein. C’est peut-être en ses positions qu’il faut trouver les causes de son échec aux élections du Syndicat des journalistes en 2005, face au Nassérien Galal Aref.

Le voilà aujourd’hui obtenir l’autorisation de fonder avec entre autres Yéhia Al-Gamal, expert en droit constitutionnel, et Aziz Sedqi, ancien premier ministre de Nasser, un nouveau parti politique, le Font Démocratique. « On ne peut pas rester coincé entre deux pôles politiques : les Frères musulmans et le PND, au pouvoir. Il fallait une nouvelle formation », explique-t-il dans la presse.

Un tel parcours ne s’est pas fait sans le soutien précieux de sa famille : sa femme Mervat, sœur de son ami d’enfance l’homme d’affaires Mamdouh Hamza, et ses deux filles. Celles-ci ont été les premières adhérantes à son parti. En attendant, nul ne peut prévoir quelle sera la prochaine étape.

Rania Hassanein

Retour au sommaire

Jalons 

1947 : Naissance au Caire.

1966 :  Membre de l’Organisation de la jeunesse socialiste.

1969 : Licence en sciences politiques de l’Université du Caire.

1985 : Doctorat en sciences politiques de l’Université du Caire.

1990 : Fondation de l’association politique libérale Al-Nidaa al-gadid.

1991 : Devient rédacteur en chef de la revue Al-Siyassa al-dawliya (politique internationale).

2002-2005 : Membre du Comité des politiques au sien du Parti National  Démocrate (PND, au pouvoir).

2007 : Fondation du nouveau parti politique, Le Front démocratique.

 

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah - Chourouq Chimy
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.